« Vous approchez pas d'elle, elle est bizarre. » peut-on entendre à son passage.
Marcelyne, appelée Marcy par ses amis (du moins si elle en avait), pouvait entendre ce genre de phrases depuis qu'elle était jeune. Elle ne sait pas si c'était son apparence ou son caractère mais en tout cas, elle n'avait jamais su se faire une place chez les autres.
Pardon, c'était un mensonge. Petite, elle était pourtant plutôt vive et active, souriante et joyeuse même. Elle avait été aimée de tous et toujours entourée d'amis.
Puis elle avait quitté Degrassi, son père avait un cancer et on cherchait le meilleur hôpital... Et puis il était mort.
Désormais, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même, renfermée, solitaire. Elle passait tout son temps le nez dans des livres (fantastiques voire morbides) ou à faire des recherches sur le spiritisme et les anciennes religions. Elle n'est pourtant pas quelqu'un de froid ou de foncièrement ermite mais plutôt socialement inadaptée. Elle n'arrive simplement pas à parler aux gens ou à leur montrer ses sentiments. Les personnes préfèrent donc la fuir plutôt que de tenter de parler avec elle. Mais elle s'en fout de toute façon, quand elle fume, le monde s'enfuit.
« J'arrêterai de porter du noir quand ils feront une couleur encore plus sombre. » Dit-elle, un sourcil levé.
Noir, gris et toutes les couleurs entre ces tons. Sa garde-robe n'est pas composée d'un grand panel de couleur. On pourrait penser qu'elle est gothique mais elle ne s'appelle pas gothique. Elle ne porte juste pas de couleur, a toujours les vernis longs, porte des croix et des bagues mais rien de plus. Elle a de grands yeux ambre et des cheveux noirs plutôt courts. Elle a une peau très blanche, tellement qu'elle se fait parfois appelée 'vampire' par les autres. Mais, encore une fois, elle s'en fiche, l'avis des autres ne l'intéressent pas.
« On va retourner à Degrassi. » Lui dit sa mère un jour.
« Ah... » fut la réponse désintéressée de la jeune fille.
Depuis quelques temps, le niveau scolaire de Marcy avait chuté, elle avait déjà doublé et ne faisait aucun effort pour le début de cette année, alors madame Drake, veuve de feu George Drake.
Luna Drake était entomologiste et complètement dans son monde. Depuis que son mari était mort, elle n'arrivait pas à cesser de travailler, abandonnant un peu sa fille à son sort. Elle ne s'était réveillée que maintenant mais Marcy ne lui en voulait pas, elle savait que ça avait été difficile à la mort de son père. Et elle avait réussi à gérer. Gérer en se tuant petit à petit de l'intérieur et devenant cette créature sombre qui faisait peur aux autres.
Quand elle avait encore une âme, vers ses neuf ans, elle avait été à Degrassi et avait été la meilleure amie de Chelsea, sa cousine. Mais c'était il y a longtemps. Bien sûr, elles continuaient à s'envoyer des mails mais c'était superficiel, que des messages où on raconte sa journée en gommant les mauvaises expériences. Pourtant, Marcy adorait sa cousine, elle avait une vision d'elle édulcorée et faussée, peut-être, mais elle l'aimait comme une sœur.
Chelsea avait été son seul lien avec Degrassi et l'époque où tout allait bien quand elle était partie au Canada pour son père. Pendant cinq longues années, elle l'avait vu dépérir sans pouvoir rien faire. Sa mère pleurant chaque soir, pensant que sa fille ne pouvait pas l'entendre puis les visites à l'hôpital... Quand son père était mort, elle ne savait même pas si elle était soulagée ou triste.
Ça faisait maintenant deux ans que son père était mort, deux ans qu'elle se traînait dans la vie, ayant l'impression d'être morte elle-même, fumant pour se sentir mieux, buvant de l'alcool et se fichant de tout.
Sa mère s'était réveillée un matin et avait croisé sa fille, cheveux courts et yeux vides, échec scolaire et sans amis... Et elle s'était réveillée. Elle culpabilisait d'avoir été trop prise par son chagrin pour le voir plus tôt et elle avait décidé de revenir à Degrassi, à ses origines, à l'époque où ils étaient heureux.
Marcy avait haussé les épaules. Au moins elle reverrait Chelsea, et si même sa cousine ne voulait pas lui parler, ici ou ailleurs...