Une faille dans un coeur de roc [LIBRE]

Ce matin, Beth avait quitté la maison familiale à l'aube. Elle avait laissé un de ces fameux post-it sur la porte du frigo, gribouillé par son écriture tremblante, ce qui n'était pas à son habitude : "partie me ressourcer à Toronto. rentre ce soir". Cette matinée n'avait donc rien de banal chez les Spencer. Déjà parce que jamais Beth ne quittait le domicile si tôt pour aller ailleurs qu'au bureau de son père afin de diriger l'empire que son père avait bâtit. Mais aussi parce que Beth ne partait jamais à Toronto sans sa petite famille qu'elle aimait afficher comme une page d'un catalogue IKEA, où tout semble si parfait et où règne une harmonie parfaite. Ce départ précipité était donc on ne peut plus louche pour quiconque connaissait un peu les habitudes de Beth. Mais ça ne s'arrêtait pas là, il y avait une explication à cette fugue matinale à Toronto. Cette nuit là, Beth avait très mal dormi. Elle se sentait nauséeuse, et dérangée par pleins de petites choses qui vous empêchent de dormir sereinement. Tous ces signes avaient poussé Beth à se lever aux aurores, à même pas 5h30 du matin, afin d'aller faire la chose dont elle mourait d'envie depuis bien longtemps. Un test de grossesse. Beth faisait ce geste là chaque mois, avec toujours l'espoir de voir un "+" apparaître. Seulement, il semblait clairement apparaître que son mari n'avait plus la même qualité de sperme qu'avant puisque rien ne se passait dans l'utérus de Beth, malgré d'excellents examens passés auprès de son docteur. Pour elle, le problème venait donc uniquement d'Adrian. Mais ce matin là, elle avait un bon présentiment. Celui que c'était la bonne. Il ne pouvait en être autrement, de toutes façons. Et même si cette mère de déjà deux ados n'avait pas encore de retard dans son cycle, elle décida tout de même à aller faire pipi sur un bâtonnet magique qui allait, selon elle, lui offrir la chance d'être à nouveau maman. Après tout, elle avait dépensé une fortune en achetant un stock de tests de grossesse qui se disaient aptes à déceler une grossesse même avant un jour de retard. Alors ce test allait être +. L'attente fut intenable pour Beth qui restait le regard fixé sur ce bâtonnet à s'en faire mal à la tête. Les 3 minutes d'attente lui permirent de refaire entièrement le monde, ou plutôt sa vie de famille. Elle se voyait déjà enceinte, préparant la chambre de sa future petite fille, puis à la maternité en train de mettre au monde leur enfant, sous le regard ému d'Adrian, et enfin une petite promenade en famille où Cruz et Ugo se battraient pour pousser le landau dernier cri dans lequel dormirait paisiblement leur petite soeur. Beth avait un sourire aux lèvres qui malheureusement se figea et se transforma en un regard horrifié quand elle ne vit aucun + apparaître. Furieuse, elle attrapa son test et le lança de toutes ses forces dans un coin de la salle de bain afin de plus le voir. Furieuse, elle l'était. Après elle même. D'y avoir cru. De s'être laissée aller à rêver. Elle était si mal qu'elle avait envie de pleurer, mais elle s'était tellement durcit ces dernières années, pour ne pas paraître faible aux yeux des autres, qu'elle n'arrivait pas à verser une seule larme. Elle ne pouvait pas rester dans son immense maison endormie, où même le chat ne semblait pas se préoccuper de sa présence si tôt dans la cuisine. Elle tournait en rond, ayant la sensation d'étouffer. Alors, après avoir enfilé les premiers vêtements qui lui tombaient sous le bras, et mis autour de sa tête un foulard afin de ne pas être reconnue, elle enfila une grosse paire de lunettes noires et quitta la demeure des Preston, avec pour seule explication un post-it qui attendrait ses 3 hommes à leurs réveils.
Beth avait pris elle même le volant de sa voiture, et elle roula à vive allure, musique à fond, afin de ne pas pouvoir s'entendre penser et d'arriver au plus vite à Toronto. Toronto. Sa ville. Là où elle avait connu Adrian. Là où elle l'avait aimé pour la première fois. Là où elle avait passé 17 années de sa vie entourée d'amies fidèles et de ses parents. Et dire qu'elle avait quitté tout cela pour Adrian...
Elle arriva rapidement là où elle voulait se rendre. La plage. Sa plage, comme elle aimait l'appeler. Elle avait tant de souvenirs sur cette plage. Et la vue de l'océan l'apaisait. Elle pouvait passer des heures assise dans le sable à observer les vagues, la mer s'exciter ou se calmer ... Entendre le bruit des vagues, des oiseaux... Respirer l'air frais et pur, l'air iodé. Elle avait eu besoin de se retrouver à cet endroit pour se ressourcer. Pour recharger ses batteries. Car derrière ce masque de femme forte, sûre d'elle, qui contrôle tout dans sa vie et celle des siens, se cachait tout simplement une femme fragile, à fleur de peau, qui avait besoin d'être aimée, réconfortée, en quelques mots, quelqu'un d'humain tout simplement.
A peine sortie de sa voiture, elle se laissa entraîner vers cet immense océan et d'u ncoup, contre toute attente, se laissa tomber à genoux dans le sable, s'effondrant et pleurant toutes les larmes de son corps refoulées depuis des années. Tout remontait à la surface. Ces difficultés à avoir cet enfant effrayait Beth qui voyait que sa famille était fragile. Si elle ne laissait jamais rien paraître, chaque écart de conduite d'Adrian la blessait chaque fois un peu plus, et elle avait peur de perdre le seul homme qu'elle n'avait jamais aimé, celui qui lui avait donné une famille. Si Beth avait beaucoup apporté à Adrian surtout en ce qui concerne sa popularité, lui aussi avait apporté beaucoup à la jeune femme, malgré ses maladresses, et sans forcément le savoir. Mais à ce moment là, Beth craignait de voir tout ce qu'elle avait eu du mal à bâtir s'éffondrer, et le retour de Rebecca à Degrassi n'arrangeait rien. Si au moins elle pouvait être enceinte, elle aurait été presque certaine que jamais Adrian ne partirait. Mais là, rien n'était plus sûr et Beth avait peur de voir tout lui échapper.
De part son caractère, et son métier, Beth avait très peu d'amies où elle aurait pu aller se confier. C'est pourquoi elle avait préféré une plage déserte à 6h du matin, où personne ne pourrait la reconnaitre, pensant que jamais une Beth Spencer ne pourrait pleurer de si bon matin face à la mer. Et pourtant, elle aurait bien aimé trouver une épaule pour pleurer à cet instant précis. Celle de son mari, ou même d'un de ses fils. Ou alors tout simplement celle d'un ami. Mais il n'y avait personne sur cette immense plage, même les employés de la ville chargés de nettoyer les plages n'étaient pas encore passer ...
Alors qu'elle était là depuis un quart d'heure, toujours en pleurs, Beth crut entendre cependant une personne s'approcher. Surprise d'être ainsi démasquée en train de pleurer, Beth s'empressa de retirer ses lunettes pour essuyer son visage mouillé, avant de les remettre et de fixer droit devant elle, plus loin que la ligne d'horizon que formait l'océan avec le ciel. Le soleil d'ailleurs se levait tout juste sur l'eau ...

[A qui veut Rolling Eyes

]

[C'est pas terrible je te préviens...]

Cela faisait bientôt deux jours que Laureen avait quitté le foyer familial pour se rendre à Toronto où elle avait prit tous les rendez vous possibles et imaginables avec des journalistes, des chaines de télévision et des radios afin d'assurer la futur réconciliation médiatique des frères Davis - un service que Rain lui avait demandé et qu'elle n'avait pu refuser - mais aussi pour s'assurer que les médias étaient tous acquis à Rain et qu'ils allaient faire en sorte que l'élection soit vite pliée en faveur de la jeune femme. Laureen avait eu son dernier rendez vous la veille avec un journaliste qui n'avait pas arrêter de la draguer pour ensuite descendre Rain en flèche dans son article lorsqu'il avait vu que ses tactiques d'approche étaient vaines. Crétin. Certes, Laureen était prête à sacrifier énormément de choses pour assurer la victoire de sa meilleure amie, mais il n'avait jamais été question de faveurs sexuelles envers des journalistes pour obtenir leur soutien. Même Rain avait été d'accord avec elle lorsqu'elle lui avait fait le compte rendu téléphonique de ses rencontres. Après une nuit de sommeil un peu agitée, la jeune femme s'était levée aux aurores pour pouvoir rentrer chez elle avant que ses enfants se réveillent et ainsi pouvoir les voir avant qu'ils ne partent au lycée, et chez la nounou pour les jumelles. Au volant de sa voiture, vêtue d'un simple jean et d'un top blanc, elle prit donc la direction de Degrassi avant de décider de faire un saut à la plage. Personne ne devait y être à cette heure ci, ce qui était parfait pour la jeune femme qui avait grandement besoin de se retrouver seule histoire de faire le point. Mais le point sur quoi ? Sur sa vie tellement parfaite depuis la mort de Gabriel qu'elle en devenait presque chiante à mourir ? Car même si elle adorait son mari et ses enfants, le danger et l'imprévu lui manquait. Elle était quelqu'un d'actif qui avait sans cesse besoin de bouger, d'évoluer, et se sentait un peu emprisonnée dans sa jolie maison avec sa parfaite famille. Ces deux jours loin d'eux lui avait d'ailleurs permis de souffler et de s'évader du train-train quotidien. Deux jours qui n'avaient pas du tout été au goût de Lucas, qui ne voyait pas d'un bon oeil le fait qu'elle s'éloigne aussi longtemps d'eux. Ils s'étaient d'ailleurs encore disputés avant son départ et elle était partie en claquant la porte, sans se retourner. Il l'avait appelé alors qu'elle était sur la route et ils s'étaient réconciliés depuis, même s'ils ne s'étaient pas revu depuis l'incident. Laureen n'arrivait pas à comprendre pourquoi son mari n'aimait pas son travail et le fait qu'elle soit si souvent occupée et donc forcé de partir loin de sa famille de temps en temps. Lui aussi avait un travail prenant et la jeune femme n'en avait jamais fait toute une scène. Du moment que l'un ou l'autre étaient là pour les enfants, elle ne voyait pas où pouvait se situer le problème. Après avoir marché dix bonnes minutes, elle se rendit compte qu'elle n'était pas la seule à avoir visiblement besoin d'être seule. Une personne se tenait assise non loin d'elle. Et celle ci semblait être assez secouée.

- Tout va bien ?

Laureen s'approcha doucement non pas pour ne pas effrayer la jeune femme qui se trouvait là, mais surtout pour ne pas se faire attraper s'il s'avérait que c'était une folle évadée de l'asile psychiatrique le plus proche et qui était à la recherche de nouvelles victimes. Bon certes la jeune femme avait vu trop de films mais vu ce qui lui était arrivé, elle ne pouvait exclure cette possibilité. Mais visiblement cette personne avait plus l'air en détresse qu'autre chose. Laureen fronça les sourcils au fur et à mesure qu'elle s'approchait. Cette silhouette... Elle était certaine de l'avoir déjà vu quelque part. Elle connaissait cette personne elle en était certaine. Restait à savoir où elle l'avait rencontré. Ce qui lui permettrait de savoir qui elle était ou du moins qui elle pouvait être. Tout cela semblait assez compliqué à comprendre mais dans l'esprit de Laureen tout était très clair. C'est lorsqu'elle posa le regard sur la main gauche de la personne qui était dos à elle qu'elle la reconnue immédiatement. Mais bien sûr. Comment n'avait-elle pas vu qui c'était dès le début ? Cette longue silhouette - bien qu'assise - qui avait immédiatement prit cet air snob dès qu'elle l'avait entendu arriver ne pouvait être que Beth Preston, le tyran de Degrassi - oui oui, elle dépassait Rain sur ce point là. L'alliance de la jeune femme l'avait trahie. Normal, un pareil bijou ne passait pas inaperçu et avait fait le tour de la planète dans tous les magazines peoples les plus connus, tout comme l'évènement qu'il accompagnait. Beth avait toujours fait dans la démesure et dans l'exagération depuis que Laureen la connaissait. Elles ne s'étaient pas énormément frénquentées - pour ne pas dire pas du tout - durant le lycée, mais depuis Mme Preston avait investie tout comme les Kinney une somme assez importante dans la campagne de Rain et forcément, elles étaient donc amenées à se côtoyer régulièrement, lorsque Beth par exemple débarquait dans le bureau de Rain sans rendez-vous pour se plaindre du désordre qui régnait dans la ville ou autre détail qu'elle jugeait d'une importance capitale alors que Rain avait bien d'autre soucis en tête. Laureen contourna la jeune femme assise et se plaça face à elle. Ca n'avait pas l'air d'aller bien fort. Qu'est-ce qui se passait ? Elle avait enfin réaliser qu'Adrian ne l'aimait pas comme elle espérait et qu'il la trompait à tout va ? Ou avait-elle subitement prit conscience du fait que personne ne l'aimait à cause de son comportement d'hystérique ? Cherchait-elle la rédemption ? Plutôt que de continuer à se poser des questions sur le pourquoi du comment qui ne faisait que rabaisser Beth, Laureen décida de parler d'une voix qu'elle voulut posée, qui fut cependant emprunte d'une touche d'ironie - sans qu'elle ne l'ai vraiment voulut.

- Beth ? Mais qu'est-ce que tu fais là... à cette heure ci ?

Et toute seule en plus... Mais Laureen s'était bien gardée de rajouter cette dernière petite phrase vu l'état dans lequel semblait être Mme Preston. La jeune femme ne savait que penser, car jamais de sa vie elle n'avait vu Beth dans un tel état de faiblesse, même ci cette dernière avait tout fait pour le lui cacher. Qu'arrivait-il donc à ce coeur de pierre (a) pour qu'il se change en femme fragile et complètement déboussolée ? C'est ce que Laureen cherchait à comprendre et tôt ou tard elle aurait la réponse à cette question. Et même si elle n'appréciait guère Beth vu ce qu'elle avait fait à son amie Rebecca, elle ne pouvait la laisser dans une telle situation de désarroi car elle se doutait que vu son comportement plus qu'odieux avec tout le monde, elle ne devait avoir beaucoup d'amis si ce n'est même pas du tout. Et qu'elle devrait sans doute avoir besoin de quelqu'un à qui parler, vu que son incapable de mari ne devait pas être souvent à son écoute. Que voulez vous, Laureen pouvait être parfois trop bonne même avec les gens qu'elle n'affectionnait pas vraiment...

Beth ne savait pas qui pouvait bien venir se promener sur la plage à une heure si matinale. Un clochard, à la limite. Ou un sportif qui aimait courrir à la fraîche. Mais l'hypothèse du clochard lui semblait la plus compatible. Après tout, elle n'avait peut être pas bien fait attention en arrivant, mais peut-être avait-il passé la nuit sous un carton, planqué derrière un petit tas de sable. Cette idée fit frémir Beth qui se promit que dès son retour à son bureau, elle ferait un don pour aider les sans-abris. D'ailleurs, elle regretta de ne pas avoir pris de liquide avec elle. En effet, elle se déplaçait rarement avec des billets sur elle, préférant user et abuser de sa carte bancaire et de son chéquier qu'elle chérissait par dessus tout. Elle aurait eu un peu d'argent sur elle, elle aurait offert volontier à cette personne quelques billets pour qu'elle puisse s'acheter de quoi se nourrir et se vêtir un peu plus dignement. Bien entendu, c'était dans l'hypothèse où ce clochard l'abordait pour lui soutirer quelques dollars. Car si c'était pour la violer, elle se servirait sans aucun problème de ses ongles parfaitement manucurés pour les enfoncer dans la peau sûrement sale et très sèche de cet affreux personnage. Beth avait beaucoup d'imagination et avant même de savoir à qui elle avait affaire, elle se faisait déjà ses propres films. Sûrement son côté schyzo qui ressortait.
Quoiqu'il en soit, quand Beth entendit qu'il s'agissait d'une voix de femme, elle fut tout d'abord soulagée car elle savait qu'elle évitait au violeur fou. Et même au clochard. Oui, car Beth ne pouvait s'imaginer une femme SDF. Pour elle, une femme était bien trop intelligente pour se retrouver sans le sou. Elle savait de quoi elle parlait, étant avocate, elle gagnait toujours les procès lors des divorces au profit de la femme éplorée. Elle était donc très intriguée de savoir qui pouvait bien vouloir se promener au bord de l'océan si tôt, un jour de semaine.
Elle aurait bien eu envie de s'emporter tout de suite, histoire d'effrayer cette personne qui venait la perturber dans son immense tristesse, en lui conseillant d'aller voir ailleurs si elle tenait à la vie, comme elle savait si bien le faire en envoyant une réplique cassante, mais avant même qu'elle ait pu ouvrir la bouche, c'est avec Laureen qu'elle se retrouva face à face, et sa surprise fut telle que non seulement elle ne parvint rien à rétorquer dans un premier temps, ni à bouger d'un centimètre, ne serait-ce que pour se donner une meilleure allure.
Beth n'appréciait pas spécialement Laureen. A vrai dire, elle n'avait rien contre elle. Elle ne la trouvait juste pas assez intéressante à son goût. Et puis, pour ne rien arranger au problème, elle était amie avec sa pire rivale, Rebeccaca. Rebecca lui avait fait beaucoup de mal à l'époque, quand elle avait tout appris. Elle était réellement devenue amie avec cette dernière et ça avait été plus qu'une trahison pour elle d'apprendre que celle ci couchait avec son Adrian, l'homme de sa vie. Et pour Beth, l'amitié avait quelque chose de sacré, et elle ne pouvait pas pardonner une telle trahison, au contraire, cela la poussait à agir d'une manière encore pire que celle qui lui avait fait ce coup de pute. En amour, c'était différent. Considérant que par définition un homme est un être faible et qui succombait toujours à la tentation, elle avait pu pardonner à Adrian. De toute façon, Beth était la femme d'un seul homme, elle ne pouvait pas laisser Adrian lui échapper à l'époque.
Mais il y avait également une autre raison pour laquelle Beth n'aimait pas beaucoup Laureen. Cette garce sur patte avait eu l'audace d'avoir des jumelles. L'un des rêves d'enfant de Beth qui, jouant à la poupée à l'âge de 8 ans, se voyait déjà maman de deux adorables petites jumelles qui lui ressembleraient trait pour trait. Et pourtant, Beth n'avait pas eu cette chance et avait du se contenter d'être la mère de deux fils qui prenaient parfois un peu trop le même chemin que leur père quand ce dernier était ado, ce qui effrayait Beth qui prenait des crises d'hystérie pour les remettre dans son droit chemin. L'épisode désastreux de ce matin n'aidant pas beaucoup, Beth eu envie de se jeter sur Laureen et de lui arracher les cheveux, les dents et autres trucs susceptibles qu'on puisse l'identifier une fois qu'on aurait retrouvé son cadavre carbonisé, gisant dans une poubelle de la plage.
Mais bizarrement, Beth finit par se maîtriser, et après avoir porté la main à ses lunettes pour s'assurer qu'elles étaient bien en place et que Laureen ne pourrait pas aperçevoir ses yeux rougis par les larmes, elle lui adressa un immense sourire, hypocrite certes, mais resplandissant :

- Il y a un magnifique levé de soleil ici ... J'y venais souvent petite ...

Trouvant ce prétexte peu crédible, elle ajouta quasiment instantanément :

- Et puis, j'attends que mon chien termine sa promenade matinale ...

Bien entendu, Beth n'avait pas de chien, et si Laureen n'était pas au courrant, bien que cela semblait impossible puisque dans tous les journaux people il était possible de lire que les Preston ne possédaient qu'un chat et des chevaux dans un ranch à la campagne. Mais c'est surtout qu'il n'y avait aucun signe de chien à plus de 10km à la ronde. Cela prouvait bien que Beth était dans un état second et qu'elle ne savait plus vraiment ce qu'elle disait. Elle ne pensait qu'à ce bébé qu'elle n'avait toujours pas dans son ventre ... ou du moins qui n'était pas installé depuis suffisamment longtemps pour faire apparaître un + à son test ce matin même.
Parce qu'elle était toujours courtoise et polie, Beth retourna donc la question à Laureen, à savoir ce que cette dernière pouvait bien faire à Toronto, sur SA plage à cette heure si matinale.

- Et toi, qu'est ce qui t'amène ici ?

Elle aurait aimé ajouter à sa banale question un : " tu ne promènes pas ta chienne d'amie, Rebecouette" mais elle ne se sentait pas en sécurité sur cette immense plage déserte avec pour seule compagnie Laureen. Elle connaissait certaines histoires au sujet de celle-ci et cela ne l'aurait pas étonné de savoir qu'elle se baladait avec une hâche dans son sac à main. Beth préféra adopter un comportement prudent, et puis, il faut l'avouer, elle n'avait même plus le coeur à faire de l'ironie au sujet de Rebecca.

L'atmosphère devenait-il de plus en plus électrique ou Laureen était-elle entrain de l'imaginer ? Quoiqu'il en soit, la jeune femme décida de s'approcher un peu plus de Beth - quand elle eut la confirmation que c'était vraiment elle - histoire de comprendre réellement ce qu'elle pouvait faire à 6h du matin, seule sur une plage à une cinquantaine de bornes de chez elle. Alors que tous les journaux disaient qu'elle ne faisait jamais rien sans assistants, et surtout sans sa petite famille. Bien qu'elle ne connaissait guère la jeune femme, Laureen avait la forte impression que celle ci souffrait et qu'elle était venue sur cette plage de si bonne heure pour s'isoler un peu et pleurer un bon coup. Chose qu'elle même n'avait pas fait depuis tellement longtemps qu'elle ne savait même pas si elle se rappelait comment on pleure. Ce qui taraudait surtout Laureen, c'était pourquoi une femme comme Beth, qui possédait absolument tout ce qu'elle voulait, et qui avait juste à claquer des doigts pour obtenir ce qu'elle n'avait pas encore, semblait si désemparée alors que bon nombre de personnes auraient tué pour être à sa place. Mais la jeune femme savait aussi que l'abondance matérielle ne faisait pas tout pour suffire au bonheur. Non, si Beth avait un problème, il devait surement se trouver sur le plan familial. Laureen savait que malgré les apparences, la famille Preston n'était pas si soudée et parfaite que les journaux peoples la décrivait. Plusieurs problèmes pouvaient être la cause des failles dans cette famille. Tout d'abord il y avait le comportement des fils Preston, qui d'après le compte rendu fait par Autumn à sa mère, se vouaient une certaine haine, et n'hésitaient pas à se faire des coups de crasses plus vicieux les uns que les autres. L'aîné semblait prendre le chemin de son père en trompant à tout va sa petite copine officielle - merci Effy pour tous ces précieux renseignements - et l'autre ne semblait pas non plus être un saint. Ensuite, il y avait l'hystérie de Beth qui pouvait poussé même le plus calme et le plus saint des hommes à devenir complètement cinglé. Cette femme était une véritable bombe à retardement, au sens propre du terme. Laureen n'avait pas envie d'être là au moment où cette dernière exploserait vraiment, provoquant sûrement la 3ème guerre mondiale et la fin du monde à elle seule. Elle avait déjà eu quelques aperçus des crises made in Beth, et franchement c'était pas beau à voir. L'une de ses victimes d'ailleurs qui avait poussé Laureen à détester Beth, était sa Rebecouette. C'était aussi l'une des failles du couple Preston. La constante envie d'Adrian d'aller voir ailleurs. Comme si le corps de sa femme ne lui suffisait pas, il se sentait dans l'obligation d'aller voir toujours ailleurs, et avait même vécu une - courte - histoire avec Rebecca, avant que celle ci se fasse méchamment expulser de la ville par le tyran en puissance que devenait Beth. C'était bien ça le problème. Adrian était faible. Comme tous les hommes certes, mais lui l'était encore plus. Au point de ne même pas pouvoir se défendre quand sa femme choississait ses vêtements pour lui, ou ses relations. Au point de la laisser faire lorsqu'elle décide de bousiller la vie de l'une de ses soi-disants amies. Laureen n'avait jamais vraiment appréciée le jeune homme, à vrai dire il lui faisait plus pitié qu'autre chose. C'était juste le larbin de Beth, le petit toutou à sa maîtresse. D'ailleurs en parlant de chien, Beth venait d'en sortir une belle à Laureen. Mais bien sûr elle promenait son chien. Comme si elle allait la croire. D'une part, elle n'avait ni laisse ni quoique ce soit qui pourrait faire penser à la présence d'un animal, et d'autre part, Laureen était certaine que jamais au grand jamais Beth ne s'acquitterait elle même d'une tâche aussi basse pour sa haute position. Non elle était sûre que si jamais Mme Preston avait un chien, ce serait les ~~domestiques~~ assistants de celle ci que le promènerait et non elle même. Laureen se contenta alors d'hocher la tête avant de laisser s'installer un silence après la question de Beth. C'est vrai, que faisait-elle ici... ? Pourquoi n'était elle pas directement rentrée comme elle avait prévu de le faire ? Pourquoi avait-elle eu ce soudain besoin de changer d'air et de s'aérer les idées ? La jeune femme laissa son regard se promener sur la vaste étendue d'eau avant de se re-concentrer sur Beth et de lui répondre du même ton enjoué que celle ci lui avait parlé, c'est à dire pleins de faux semblants et débordant d'hypocrisie.

- Je me promenais c'est tout. La vue est magnifique... Oh et puis zut. Je sais que tu ne m'aimes pas, et je doit t'avouer que moi non plus je ne t'apprécies pas trop. Mais bon j'ai besoin d'un conseil et vu que tu es la seule dans le coin et que tu me semble qualifiée en la matière... Voilà j'aime mes enfants et mon mari plus que tout au monde mais je commence à étouffer dans ce rôle de femme parfaite qui me colle à la peau je sais pas comment tu fais pour réussir à supporter tout ça mais moi ça me dépasse. J'en ai marre de la routine. Mais en même temps... J'ai peur, peur de perdre tout ce que j'ai pu construire... Peur qu'IL réapparaisse...

Décidée à faire tomber les masques, Laureen avait prononcé la fin de sa phrase sur un ton beaucoup moins sûr qui ne lui ressemblait guère. Cependant il n'y avait aucun paparazzi, micro ou autre journaliste véreux dans les parages, alors la jeune femme décida qu'elle pouvait se laisser aller et ouvrir son coeur. Au pire Beth la prendrait pour une folle dont elle n'en aurait absolument rien à faire et les deux jeunes femmes se quitteraient sur cette note, Beth promettant bien sûr de ne rien révéler à personne. La jeune femme s'installa sur la plage aux côtés de Miss Preston, tout en remettant sur elle le châle qu'elle avait pris pour mettre sur ses épaules, car il y avait de fortes brises qui soufflaient en cette période le matin sur la plage.

Beth avait conscience qu'elle avait délibérément menti à Laureen, mais ça ne lui causait aucun problème de morale ou autre. Elle avait envie d'être seule et surtout pas épiée par une fille qui fréquentait d'un peu trop près Rebecca au goût de Beth. Dire que si cette fille n'avait pas jeter son dévolu sur Adrian il y a 17 ans, Beth et Rebecca auraient pu être encore amies à l'heure actuelle, et Beth verrait peut être Laureen sous un autre angle, elle aussi. Mais là, elle la voyait comme une ennemie à abattre. Ou du moins à ignorer. Mais comment faire pour échapper à une personne quand il est 6 heures du matin sur une plage déserte de Toronto. A part prendre la fuite par la mer et risquer de se noyer au beau milieu de l'océan ... Ce n'était franchement pas évident.
Heureusement, Beth se dit que vu que Laureen ne l'appréciait pas, elle n'allait pas s'éterniser et rebrousser chemin. Après tout, les jeunes femmes n'avaient rien à se dire. A part s'amuser de voir l'autre complètement déconfite, aussi bien Beth que Laureen. Mais Beth ne s'en réjouissait même pas. Elle était lasse. Elle avait envie de vacances, loin de tout. Loin de sa vie médiatique et oh combien merdique.
Cependant, à sa plus grand surprise, Laureen se mit à lui parler comme à une amie. Ou presque. Oui, Beth ne rêvait pas, Laureen était en train de se confier à elle. Sur le coup, BEth manqua de s'étouffer avec sa salive, tant elle était surprise de voir Laureen s'asseoir à ses côtés, sur SA plage, en direction de SA partie d'océan à elle. Beth s'était énervée plus d'une fois après ce genre de personnes qui venaient polluer SA plage. En tant normal, ou du moins si elle avait été l'adolescente qu'elle était avant, elle se serait excitée sur Laureen, lui hurlant dessus, lui tirant les cheveux et lui bottant les fesses jusqu'à ce que cette dernière disparaîsse de son champ de vision et aille salir une autre plage. Mais tout ça ne l'intéressait même plus. Elle était fatiguée et bizarremment, elle se laissa à écouter ce que Laureen lui disait. Une sorte de compensation. Voir que tout le monde avait des problèmes. Certes, ses problèmes à elle étaient bien plus graves et intéressants que ceux de Laureen, mais ça l'amusait de les entendre.
Tout d'abord, Beth ne comprit pas si Laureen s'adressait à Beth en tant qu'avocate ou en tant que femme, tout simplement. Si c'était la première solution, Beth la mettrait tout de suite au courrant de ses tarifs. Elle ne faisait pas dans le social, et déjà qu'elle se voyait contrainte d'écouter les petites plaintes de Laureen à 6h du matin, elle comptait bien lui faire payer le prix fort. Puis, Beth finit par comprendre qu'en fait Laureen s'adressait à Beth elle - même. L'épouse parfaite, la mère modèle, la femme active ... bref, tout ce qui faisait le succès de Beth auprès des journalistes. Beth eut un petit sourire amusé. Si seulement Laureen savait ... Mais si Laureen était prête à se confier à une presqu'inconnue, Beth ne l'entendait pas de cette oreille et il était hors de question qu'elle admette à Laureen ses failles et ainsi révèle au grand jour ses faiblesses.
Elle laissa Laureen finir son petit monologue, l'écoutant d'une oreille furtive. C'est à la fin du discours de Laureen que Beth redevint concentrée. Qui était ce "IL" ? Beth ne s'intéressait qu'à elle, et sa petite famille. Elle ne s'était jamais arrêtée sur la vie de Laureen et ce qui pouvait lui arriver. Tout ce qu'elle trouvait cool chez Laureen, c'était ses jumelles. Mais tout de suite, Beth eut envie d'en connaître plus, et de décrocher son scoop à elle concernant Laureen. C'est pour cette raison, et seulement celle-ci que Beth répondit à sa voisine de plage, passant sur le fait qu'elle avait assis ses fesses flasques sur son sable sans aucun ménagement.

- Tu veux vraiment un conseil Laureen ? Alors écoute moi bien, je suis d'humeur généreuse ce matin. Si tu tiens à ce que tu as construit, fais abstraction de ton mal être et sois digne. Il n'y a que les faibles qui craquent et qui envoient tout en l'air. Après, à toi de voir si tu as assez de caractère pour surmonter tout ça ...

Beth marqua une pause, ne voulant pas trop afficher sa curiosité naissante. Ainsi, elle en profita pour chercher dans son sac à main une photo de sa famille, une photo vendue aux enchères pour un prix exhorbitant. Elle la tendit à Laureen, tout en la serrant entre son pouce et son index pour que Laureen comprenne qu'elle pouvait juste regarder la photo, et surtout pas la toucher, et ajouta :

- Il aura fallut beaucoup de sacrifices pour arriver à ce résultat...

Beaucoup de sacrifices certes. Beaucoup de souffrances surtout. Et tout ça pour un résultat catastrophique. Mais ça, Laureen n'avait pas besoin de le savoir. Beth allait rentrer chez elle tout à l'heure et reprendre le cours de sa vie, comme d'ordinaire, à aimer un mari infidèle, à aduler un fils qui ressemble un peu trop à son père, et à harceler son cadet qui lui, ressemble plus à sa mère sur certains aspects ...
Beth rangea la photo et poursuivit :

- Mais je ne comprends pas. De quoi as-tu peur ? De qui as-tu peur ? C'est qui ce "il" ?

Après coup, Laureen sentait qu'elle n'aurait pas du parler à Beth. Elles n'étaient pas amies, et la seule chose qu'elles avaient en commun était une jeune femme que l'une adorait et l'autre rêvait de voir disparaître de la surface du globe. Ce qui pouvaient faire d'elles en quelque sorte des ennemies potentielles. Mais franchement, Laureen n'avait quasiment jamais parler à ce tyran habillé en Prada et avec l'âge, elle avait appris à essayer de ne plus se fier à sa première impression - chose qui lui avait plutôt bien réussit avec Rain. Donc même si elle n'aimait guère la jeune femme, elle n'avait aucune raison de lui pourrir la vie - ce qu'elle adorait faire quand une personne s'inscrivait sur sa liste noire, celle des personnes à éliminer le plus rapidement possible. Une passion qu'elle avait développée avec sa meilleure amie, qui excellait dans ce domaine comme dans bien d'autres d'ailleurs, mais qui bizarrement n'était pas vraiment semblables à ceux dans lesquels Laureen pouvaient exceller. Rain était plutôt du genre à se préoccuper grandement des apparences et à faire en sorte que tout son petit monde reflète la perfection dans laquelle elle avait décidé de vivre, alors que la priorité de Laureen était d'être une parfaite mère et une bonne épouse, en plus d'être une business woman exemplaire. Une priorité qui devenait parfois pesante et obsolète tant et si bien que la jeune femme avait de temps en temps l'envie pressante de changer d'air. Comme aujourd'hui ce qui l'avait conduit à se retrouver sur cette plage, en compagnie de la seconde dictatrice de Degrassi, à lui raconter ses soucis. Et bizarrement celle ci aussi semblait en avoir gros sur le coeur malgré la vie parfaite qu'elle se vantait d'avoir. Elle écouta ce que Beth avait à lui dire, en pensant que celle-ci était vraiment faîte pour le métier qu'elle avait choisi, car à chaque fois qu'elle parlait elle prenait cet air sérieux que tous les avocats adoptent lors d'une plaidorie, et tourna la tête légèrement vers elle lorsqu'elle termina son petit discours, comme pour lui montrer qu'elle l'avait écouté jusqu'au bout, alors qu'elle n'en avait écouté que la moitié.

- Merci du conseil je pense que je vais le suivre. Après tout je l'ai fait pendant 17 ans je peux encore le faire le reste de ma vie. Beaucoup de personnes me trouvent admirable pour tout ce que j'accomplis en plus de ma carrière, c'est à dire l'éducation des enfants, le fait d'avoir réussit à avoir des jumelles et à m'en occuper malgré mon emploi du temps surchargé, ou encore la façon dont je gère ma maison sans aide extérieure en dehors de mon mari... Il serait dommage de les décevoir maintenant en baissant les bras.

Laureen sourit pour montrer que ce que les gens pensaient d'elle était plutôt risible selon elle. Bon d'accord elle arrivait à absolument tout contrôler sans jamais s'en plaindre et semblait mener une vie proche de la perfection. Cependant, si ces personnes découvrait qu'en réalité elle était toujours cette petite adolescente fragilisée par l'abandon de son père, les violences qu'il lui avait fait subir quand elle était plus jeune lorsqu'elle venait le voir sur son île natale - chose qu'elle continuait à cacher à absolument tout le monde - ou encore par sa relation chaotique et dévastatrice avec Gabriel... D'ailleurs après que Beth lui est montrée une photo de sa petite famille qu'elle avait vendu à un magazine à un prix largement supérieur au PIB d'un petit pays africain et avoir vanter ses qualités - chose à laquelle Laureen ne fit aucune réflexion, car elle savait que la vie de famille de Beth était loin d'être idyllique, vu les nombreuses infidélités de son "fabuleux mari" - elle lui posa la question à laquelle Laureen ne s'attendait pas du tout. Alors il existait au moins une personne dans cette ville qui n'était pas au courant de la relation qu'elle avait entretenue avec l'homme qui avait fait sauté Degrassi et qui l'avait enlevée après qu'elle ait perdu la mémoire. Elle se secoua légèrement - le sable c'est salissant - et afficha alors une mine des plus sereine, comme si de rien n'était avant de balancer d'une voix beaucoup plus assurée qu'avant.

- Personne ne t'en fais pas. Je n'ai pas vraiment les idées claires ce matin alors je raconte un peu n'importe quoi.

Plus menteuse que ça tu meurs. Mais qui avait besoin de le savoir ? Sûrement pas Beth en tout cas enfin c'est ce que pensait Laureen. Elle lui en avait déjà beaucoup trop dit et elle soupçonnait déjà la jeune femme d'enregistrer mentalement tout ce qu'elle lui dirait pour aller le raconter à un magazine quelconque qui déciderait de s'en servir comme moyen de pression contre elle et sa famille et qui se mettrait à chercher davantage pour en savoir plus, ce dont elle n'avait vraiment pas envie.

Plus les minutes défilaient en compagnie de Laureen et plus Beth se demandait si ce qu’elle détestait le plus chez Laureen était sa meilleure amie pute, ou bien ses filles, ses jumelles. Si Beth avait appris à ne plus être jalouse en amour, ou du moins à partager de temps en temps si elle voulait qu’Adrian reste à la maison, elle n’avait pas refoulé son envie d’être mère, surtout mère d’une petite fille, et des jumelles, cela aurait été la cerise sur le gâteau, le chocobon sur le pot de Nutella, le dragibus sur le crumble aux framboises … Alors quand Laureen se lança dans la complainte de la mère de famille qui gère tant bien que mal carrière et vie de famille, Beth bouillonnait de jalousie en elle. Elle savait que si elle, elle avait une fille, deux même, jamais elle ne se serait plaint de la sorte. Là, elle trouvait que Laureen jouait la carte comédie pseudo dramatique, et ce n’étaient pas les larmes qui montaient chez Beth mais l’énervement. Franche comme à son habitude, Beth ne se pria pas pour le lui faire remarquer, une pointe d’amertume dans la voix :

- Je ne t’ai pas conseillé de te faire plaindre, prendre en pitié et admirer Laureen. Si tu cherches la médaille d’honneur de super maman active, ce n’est pas auprès de moi que tu l’auras. Et pour info, je ne crois pas que tu sois la seule femme sur cette terre à avoir un petit boulot et à élever des jumelles …

Si Beth avait été dans ce cas, elle aurait sûrement décidé de mettre sa carrière entre parenthèse, mais uniquement parce qu’avoir une fille était un but en soi … et même si Beth adorait son travail et ne laisserait pas de sitôt sa place à son macho d’oncle, elle rêvait du jour où elle annoncerait à tout le monde qu’elle attend une petite fille et qu’elle prend des congés à durée indéterminée pour s’occuper de sa fille 24h/24. Mais ce n’était malheureusement pas à l’ordre du jour.
Beth reçu un SMS sur son téléphone. Machinalement, elle le consulta. C’était un message de son fils adoré, Cruz, qui s’inquiétait de son absence. Elle répondit rapidement à son fils, une simple phrase, « je vais bien, ne t’en fais pas », et poursuivit sa conversation avec Laureen. Maintenant qu’elle était engagée, autant la poursuivre …

- Je suis avocate Laureen, je sais quand quelqu’un ment. Et c’est une évidence chez toi. Maintenant que tu as commencé à m’en parler … continue. De qui as-tu peur ?

Beth savait manier les mots aussi bien que certains savaient manier l'épée. Laureen en était sûre. Elle sentait que la jeune femme faisait tout ça pour la tester, la pousser dans ses retranchements jusqu'à ce qu'elle craque, et qu'elle envoie tout valser avant de se confier corps et âme à une Beth-démon qui n'en perdrait pas une miette et qui vendrait ces informations au plus offrant. Beth était une vipère et elle ne s'arrangeait pas avec les années. Certes Laureen ne la connaissait pas beaucoup, mais l'opinion qu'avait Rebecca d'elle suffisait amplement à la jeune femme qui ne doutait pas un seul instant de ce que pensait son amie. Bon c'est vrai que les avis de ses amis n'étaient pas toujours ceux qu'elle suivait, regarder Manny et Rain par exemple, mais dans ce cas, tout ce qu'elle avait entendu de Beth avait suffit à la conforter dans l'idée qu'elle n'était pas quelqu'un de fréquentable, du moins pour elle. Leur relation était strictement professionnelle, et quand elle le pouvait, elle faisait l'une de ses assistantes - fallait bien qu'elle serve à quelque chose - s'occuper de l'avocate plutôt que de le faire elle même. Laureen haussa un sourcil en entendant la réponse de Beth avant de répondre d'un ton doucereux, après avoir laissé passer quelques instants de silence.

- Et je ne t'ai jamais demandé de me décerner cette médaille, car je suis sûre que si elle existait, tu aurais déjà fait en sorte qu'elle te soit attribuée à chaque fois, sous peine de châtiment corporel à l'encontre de ceux qui auraient osé te faire l'affront de ne pas te la remettre.

Laureen ne releva même pas quand la grande garce qui se tenait devant elle osa qualifier son boulot de "petit boulot". Peut être qu'elle n'était pas aussi bien placée que Beth dans la haute société, mais elle au moins ne devait sa place qu'à elle même, et non pas à son père malade qui n'ayant pas d'autre successeur avait décidé par acquis de conscience de lui céder sa place. C'était d'ailleurs ce qui aurait bien pu se passer avec son beau-père qui voulait lui céder la place de PDG dans son entreprise - comme Victor qui donne sa place à Nicholas avant de le regretter amèrement - mais la jeune femme avait décliné l'offre, car elle ne se voyait pas du tout assise dans un bureau 21h/24 - c'était presque ce qu'elle faisait pourtant - tout en aboyant des ordres à des incompétents tout juste bon à faire un café, qui ne serait même pas buvable. Sans oublier qu'ils tenteraient désespérément de la former en matière de comptabilité alors que les chiffres étaient la bête noire de la jeune femme. Non, très peu pour elle. Sa place de porte-parole-meilleure-amie-du-maire lui convenait parfaitement, et si elle en croyait les sondages, sa place serait encore plus confortables puisqu'elle passerait maire-adjointe après le ~~couronnement~~ l'élection de Rain. Elle fixa Beth droit dans les yeux avec un demi-sourire amusé lorsque celle ci se mit à parler de son "don" pour déceler quand les gens mentent, qui lui était conféré grâce à son métier. Si elle était si fortiche que ça, alors pourquoi continuait-elle de croire à tous les mensonges qu'Adrian pouvait lui sortir lorsqu'il allait voir ses maîtresses ?

- Le jour où j'aurais besoin de toi en tant qu'avocate je te le ferais savoir. Je pense que je vais y aller, mon mari et mes enfants, surtout mes jumelles, m'attendent avec impatience.

La jeune femme n'avait pas du tout envie de rentrer, mais cette discussion avec Beth ne menait à rien. Pourtant, elle savait qu'elle aurait besoin de la jeune femme, ou plutôt qu'elle avait besoin de la jeune femme, car elle avait besoin de tout déballer, mais devant quelqu'un qui ne la connaissait pas franchement, car elle savait que cette personne serait objective dans ses paroles et qu'elle ne se laisserait pas influencer par les liens qu'elle entretenait avec la famille Johanson, chose que tous ses amis faisaient. Laureen se leva et se secoua pour enlever le sable collé à son jean. Malgré tout ce qu'elle venait de dire, elle avait quand même envie d'entendre l'avis de Beth sur son problème "Gabriel", si bien entendu la jeune femme était au courant. C'est pour cela qu'elle lança du ton le plus désinvolte qu'il soit, sans avoir fait un mouvement montrant qu'elle était dans une optique de départ.

- C'est bizarre quand même... Moi qui te pensais au courant de tous les potins possibles et imaginables, vu que tu passes ton temps à vouloir tenter de faire faire plus de couvertures de magazines que la plus grande des stars d'Hollywood chaque mois, c'est étonnant que tu ne saches même pas de qui je veux parler. Tu me déçois Beth.

La jeune femme s'était retenue de rajouter "enfin c'est surtout ton mari qui fait la une avec toutes ses conquêtes, moi à ta place je ferais profil bas". Elle n'était pas aussi cruelle, même avec ses ennemies, et après tout Beth devait savoir mieux que quiconque ce qu'Adrian faisait dès qu'elle avait le dos tourné. Et si elle l'acceptait sans rien dire, c'était son problème pas celui de la porte-parole de Rain Evans.

Bizarrement, Beth prenait goût à cette petite discussion qui avait lieu entre elle et Laureen. Après tout, Laureen venait de remonter dans son estime. Certes, l'une était ennemie avec la meilleure amie de l'autre, mais cela ne les empêchaient pas d'entretenir des rapports cordiaux, preuve de la maturité de Laureen, ce qui plaisait à Beth qui aimait s'entretenir avec des personnes intelligentes, qui savaient faire la part des choses, et pas se retrancher derrière des positions débiles telles que "t'es pas ma copine car ma copine t'aime pas". Bref, Beth sentait qu'elles avaient dépassé le stade dispute de maternelle dans un bac à sable, et cela la rendait un peu plus enthousiaste. Beth était donc prête à mettre de côté sa petite jalousie envers Laureen qui avait des jumelles.
Et il n'y avait pas à dire, Laureen faisait beaucoup rire Beth qui se sentait nettement en position de force face à Laureen. Certes, cette dernière avait quelque chose que Beth n'avait pas, mais Beth savait que tôt ou tard elle arriverait à l'avoir. Elle aurait sa fille, peut être même plusieurs, si elle parvenait à ses fins, et elle n'allait pas se laisser impressionner par une mère de famille qui n'avait rien de plus qu'elle. Surtout pas quand cette dernière croyait la toucher en lui disant que si il y avait une médaille à donner, c'était à elle. Beth ne cherchait pas de récompense, juste l'amour de son mari, un véritable amour qui ne lui appartiendrait rien qu'à elle. Alors cette histoire de médaille la fit rire. Tout comme quand Laureen évoqua un éventuel départ pour aller rejoindre sa parfaite petite famille composée entre autre de ses parfaites petites jumelles. Beth trouvait cela ridicule de la part Laureen mais décida de ne pas relever. Elle aimait beaucoup parler et blesser avec les mots, mais elle savait aussi parfois se retenir ...
Beth avait d'autres chats à fouetter. Elle voulait que Laureen lui parle, et peut-être même demande de l'aide. Elle adorait que les gens lui soient redevables, qu'ils aient besoin d'elle, et elle avait ressentit que Laureen était cette personne. Il y avait tellement de non-dits dans cette conversations, de choses dites à demi-mots ... C'était typique d'une personne qui cherche de l'aide mais n'ose pas demander. Alors Beth saisit la perche que lui tendit Laureen, se moquant gentiment d'elle au passage quand Laureen parla de la tendance que la presse avait à relater la vie de Beth. Il était évident que Beth était au courrant de beaucoup de choses, de nombreux potins, mais seulement de ceux qui l'intéressaient et Laureen ne faisait pas partie des gens que Beth jugeait intéressants à ses yeux. Ainsi, après l'avoir laissé parlé, elle l'invita à rester sur cette plage, et à lui parler, avant que Beth ne perde patience et la laisse totalement désoeuvrée face à son ... problème ?

- Laureen, je n'ai aucune médaille à recevoir, l'amour de ma famille me suffit amplement ... Maintenant, si tu veux partir, je ne te retiens pas, mais je ne suis pas du genre à tendre 2 fois la main. Tu sembles avoir besoin d'aide, alors accepte. Et en effet, je suis toujours à l'affût du moindre potin ... quand cela concerne des personnes dignes d'intérêts ...

Beth marqua une pause. Dans ce genre de situation, certains pouvaient offrir une cigarette, ou un joint - s'il s'agissait d'adolescents - mais Beth ne faisait jamais comme personne, et elle farfouilla dans son sac et en sortit une petite boîte en fer, un cadeau d'Adrian quand ils étaient ensemble depuis 2 semaines et que Beth avait décrété qu'il devait lui offrir un cadeau par semaine passées ensemble ... A l'époque, Adrian était pauvre et avait offert cette petite boîte en fer usagée, mais Beth y tenait énormément, elle avait une valeur sentimentale à ses yeux. Elle l'ouvrit et y prit un petit bonbon emballé dans un papier, un "pimousse". Elle tendit sa boîte à Laureen et lui dit :

- Tu veux un petit pimousse ? En tout cas, je t'écoute ... au sujet de ce "Il" que tu redoutes ... Qui sait, je suis peut-être apte à t'aider ... sur le plan professionnel, bien sûr.

Beth Preston proposait son aide à quelqu'un. Un jour a marqué d'une pierre blanche. Il semblait donc que ce tyran avait en fait un cœur et pas fait que de pierre. Laureen rit intérieurement en entendant Beth vanter les mérites d'une famille qu'elle n'enviait absolument pas. Même si sa famille à elle était loin de faire la une de tous les magazines et était loin d'être parfaite, elle lui convenait amplement et elle n'en changerait pour rien au monde. Elle n'était pas comme Beth, elle n'avait pas besoin d'être connue, craint, et adulée de tous pour pouvoir vivre. Et puis franchement vu les fils tarés et le mari infidèle qu'elle avait, il n'y avait pas de quoi se vanter. Laureen savait que ses enfants n'étaient pas parfaits - surtout Erwan et ses crises répétitives - mais elle les adorait par dessus tout et aurait depuis longtemps fait en sorte qu'ils reviennent sur le droit chemin s'il n'était qu'un dixième de ce qu'étaient les enfants Preston. L'aide que lui offrait Beth était un piège, et ça Laureen le savait. Elle avait vu ce qu'elle avait fait à son amie Rebecca, et n'avait pas du tout l'intention d'accepter l'aide d'une personne qui avait osé détruire la vie de son amie. Beth était excessive, impulsive et avait le bras tellement long qu'on avait l'impression que c'était elle qui dirigeait cette ville et non Rain Davis. Laureen resserra son châle sur ses épaules et prit quelques secondes avant de répondre d'une voix légèrement tintée d'ironie, qu'elle réussit à masquer grâce à son professionnalisme. Elle avait tous les jours à faire avec des gens qui lui disaient tout et n'importe quoi, et elle avait appris à se contrôler pour ne pas les vexer.

- J'ai vu comment tu fonctionnais avec les gens qui avaient des "problèmes". Mais je te remercie pour ta sollicitude je tâcherais de m'en souvenir lorsque j'aurais vraiment un souci. Donnes moi tes tarifs aussi ça ira plus vite.

Laureen ne releva même pas la remarque de Beth. La seule personne à laquelle Beth pouvait s'intéresser et surtout s'intéresser à sa réputation dans les magazines, c'était elle même. Et bien évidemment son mari aussi, car elle était toujours à l'affût du moindre scandale pour étouffer l'affaire le plus vite possible. Elle ne put s'empêcher de sourire en voyant ce que Beth lui proposait. Cette femme n'était vraiment pas nette. Comment une femme aussi tyrannique et riche comme elle pouvait se balader avec une petite boite en fer complètement rouillée et proposer des pimousses aux personnes avec qui elle parlait ? Laureen se doutait quelque peu que cette boite avait une valeur sentimentale aux yeux de sa voisine de plage, genre l'un des premiers cadeaux que lui avait fait un Adrian vraiment amoureux, chose qu'il n'était plus vraiment depuis dix-sept années. Laureen admirait quelque peu Beth pour ça - même si elle préférait crever plutôt que de l'avouer - car elle savait que son mari s'éloignait d'elle de jour en jour, mais arrivait à rester digne et fière pour jouer la parfaite comédie de la petite famille totalement heureuse. La jeune femme ne savait pas si elle, elle en aurait eu le courage. De toute façon la question ne se posait pas vu qu'elle était sûre que Lucas l'aimait encore plus qu'avant. Enfin c'est ce qu'elle croyait vu qu'elle n'était pas au courant de son aventure avec l'une de ses meilleures amies. Elle se réinstalla près de Beth et attrapa un bonbon dans la boîte qu'elle lui tendait.

- Merci beaucoup. Je suis désolée mais je doutes que tu puisses faire quelque chose, sauf si tu connais un moyen d'effacer certains souvenirs d'une mémoire... La jeune femme secoua la tête. Ça y est elle devenait folle. Il n'y avait vraiment qu'elle pour sortir des conneries pareilles. Oublies ce que je viens de dire. Mais au fait... Depuis tout à l'heure on parle de moi. Mais il semblerait que toi aussi tu ai un problème. Et ne me sors pas cette histoire de chien, je sais très bien que tu ne t'abaisseras jamais à accomplir cette tâche ingrate. Expliques moi ton problème.

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