Quelques jours après... [Pv Chloé]

Cette scène, se passe après l'esclandre de Cruz dans la librairie où Beth, sa mère, vient faire dédicacer son livre. Chloé venait de sortir du coma, d'attirer l'attention d'un policier étrange du nom de Clayton. Cruz avait décidé de s'intéresser pour une fois à une autre personne que lui-même, un fait assez rare pour être souligné - plusieurs fois - et de rendre à nouveau visite à Chloé toujours hospitalisée. Il le lui avait promis avant de la laisser s'endormir et de quitter l'hôpital pour prendre quelques heures de repos. En rentrant il avait découvert que sa mère avait l'intention d'épouser Edgar Shawell, son oncle par alliance et cette nouvelle l'avait obligé à rester plus longtemps que prévu éloigner de Chloé. Pour se faire pardonner, Cruz avait fait commander un énorme panier avec toutes sortes de chocolats et de confiseries, il y avait dedans tous les bonbons imaginables, des durs, des mous, des colorés, des sucettes bref le rêve de tout diabétique. Il était tellement gros, qu'il avait presque du mal à passer la porte de l'hôpital. Après deux petits coups contre celle de la chambre de Chloé. Il posa son cadeau sur sa table de chevet avant d'opter pour un autre endroit puisque son panier était trop grand. Il poussa un soupir avant de s'asseoir près de Chloé toujours alitée.

- Comme tu n'as pas le droit aux chocolats, je me contenterais de tous les manger devant toi et après je te laisserais le panier.

Cruz esquissa un sourire, il tentait de briser la glace qui avait pu se reformer en son absence. Chloé était si lunatique, qu'il craignait toujours ses réactions. Il savait qu'elle était parfois complètement perdue - pour ne pas dire souvent - et ne savait jamais vraiment où elle en était surtout avec lui. Cruz aimait la blâmer à cause de ça, mais il n'était pas mieux, lui avec ses sentiments ambigus et toujours forts pour sa mère.

- Comment est-ce que tu vas ?

Cruz avait parlé d'une voix étrangement calme presque trop posée pour lui appartenir. Il avait réellement eu peur de la perdre, lorsqu'il l'avait trouvé au terrain vague. Il était heureux de la voir là encore en vie même si c'était pour le maudire. Cruz n'était pas étonné, après tout, il avait toujours estimé que Chloé était une sacrée ingrate ^^.

Quelques jours passés dans cette maudite chambre d'hôpital, terme et presque aussi froide que la mort. On aurait pu l'installer dans une morgue, qu'elle n'aurait pas fait la différence. Les infirmières étaient aussi causantes que les murs, les médecins la voyait comme un numéro de chambre... Non pas que Chloé ait une soudaine envie de discuter pendant des heures, devenant la plus grande bavarde qui soit, mais avoir le sentiment de ne pas être complètement seule était fortement recherché par la blondinette. Et puis c'était un moyen comme un autre de cesser pendant un temps de réfléchir, de ressasser tout ça, de souffrir inutilement. Ses membres étaient bien assez douloureux pour venir ajouter des maux à son coeur ; à ce qu'il en restait. Elle qui avait toujours cru en être dépourvu, l'avait finalement découvert au creux de sa poitrine. Ce qu'elle pouvait le regretter... C'était bien quelque chose dont elle aurait pu se passer, vu le peu de bonheur que cela lui avait apporter. Trop éphémère, laissant pour présent et souvenir des larmes et un goût amer. Il l'avait conduit ici ce maudit coeur ! Dans cette satanée chambre d'hôpital, qu'elle ne supportait plus.

Dès lors qu'elle entendait quelqu'un frapper, ou encore la poignée de la porte s'abaisser, une vague d'angoisse s'emparait aussitôt d'elle. Elle avait reçu la visite du policier, comme il le lui avait annoncé la première fois, et avait dû feinter un nouveau malaise pour écourter l'interrogatoire. Il lui avait posé toute une série de questions pour le moins inutiles, puisqu'elle n'avait que de vagues souvenirs et peu d'éléments censés pour établir des hypothèses sur ce qui s'était passé. Rien de bien concret pour dévoiler la vérité et accusé Edgar. De toute façon, elle n'avait rien dit. Car ses soupçons personnels la menait à Beth et ses menaces, et ça, jamais elle ne pourrait le prouver sans tout démontrer, tout mettre à plat, et donc dévoiler le secret de Cruz. L'instinct protecteur d'une mère ne suffisait pas pour conduire à une tentative de meurtre... La jalousie d'une maîtresse se voulait de suite plus crédible. Mais le silence la murait dans ses maux. Et puis cette histoire était tellement tordue qu'on l'aurait simplement traité de droguée complètement folle, dont les petites pilules d'ecstasy auraient grillé le cerveau. Cette fois encore, elle ressentit cette indescriptible crainte de voir Beth ou encore ce taré d'Edgar passé le seuil de la porte. Mais ce n'était que Cruz, les bras chargés d'un panier. Elle se détendit, le laissant entrer et déposé son paquet, sans prononcer le moindre mot. Il lui était difficile de faire comme si de rien était, de jouer le rôle de la petite adolescente fragile et au regard ampli d'étoiles face à son sauveur. Oui il lui avait sauver la vie, et il s'était auparavant pas mal foutu de sa gueule aussi, hein !

« Fallait pas... »

répliqua-t-elle d'une petite voix posée, encore faible, en faisant référence à ce qu'il venait de lui apporter. Il comptait lui laisser le panier ? Super ! Il était tellement grand qu'il pourra facilement lui servir de bouclier lors de sa sortie de l'hôpital, pour éloigner le moindre Preston de sa petite personne.

« Ca va... J'ai connu mieux... »

Même après une énorme cuite, sa tête ne lui faisait pas aussi mal. Elle était sujette à d'importantes migraines depuis son réveil, alors que ses quelques plaies cicatrisaient doucement, et que sa hanche faisait des siennes pour se remettre à sa place et se remettre du choc.

« Je ne pensais pas que tu reviendrais... »

finit-elle par lâcher, toujours de cette même intonation démunie de la moindre émotion. Neutre... Elle le demeurait, ayant jugé que le silence n'aurait finalement rien eu de bon, l'achevant à petit feu en l'enterrant vive sous sa rancune et sa peine. Elle parlait, elle s'exprimait, mais elle le faisait presque machinalement.

Cruz fit comprendre à Chloé d'un geste de la tête que ça n'était rien, c'était un juste un panier qui lui donnerait beaucoup de cholestérol. C'était un petit cadeau de prompt rétablissement moins culcul et neuneu qu'un bouquet de rose, que Chloé aurait sans doute trouvé tarte. Et comme il trouvait qu'il s'était suffisamment ridiculisé devant elle et surtout pour elle... Cruz préférait limiter la casse. Oui lui aussi en avait gros sur le coeur, le pauvre petit avait l'impression de courir sans cesse après la jolie blonde. C'était certainement le fait qu'elle lui résiste qui maintenait son intérêt pour elle, mais il avait parfois besoin d'un sourire ou moins d'une petite joue rosissante. Il venait quand même de lui sauver la vie. Cruz ignorait que Chloé connaissait son secret incestueux et qu'elle était donc parfaitement au courant du petit jeu qu'il menait depuis des mois. Il l'avait quand même fait garder toute une après-midi sa propre fille en la faisant passer pour sa soeur. D'accord c'était une situation carrément malsaine, mais ignorant ses informations, Cruz se posait en victime et posa un regard presque triste sur Chloé dont le ton détaché sonnait comme un "Tu me gaves, rentre chez toi Cruzinet".

- Je t'avais promis de revenir.

Oui c'était rare de voir un Preston tenir l'une de ses promesses. Surtout lorsqu'il s'appelait Cruz, mais parfois, ce genre de petit miracle arrivait. Cruz prit deux petits bonbons dans le panier, ceux à l'orange, il en déballa un qu'il mit dans sa bouche avant de prendre la main de Chloé et de poser sa paume contre la sienne.

- Tu peux peut-être me raconter ce qui t'es arrivé.

Il n'avait pas levé les yeux vers elle, le regard fixé sur sa main dans la sienne, après quelques secondes il la retira quelques secondes plus tard, laissant seulement comme trace et preuve de son passage, un petit bonbon à l'orange.

- Histoire que je puisse répondre quelque chose la prochaine fois qu'un flic m'interroge à ce sujet.

Ah ouais, il lui avait peut-être promis une telle chose... C'est qu'elle s'efforçait de ne plus vraiment faire attention à ce genre de propos, pour échapper à la déception, puisque tenir parole n'était pas vraiment son fort. Dès lors qu'il lui avait fait la promesse de ne plus la blesser, il s'était planté, puisqu'il lui mentait et qu'un jour ou l'autre n'importe quel bobard peut vous retomber sur le coin de la tête, causant bien plus de dégâts que si la carte de la franchise avait été jouée dès le début. Chloé baissa les yeux quand il lui rappela ce détail... Une promesse... C'était quoi une promesse ? De belles paroles portées par le vent. Voilà ce que c'était ; ni plus, ni moins. Là aussi, il aurait pu lui mentir... Il aurait pu rentrer chez lui et la laisser se démerder comme une grande pour sortir de cet enfer médical. Elle n'appréciait pas l'attitude qu'elle avait à son égard, mais s'efforçait de garder son calme au travers de ce qui pouvait paraître comme de l'indifférence. Elle savait tout, et feindre l'ignorance ou encore le regarder comme si de rien n'était lui semblait impossible, impensable... De plus, elle craignait que sa peine et sa déception ne se lise dans ses yeux clairs. S'il y avait bien quelque chose que la petite Kennedy ne voulait pas dévoiler à nouveau, c'était bien ses faiblesses, et en l'occurrence ses sentiments pour le coup.

Cruz lui proposa alors qu'elle lui raconte ce qui s'était passé... Elle détourna le regard, l'espace de quelques secondes, avalant avec difficulté sa salive, une boule se formant au niveau de sa gorge, se serrant doucement. Les souvenirs étaient douloureux, et elle craignait la moindre confession. Surtout envers Cruz... Elle ne s'imaginait pas lui balancer le plus naturellement du monde, en savourant son bonbon, qu'elle avait fini dans un tel état à cause de son oncle Edgar, et qu'elle soupçonnait sa tarée de mère d'en être responsable, littéralement bouffée par une jalousie malsaine au point de commanditer le meurtre de la première adolescente s'approchant de son fils.

« J'ai eu un accident de voiture... Quelqu'un m'est rentré dedans. Un homme a voulu m'aider et... J'ai fini sur le terrain vague. J'ai très peu de souvenirs. »

Et ça n'était pas tellement faux. Tout paraissait désordonné, démuni de sens, comme s'il ne s'agissait que de vagues flashs, des bribes de souvenirs plus ou moins clairs. Elle se rappelait de sa douleur, de cette énorme brute qui l'avait abandonné sur le terrain vague, après avoir laisser traîner ses sales pattes et sa bouche de pervers sur ses courbes... Chloé secoua doucement la tête, chassant cet image de son esprit

« Ma mémoire me fait défaut. Les médecins m'ont dit que ça n'avait rien d'inquiétant, qu'on avait pas besoin d'être victime d'un accident pour avoir des soucis de ce côté là... Ils n'ont pas tord, parfois on omet des choses, on les oublie. »

-ajouta-t-elle, emplissant alors sa phrase de sous-entendus à son égard. C'était plus fort qu'elle. Peut-être qu'il la pensait ingrate ; elle, elle se percevait à cette instant précis comme la fille la plus rancunière de la planète. En même temps, il y avait de quoi l'être !

Un homme avait voulu l'aider et elle avait fini sur le terrain vague ? Les pensées de Chloé avaient l'air décousue. A moins qu'elle ne cherchait délibérément à lui cacher ce qui lui était arrivé. Ce qui n'était pas étonnant lorsqu'on connaissait le caractère secret de la blonde, qui cherchait toujours à se protéger en particulier de lui. Il avait des tonnes de questions qui restaient en suspend et qui ne trouvaient toujours pas de réponses, parce qu'il n'osait pas les lui poser. Il l'avait quand même retrouvé à moitié nue et surtout à deux doigts de l'overdose. L'histoire de la voiture et de l'homme mystérieux était donc assez peu plausible. Pourtant il ne demandait qu'à la croire la blondinette surtout quand elle lui faisait ses yeux là et qu'il observait sa bouche et devinait le bonbon qui fondait sous sa langue.

- Un homme... répéta Cruz d'un ton neutre qui laissait transparaître le doute qu'il ne pouvait pas s'empêcher d'éprouver. Et l'alcool et la drogue qu'on a retrouvé dans ton estomac c'est à cause de lui ?

Son ton était moins neutre, mais plus sec, voir moqueur. Cruz était blessé par le regard fuyant de Chloé et les remarques à peines voilées qui transparaissaient dans ses remarques. Il était la pauvre victime d'une blonde autoritaire et peu reconnaissante. Il était peut-être temps de mettre carte sur table, de tout mettre à plat et d'enfin s'exprimer sur le problème qui existait entre eux depuis plusieurs jours.

- Est ce qu'il y a un problème entre nous ? La dernière fois tout allait bien je veux dire avant ton accident, avant que tu m'ignores, avant que tu deviennes la meilleure amie de l'autre pute norvégienne, on était censés être un couple.

Le 'censé' n'était pas de trop. Puisqu'ils n'avaient jamais vraiment parlé de leur vie future, il lui avait juste demandé de porter une bague pour se rappeler que rien ne devait les séparer et surtout d'accepter les éventuelles révélations qui seraient faîtes à son sujet.

Chloé faisait l'effort de lui confier des bribes de souvenirs, chose qui n'avait rien de plaisant, tout en épargnant quelques détails, et il semblait douter d'elle. Elle avait l'impression d'entendre cet attardé de flic lorsqu'il l'avait interrogé, griffonnant sans grande conviction ses explications sur un calepin ; ou encore ces médecins qui avaient cherché à en savoir plus, à guetter le moindre de ses souvenirs. Oui, un homme ! Le même qui lui servait d'oncle ! Ce type complètement taré ! Celui qui... La nouvelle question de Cruz sembla la stopper net, avant même qu'elle n'ai pu répliquer quoique ce soit. Ces pilules qu'on lui avait fait avaler de force... Cet alcool qu'elle sentait encore couler le long de sa gorge, lui brûlant les lèvres au passage, trempant son chemisier... Sans un mot, et d'une mine presque apeurée, elle hocha positivement la tête. Il pouvait bien se moquer d'elle, se foutre royalement de sa gueule même, ça n'était pas ça qui la ferait se sentir plus mal. Il se montrait sec à son égard, et elle se doutait bien qu'elle le méritait au vu de son comportement, sans même qu'il n'en connaisse les raisons.

D'ailleurs, il finit par crever l'abcès, en cherchant à comprendre ce qui n'allait pas entre eux. Il y avait un problème ? Bien sûre qu'il y en avait un aux yeux de la petite blonde, et de taille d'ailleurs. Chloé ne pu s'empêcher d'afficher une mine surprise par son culot, lui qui osait lui demander un truc pareil alors que dans l'histoire c'était lui qui faisait des cachoteries et qui se jouait d'elle depuis le début. Entre promesses bancales et mensonges il n'avait pas chômé !

« J'y crois pas...

lança-t-elle pour elle-même, en levant les yeux au ciel. -

Tu me demandes s'il y a un problème ?! Dis-moi... T'étais sérieux quand tu me demandais d'accepter tes conneries ?! Tu pensais vraiment que je pouvais... »

Sa voix se brisa. Elle s'emportait, et son petit corps ne suivait pas. Pas plus que ses émotions, qui semblaient littéralement l'étouffer. Ils étaient censés être un couple ? Cette stupide bague le lui avait bien rappelé, jusqu'à ce qu'elle ne la cloue dans ce lit d'hôpital ; avant qu'elle ne découvre ces horreurs, avant que Cruz ne paraisse encore plus tordu, avant qu'elle se soit faite écraser par cette déception et cette rancune, le sentiment de n'avoir été qu'un objet. Elle n'avait pas tellement eu tord de se sentir comme une poupée entre ses mains finalement...

« A part jouer avec moi, tu cherchais quoi ? Après tout, j'ai rien de la grande brune sophistiquée qui vit sous le même toit que toi ! »

A présent elle le fixait, les larmes aux bords des yeux, prête à le gifler s'il osait nier quoique ce soit. C'est vrai ça, Cruz ? Pourquoi tu l'aimes la petite junkie...? Enfin, si tu l'as aimé, ne serait-ce que quelques instants seulement...

Cruz comprenait qu'elle s'était droguée et alcoolisée avec un autre. Il ne pouvait pas penser autrement puisque Chloé était une dealeuse, elle appartenait à une bande de cas sociaux, que Charlie et le reste de ses amis riches à millions, raillaient sans cesse. Cruz était amoureux de Chloé mais il était incapable de supporter cette partie d'elle. Ce côté sauvage qui l'excitait tellement, cet air farouche hérité de son enfance difficile qui le rebutait autant qu'il l'attirait. Cruz ne put s'empêcher de secouer la tête, désapprouvant le comportement de Chloé sans prendre sa défense, sans pensée qu'elle était peut-être - comme lui (a) - une victime. Non, pour lui, elle s'était simplement déchirée la tête avec une mauvaise personne et avait trop honte de ses actes pour se rappeler de quoique ce soit. Il était peut-être mieux de changer de sujet et de se concentrer sur le fossé qui se creusait entre.

- De quoi est ce que tu parles ? demanda Cruz comme s'il était innocent et avait la conscience parfaitement tranquille. Je n'ai jamais joué avec toi.

Là il était sincère. Cruz ne l'avait jamais fait sciemment en tout cas. La manipulation était dans ses veines, il ne pouvait pas s'empêcher de tromper son monde. Il l'avait peut-être fait avec Chloé, pendant un moment, mais pas lorsqu'il lui avait remis cette bague. Il s'était au contraire montré plus sincère que jamais et il avait la sensation qu'aujourd'hui ça lui retombait dessus. Les larmes dans les yeux de Chloé le faisaient se sentir mal mais toujours persuadé que tout le monde ignorait son secret, il ne parvenait pas à réaliser qu'elle faisait directement référence à son amour pour sa mère.

- Si tu parles de Barbie, c'était juste pour me venger de toi et de ton silence...

Il y avait aussi d'autres raisons plus stupides comme le fait de vouloir récupérer son trône de roi du lycée et récupérer le cœur de pierre de Charlie Thomas qui lui avait même préféré son propre frère. Cruz récupéra lentement la main de Chloé.

- Je suis désolé.

De quoi parlait-elle ? De ses mensonges, de ses manipulations... Elle parlait du mal qu'il lui avait fait, de sa bêtise. Comment imaginer que suite à une telle révélation on pourrait faire comme si de rien était. Elle, n'en était pas capable. Et lui qui l'avait toujours rabaisser, clamant alors haut et fort qu'elle était faible dès qu'il en avait l'occasion avait réellement cru qu'elle pourrait supporter tout ça ?! Elle serra ses petits poings, se retenant de lui en coller une.

« Tu m'as menti... »

Et bon sang ce qu'elle pouvait lui en vouloir. Elle pensait que son allusion faite au sujet de Beth avait été suffisamment explicite pour qu'il fasse le rapprochement. Et il avait dû le faire, elle en était persuadée, malgré son air d'incompréhension et pseudo-innocent.

« Barbie ? Elle est aussi fade que les plateaux repas qu'on me sert depuis plus de trois jours... Je ne me suis pas arrêtée à cette nana sans importance.

- En fait, elle était même le cliché type de la fille passe partout aux yeux de Chloé, loin de toute forme de sophistication. Ce sac d'os courait après la popularité, tout autant que la cocaïne. Si bien que même son teint pâle ne suffisait pas à masquer la poudre qui demeurait sous son nez. Elle était pire que Chloé, sans avoir à appartenir au Bad Circle et à dealer comme le blondinette le faisait. Bref, Kennedy se fichait éperdument de cette traînée, et savoir qu'il avait cherché à se venger d'elle et de son indifférence en s'affichant avec cette catin lui passait au-dessus de la tête.

-Mais arrête de faire comme si tu ne comprenais pas ! Arrête de me prendre pour une conne Cruz ! »

Elle n'arrivait pas à se calmer. Il mentait, il détournait ses accusations et ça la rendait dingue. Il n'y avait pas d'autre explication possible pour elle : il se foutait royalement de sa gueule. Et cela, tout en beauté... Il en venait même à s'excuser. C'était elle qui était désolée... Désolée d'avoir été si stupide, d'avoir pu penser un seul instant que la confiance pouvait être de mise entre eux, qu'elle pouvait y croire.

« Pourquoi t'as fait un truc pareil...? Comment... ? »

Son regard se posa sur sa main, qui venait de s'emparer de la sienne. Cependant, elle ne parvint pas à se détendre. Au contraire même, puisqu'elle ferma les yeux pour se contenir une fois de plus.

Cruz avait menti sur des tas de trucs. Il préférait considérer qu'il avait omis certains détails plutôt que menti. Le pêché d'omission était moins grave que celui d'omission, n'est ce pas ? Il devrait vérifier cette information auprès d'Henrie, l'un des représentants de Dieu à Degrassi. En attendant, Cruz avait bel et bien fait le rapprochement avec Beth mais ne parvenait toujours pas à croire que quelqu'un avait pu découvrir ce secret qu'il dissimulait depuis de nombreux mois. Depuis ce jour, où tout avait dérapé entre sa mère et lui. Quand il était passé d'amant à fils. Cruz fit un petit sourire, pour aller avec son air détendu de mec qui n'a rien à se reprocher.

- Qui est ce qui t'as parlé ? Tu as lu un truc sur le site de Spirit c'est ça ?

Cruz refusait de croire qu'elle avait pu apprendre la vérité sur Beth et lui. C'était tellement évident et pourtant il refusait de regarder en face l'horreur qui se profilait à l'horizon si jamais Chloé décidait d'en parler. Il avait certes parlé ouvertement devant une centaine de femmes au foyer de sa relation interdite avec Beth mais aucune d'elles n'avaient pu comprendre ce qui se passaient réellement entre eux. Alors que Chloé avait l'air, elle, de posséder tous les éléments, de savoir parfaitement ce qui se tramait derrière les murs du manoir Preston. Si elle décidait de le révéler, les journaux people puis la police s'arracheraient ses révélations.

- C'est un tas de conneries, ok ?

Cruz n'avait pas d'autres choix que de nier. Nier encore et encore. Jusqu'à se trouver réellement au pied du mur, ce qui ne tarderait sans doute pas à arriver. Il n'aimait pas tellement occuper le rôle du lâche et préférait au contraire assumer ces actes. Mais il n'avait jamais été capable d'assumer son amour trop grand pour sa mère. Même le pervers Cruz Preston avait conscience que ses sentiments étaient malsains, que leur histoire d'amour était immorale, tabou. Si d'autres hommes seraient sûrement fiers de dire qu'ils avaient eu Beth dans leur lit, lui savait que cet acte était répréhensible et qu'il devait à tout prix le cacher aux autres. Il prit finalement une grande inspiration avant de se montrer courageux ou peut-être simplement stupide.

- C'est arrivé sans que je le veuille. Enfin si je le voulais depuis toujours je crois. Elle est en moi j'y peux rien. Je l'ai toujours aimé...

Chloé n'avait rien lu, et si ça avait été le cas, elle n'aurait pas manqué d'imprimer la page de Spirit pour la lui coller sous le nez, et finir par lui faire avaler ce torchon et l'étouffer avec ! S'il pensait une seule seconde qu'elle allait lui révéler le nom de la personne qui lui avait fait part de ce secret, il était bien naïf ! L'espoir faisait vivre, et lui promettait visiblement une longue vie de menteur, d'hypocrite manipulateur. Chloé, quand à elle, trouvait encore la force de se demander comment il avait pu en arriver là, comment cela était possible, comment... Trop de questions se bousculaient encore sous ses jolies boucles blondes. Cruz prétendait qu'il ne s'agissait que de conneries... Ah ouais ? Et la mine décomposée d'Ugo lorsqu'il lui avait confié ces horreurs, c'était une connerie ?! Le fait qu'il la regarde avec dégoût tout ça parce qu'elle lui avait avoué ses erreurs, ça en faisait aussi partie ? Il fallait arrêter de la prendre pour une demeurée... Elle le fixait, avec cette même lueur de tristesse, alors qu'il prenait visiblement son courage à deux mains et se décidait à assumer sa monumentale connerie.

A l'entente de ces aveux, qu'elle avait cherché en l'obligeant à faire face à tout ça, elle ferma à nouveau les yeux, comme si ne pas le regarder allait lui permettre de faire glisser ses paroles sur elle et les ignorer. Demeurer encore dans l'hypothèse que ça n'était qu'irréel et improbable. Elle grimaça de dégoût, réalisant que c'était encore plus difficile que ce qu'elle avait pu s'imaginer.

« Tais-toi... »

-souffla-t-elle doucement, d'une voix basse et tremblante. Aussitôt, elle récupéra sa main, et se redressa comme elle le pouvait, pour finalement s'asseoir sur le bord de son lit, en prenant soin de lui tourner le dos. Elle avait grand besoin de quitter cet enfer, dans lequel il semblait la noyer au fut et à mesure qu'il se confiait.

« Je ne comprends pas... Tu m'as fait t'aimer... Je te déteste. »

Elle avait retrouvé ce ton froid et distant, ne parvenant pas à réagir autrement pour se rendre insensible à cette situation, et s'épargner de nouvelles douleurs. Mais un mot de plus, et ça serait la goutte d'eau qui ferait déborder le vase. Elle pouvait en un claquement de seconde péter un câble et devenir littéralement hystérique. Qu'importe les côtes cassées, le bassin dans un sale état, et les divers pansements, Chloé ne pouvait pas avoir plus mal que suite à ces coups qu'il venait de lui porter.

La déclaration de Chloé oscillait entre amour et haine. D'ailleurs elle parvenait à faire tenir dans la même tirade un "je t'aime" et un "je te déteste". Il ne pouvait pas supporter de voir sa main loin de la sienne et surtout de ne plus voir son visage même si son regard étau fuyant. Cruz quitta sa chaise pour se rapprocher de Chloé et s'asseoir sur le lit derrière elle. Il posa ses mains sur ses épaules avant de baisser les yeux. Sa voix chevretait légèrement... Il n'arrivait toujours pas à croire qu'elle était au courant... Qui avait pu trahir son secret ? Est ce que Beth était allée jusqu'à révéler la vérité pour éloigner définitivement Chloé de lui.

- C'était avant, j'avais pas prévu de t'aimer Chloé, tu es la seule qui ait réussi à...

Les mots ne venaient pas. Il ne pouvait pas lui mentir encore. Lui dire qu'elle était parvenue à lui faire oublier Beth pour toujours. C'était un mensonge. Entre sa mère et lui les choses ne seraient jamais finies. Il l'avait longtemps espéré pour leur bien à tous les deux, mais quand il se rappelait de la violence qu'il avait ressenti en lui, en apprenant son mariage avec Edgar, Cruz avait réalisé qu'il serait toujours attaché à elle. Il n'exagérait malheureusement pas les choses. Il serait éternellement lié à Beth et même Chloé n'y pouvait rien. Par contre il pouvait lui promettre de faire son possible pour nier ses sentiments, pour ne l'aimer qu'elle. Ou en tout cas essayer. Il avait vraiment envie de faire cet effort pour elle. Parce que Chloé était la seule personne sur cette terre, qui pourrait réussir à lui retirer ses pensées malsaines pour Beth de la tête. Il aimait Chloé mais plus encore, il avait besoin d'elle.

- Je ne l'ai plus vu depuis que je suis avec toi. Il ne s'est rien passé. Tout est fini, depuis plusieurs mois.

Il avait juste manqué de faire l'amour à Beth dans l'une de leur luxueuse salle de bain, quelques heures à peine après avoir quitté les bras fins de Chloé. L'adolescente avait peut-être toutes les raisons de lui en vouloir finalement. Il refusait d'accepter le fait qu'elle est le droit de le détester. Il refusait de lui dire au revoir, comme ça. Il avait bataillé trop longtemps pour obtenir un sourire de Kennedy, et maintenant il savait que sa présence à ses côtés lui était presque indispensable. Il avait cru mourir de peur lorsqu'il avait retrouvé presque morte sur ce terrain vague. Il y avait quelque chose entre eux, un truc qui n'existait qu'avec elle, pas avec les autres. Cruz tentait de lui faire comprendre qu'elle était exceptionnelle, que c'était rare voir impossible de passer après Beth sans souffrir de la comparaison et pourtant elle y parvenait. Mais Cruz savait que le compliment ainsi formulé la ferrait sortir de ses gonds. Il la serra un peu plus fort dans ses bras, sans prendre garde aux côtés abimées de la jeune femme. Cruz avait juste besoin de lui communiquer son attachement, de lui faire sentir qu'elle n'était plus une fille parmi d'autres, mais Chloé, celle pour qui il était prêt à faire un minimum d'effort pour la récupérer.

Refuser la réalité, elle ne le pouvait plus. Il lui était désormais impossible de nier ces faits, puisque Cruz venait de tout avouer. Néanmoins elle pouvait le fuir lui ; elle pouvait se détourner de son regard, qu'elle ne supportait plus. Chloé était la seule à... quoi ? L'adolescent avait laissé sa phrase en suspens alors que la blondinette se tendait doucement. Il s'était rapproché d'elle, posant ses mains sur ses frêles épaules. Un frisson lui parcouru l'échine. De même, elle doutait d'avoir suffisamment de force pour y rester insensible et détachée. Le moindre contact pouvait la faire partir en vrille, si elle cessait de fournir cet incroyable effort afin de rester d'apparence calme.

« A quoi ? A te faire oublier cette relation tordue le temps d'une nuit ? J'sais pas si c'est un compliment. Et puis... Encore faut-il que ça ait été le cas... »

-souffla-t-elle avec un air dégoûtée. Pour oublier ne serait-ce que quelques instants une telle atrocité -car il ne pouvait pas en être autrement dans l'esprit de Chloé- il en fallait beaucoup. Elle percevait en ces mots une sale image d'elle, avec cette indélébile image de « femme-objet ». Celle qu'on prend, qu'on utilise à sa guise... Un vulgaire objet entre ses mains.

« T'avais pas prévu ?!

-répéta-t-elle nerveusement.

Moi non plus tu vois... Et finalement j'aurais peut-être dû le faire. Le jour où ça m'est tombé dessus, je me serais barrée en courant. »

Ca pouvait le blesser, certes, mais elle s'en foutait. Il le méritait amplement selon elle. Qu'il l'ai sauvé ou non n'allait pas changé ses actes précédents. Il aurait même pu lui rendre service en l'achevant sur le terrain vague, ça lui aurait épargné cette conversation, ces maux, cette peine. Impossible qu'il ai la moindre idée de la douleur qui étreignait à cet instant précis le coeur de Chloé. L'entendre faire de tels aveux lui retournait l'estomac, alors qu'elle était déjà au courant, que cela faisait des jours entiers qu'elle pensait à tout ça et s'en rendait malade.

C'était fini ? Et alors... ? Une telle romance n'aurait jamais dû commencer... Elle constatait qu'il avait sans doute du mal à saisir cette nuance, qui avait là toute son importance. Ca n'était pas une histoire qui avait lieu d'être, encore moins que celle qui pouvait les unir, eux qui appartenaient à deux univers bien différents ; encore moins que les rumeurs qui couraient au sujet d'Effy et Wayne les cousins qui se déshabillaient du regard... Elle même aurait bien pu se taper Julian -si cela avait bien évidemment été imaginable- que ça aurait été moins tordu étant donné qu'elle ne partageait pas le moindre gêne avec lui.

« Ravie de l'apprendre... »

-laissa-t-elle échapper, froidement. Elle ne parvenait pas à adopter un autre comportement. Elle lui en voulait trop... Ses quelques souvenirs s'étaient assemblés dès lors qu'elle avait eu cette confirmation de sa propre bouche, comme un puzzle qui aurait expliqué les raisons de sa présence dans cette maudite chambre d'hôpital, tout contre lui.

« Finalement, je pourrais presque dire que c'est de ta faute si je suis ici. »

Non pas « grâce à lui » puisqu'il l'avait sauvé, mais « à cause de lui ». Beth avait un gosse sûrement aussi déséquilibré qu'elle, avec lequel elle avait partagé un amour interdit, et qu'elle ne voulait pas voir s'en aller. Ses menaces elle les avait mis à exécution.

« Tu peux penser que je suis complètement folle, je m'en fous... Si je suis ici, si j'ai si mal, c'est à cause de ta... Beth. J'en suis sûre. »

Elle fit en sorte de se détacher quelque peu de lui, s'extirpant de cette étreinte en grimaçant légèrement, pour finir par ajouter :

« Tu te souviens de cette histoire d'accord ? Je t'ai approché, malgré ses menaces... La suite, tu peux la deviner tout seul, comme un grand garçon.

-Un léger silence s'installa entre eux, alors qu'elle se demandait s'il allait prendre la défense de cette timbrée et lui dire qu'elle délirait. De toute manière, il n'était pas nécessaire d'être une lumière pour se douter qu'une femme assez perturbée pour avoir un enfant de se propre fils pouvait être capable d'une telle chose, surtout si elle s'appelait Beth Preston.

-Tu m'as fait trop de mal. »

Une larme roula sur sa joue, et elle s'empressa de l'effacer d'un revers de la main. Elle n'allait plus pleurer pour lui.

Cruz ne trouvait pas les mots pour exprimer à Chloé tout ce qu'elle avait représenté à ses yeux. Butée, comme elle l'était, elle semblait ne pas comprendre la place qu'elle avait aujourd'hui dans sa vie. Elle continuait à le repousser même physiquement. Cruz garda le silence, la laissant déverser sa haine même s'il brûlait d'envie de répondre, de lui prouver qu'elle se trompait sur lui. En fait Cruz ne repprit la parole que lorsqu'il réalisa que Chloé attaquait sa mère de façon sournoise en l'accusant de son état, alors qu'il était vraisemblablement le résultat d'une bonne cuite.

- Tu vas trop loin là Chloé... Beth n'aurait jamais fait ça.

Même si il l'aimait une autre femme, Beth n'aurait jamais pu commanditer un tel acte. Demander à éliminer Chloé. C'est vrai que les choses étaient allées super loin entre eux, ni elle, ni lui, n'avaient hésité à utiliser la violence. Mais Beth était au-dessus de ça, elle était la Madonne, empreinte d'une grâce presque divine, elle ne serait jamais abaissée à se compromettre dans le meurtre sordide d'une adolescente dont le seul tort était d'être aimée par son fils. Cruz aimait trop Beth pour ouvrir les yeux sur les dérives que pouvaient prendre son amour maternel. Il regarda ses mains inutiles depuis que Chloé avait échappé à leur étreinte avant de reprendre la parole.

- C'est déguelasse de mentir pour nous séparer. T'as pas besoin de le faire, je te l'ai dis tout est fini entre elle et moi. Tu peux me blesser de bien des façons tu as le droit, mais évite de t'en prendre à elle.

Quel preux chevalier ce Cruz. Il était prêt à accepter toutes les insultes de Chloé à condition qu'elle épargne sa mère. Il préférait à tout prix laisser Beth en dehors de cette histoire, la seule à peu près normale qu'il avait réussi à construire depuis Loan et Selena même si son frère était toujours dans les parages, puisque Chloé était son ancienne fiancée. Cruz restait de son côté conscient que Chloé ne supporterait pas qu'il fasse encore un geste vers elle.

- Je sais que c'est pas facile à accepter et je te demande pas de le faire, mais écoute ton coeur je sais que tu m'aimes aussi. Aorès tout ce qu'on a traversé, tu peux pas abandonner maintenant.

Ces hypothèses avaient élu domicile dans la petite tête blonde de Chloé... Il faut dire qu'elle n'avait pas eu grand chose à faire dans cette maudite chambre d'hôpital, ne supportant plus le petit écran qui lui faisait face, et refusant la moindre visite. Julian était passé, histoire de prévoir son jour de sortie, d'avoir quelqu'un pour la ramener chez eux. Le reste du monde s'était évanoui à ses yeux, si bien qu'elle s'était terrée dans ses souvenirs et ses réflexions, faisant remonter en surface les menaces et les maux. Les quelques magazines qu'avait pu lui porter son pigeon de première catégorie, qui par ses attentions avait gagné un peu d'estime, n'avaient fait qu'alimenter cette théorie. Tout collait, jusqu'à l'esprit dérangé de chacun des membres de la famille Preston. Et maintenant qu'elle l'exprimait, qu'elle en faisait part à Cruz en le laissant deviner par des sous-entendus qu'elle accusait Beth d'être responsable de tout ça, il ne la croyait pas.

« Je vais trop loin ? Mais oui bien sûre... Je vais trop loin ! »

répéta-t-elle pour elle-même, ne pouvant s'empêcher de rire nerveusement. Elle passa aussitôt ses mains sur son visage poupin, fermant les yeux, pour finalement que son rire léger laisse place à des sanglots qu'elle s'efforçait de retenir. Ses nerfs étaient à fleur de peau, elle avait l'impression de devenir complètement hystérique, de virer dingue. La tête baissée, à défaut de pouvoir se recroqueviller sur elle-même, Chloé lâcha un profond soupir et tenta de se ressaisir.

« Et ce n'est pas dégueulasse ce qu'on m'a fait peut-être ?! C'est de sa faute ! Mais regarde-toi... T'es peut-être encore plus naïf que moi ! »

Elle se rappelait parfaitement de la venue d'Edgar au lycée, et de sa miraculeuse présence sur les lieux de l'accident, quelques heures après. Les traits qu'elle avait encore en mémoire correspondaient parfaitement à ceux des nombreux clichés de presse qui semblaient avoir été déposé dans cette chambre que dans le simple but de la narguer et d'éveiller chez elle de très mauvais souvenirs.

« Si tu me prends pour une menteuse, la porte de sortie est juste derrière toi... Je ne suis pas assez timbrée pour chercher à te retenir en inventant des trucs pareils ! Tout ce qui est ancré dans ma tête, cette peur bleue que j'ai de voir revenir cette brute, je ne l'invente pas. T'as pas le droit de me dire ça ! »

Ses yeux rougis le fixaient, alors qu'elle n'encaissait pas du tout le fait qu'il la traite de menteuse. Elle était persuadée qu'elle disait vrai. Tout coïncidait, Beth, ses menaces, Edgar, leur futur mariage, cette visite inattendue, l'accident, la drogue, le terrain vague... Certes il manquait des éléments à Cruz, mais Chloé n'avait même pas l'envie de les lui fournir, se doutant alors qu'il allait refuser d'admettre qu'une telle chose était possible. Non, il était prêt à accorder à Chloé toutes les insultes et maux du monde à son égard, à condition qu'elle laisse Beth tranquille. Il rêvait, non ?

Devait-elle faire un tel effort pour lui ? Pour eux ? Alors qu'elle se dégoûtait elle-même d'avoir été si conne pour s'imaginer qu'il était moins dérangé que ce qu'il montrait de lui... Que peut-être... Mais il n'y avait pas de « peut-être » possible. Espérer c'était prendre le risque d'être déçue. Sans espoir, pouvait-elle cependant se protéger de cette douleur lancinante ?

« C'est bien simple : je le ferais pas. »

Elle secoua doucement la tête, affichant toujours cette mine abattue. La blondinette se perdait dans un brouillard de chagrin, qu'un vent violent de colère ne parvenait pas à dissiper.

« Ca sera quoi la prochaine découverte, hein ?! Tu comptes battre des records, voir à quel point je suis stupide ?! »

L'entendre dire de telles choses la mettait hors d'elle. Abandonner... Mais il lui fournissait toutes les raisons suffisantes pour le laisser. A croire qu'il cherchait à lui faire du mal, et prendre plaisir à la voir revenir...

« Je t'ai fait quoi pour mériter ça ? Sérieusement Cruz... »

finit-elle par demandé, d'une voix basse, en grimaçant légèrement, cherchant à prendre appuis sur le bord du lit, pour se lever.

Ca devait être la première fois que quelqu'un accusait Cruz d'être naif. Il avait souvent eu l'impression de ne pas avoir d'enfance, d'avoir filer tout droit dans le monde complexe de l'adolescence. Cruz avait fait l'amour trop tôt sans doute pour combattre les sentiments qu'il éprouvait déjà pour sa mère. Il voulait aussi dépasser son père, faire mieux que lui. Comme il n'était pas terrible en sport, il l'avait alors concurrencé dans le domaine des femmes. Il releva la tête pour la voir passer sous ses yeux du rire nerveux, aux larmes mal contenues. Blessé, il décida de répliquer pour qu'elle aussi souffre à son tour.

- Je sais bien que tu ne chercherais jamais à me retenir, tu ne l'as jamais fait Chloé. Je t'ai toujours couru après.

Parfois c'était à se demander pourquoi, quand il voyait où ils en étaient encore une fois. Les incrompréhensions créaient un fossé presque infranchissable entre eux. Il l'aimait, dû moins il le croyait, mais commençait à douter que cet amour soit suffisant. Il avait déjà sorti le meilleur de lui pour Chloé, il n'avait plus rien à lui offrir si ce n'est sa franchise. Elle méritait au moins la vérité et peut-être un peu d'indulgence de sa part. Mais il n'arrivait pas à mettre en doute l'intégrité de sa mère. Beth était toujours sur un pied d'estale, elle était plus belle, plus intelligente que les autres femmes. Il s'efforçait de croire que Chloé mais il avait toujours pris sa mère pour une sainte, la penser responsable d'une chose aussi horrible, signifiait qu'il y avait même des parts d'ombre chez sa maman, qu'il s'était toujours été représenté comme une femme innocente et victime de ses mains balladeuses de fils indigne.

- Je te le répète Chloé c'était avant. C'est fini. J'ai envie de changer, je ferais plus la même erreur c'est dur à avaler et à croire mais... Tu n'as rien fait, c'était pas fait contre toi. Je pouvais pas me contrôler, elle non plus... C'était plus fort que nous on s'aimait. Ca m'a dépassé. Tu peux comprendre ça ou bien l'amour est un concept qui t'échappe totalement ?

Cruz s'approcha d'elle tandis qu'elle tentait de se lever, il tendit la main vers Chloé pour qu'elle puisse s'y appuyer mais pas pour se mettre debout, mais pour retrouver son lit. Elle n'avait pas le droit de faire d'effort et même s'ils s'engueulaient, il ferait en sorte qu'elle respecte les consignes du médecin afin de préserver sa santé.

- Même avec Ugo tu n'arriveras pas à m'oublier. Tu m'aimes, je le sais. Et moi aussi. Dis moi ce que je peux faire pour retrouver ta confiance ? C'est rien tout ça, juste du passé, j'en suis pas fier, j'en ai honte, alors aide moi à oublier et à ne pas retourner dans mes travers. Sans toi je suis perdu.

Il avait relevé le visage de Chloé vers lui avec douceur. Cruz y croyait presque : oublier Prudence, oublier Beth... Facile.

Chloé avait l'impression de devenir folle... Elle était semblable à une vraie boule de nerfs, capable de rire pour se noyer finalement dans un bain de larmes salées. Elle aurait voulu se réfugier dans une étreinte, en même temps que le fuir. Plus rien ne semblait avoir de sens, toute forme de raison ou de logique s'était évaporée. Seul demeurait la certitude que Beth Preston soit mêlée à tout ça, source de ses malheurs actuels. Certes, des ennemis la petite blonde s'en était fait un paquet depuis le temps. Elle enchaînait ses petits trafics et magouilles depuis quelques années déjà, envoyait Will dès qu'un léger retard de paiement profilait à l'horizon, et attisait la colère d'un grand nombre de mecs louches. Mais jamais, ô grand jamais, ils en étaient arrivés là. Sa baisse d'activité avait fait taire les menaces, et suite à celles de cette mère de famille, une voiture emboutissait la sienne par le plus grand des hasards, Edgar venait soit disant à son secours et elle agonissait sur le terrain vague... De quoi la faire grandement douter. Ce qui malheureusement n'était pas le cas de Cruz. Sa mère ? Ca devait être une sainte à ses yeux, et cela écoeurait Chloé. Ca ne faisait qu'attiser cette sensation de folie passagère, comme si elle n'avait été qu'une vulgaire menteuse. A son tour, l'adolescent parvint à la blesser par sa réplique accusatrice.

« Non, bien sûre que non... Dis-moi, tu me rappelles comment on s'est retrouvé à moitié nus dans mon salon ? ...Ouais, je t'ai pas retenu, jamais... »

lança-t-elle avec la plus grande ironie du monde, ayant soigneusement choisi son exemple, qui représentait selon elle la toute première fois où l'un comme l'autre avait décidé de baisser les armes, de troquer plaisir contre douleur... Elle leva les yeux au ciel, séchant au passage les dernières larmes qui roulaient lentement sur ses joues pâles, et soupira doucement.

Il avait envie de changer disait-il... Vraiment ? Il n'avait plus envie d'une relation incestueuse ? Il ne voulait pas devenir père de famille et fonder un foyer avec sa propre mère ? Etonnant ! L'amour... A présent elle était bien incapable d'en connaître sa valeur et ses limites. Pour sa part, l'amour parental lui était inconnu, elle avait découvert depuis peu ce que pouvaient être les sentiments, et il lui parlait de la notion même d'amour ? Comment voulait-il qu'elle puisse concevoir cette histoire comme une véritable romance ? A chacun de ses mots, elle se retenait de grimacer, appuyant sur chacun d'eux en cherchant à fermer un peu plus les yeux, si cela avait été possible.

« Je ne peux pas concevoir un tel amour, je ne peux pas l'accepter, non. »

Après, il pouvait bien faire ce qu'il voulait de ces quelques mots, elle lui avait dit franchement ce qu'elle pensait. Adolescente déjà perdue dans ce que pouvait représenter les sentiments amoureux, elle ne parvenait pas à imaginer de tels débordements, soit disant incontrôlés et inattendus... Elle releva la tête vers lui, tout en tentant de se relever. Il lui tendit la main, la ramenant sur le lit, alors que tout son corps cherchait à s'éloigner, malgré ses maux. Elle finit donc par se rasseoir, se résignant à obéir à cet ordre silencieux, bien que les propos de Cruz lui donnait envie de disparaître.

« Tu me caches encore beaucoup de choses ? Je n'en sais rien Cruz...

- Comment regagner sa confiance, alors que désormais elle avait l'impression que plus le temps s'écoulait, plus elle allait en baver ? Quoique là, c'était difficile de faire pire ! Cette annonce avait été une tel choc, que Chloé craignait pour l'avenir, pour ce qui finirait par lui tomber dessus par la suite, pour tout.

Je ne sais pas ce que tu peux faire, et ça n'est pas rien. Je ne sais pas si je serais suffisante pour te faire oublier une telle chose. Je ne veux plus t'imaginer... comme ça. »

Ca faisait trop mal... Tout comme ses mots, tout comme ce regard qu'il venait de poser sur elle, tout comme cette confession. La voix de Chloé s'était éteinte. Elle n'avait même plus le courage de s'engueuler avec lui, tant il avait le don de semer le doute en elle, de l'apprivoiser en lui collant le plus franchement du monde la vérité sous le nez.

Cruz s'empêchait de ne pas la dévisager trop longtemps, pour ne pas l'embrasser. Il connaissait son petit réfrigérateur et savait que s'il faisait mine d'approcher sa bouche de la sienne, elle le giflerait. Comme le médecin lui avait demandé de veillé à ce qu'elle ne se fatigue pas, il devait éviter de la faire sortir de ses gonds et lever sa petite main pour l'abattre avec le peu de force qui lui restait sur sa joue. Il se rappelait bien de leur première nuit, dans son salon, mais il avait toujours eu l'impression que c'était lui qui avait tout fait et que finalement de guerre lasse, incapable de lutter plus longtemps, elle s'était abandonnée à lui. Cruz aimait réécrire les histoires pour pouvoir se donner le bon rôle. Il comprenait qu'elle ait tant de mal à lui pardonner, lui-même ne parvenait pas à s'excuser pour cet acte.

- Je te cache plus rien...

Enfin presque rien. Est ce qu'elle était au courant pour Prudence ? C'était peut-être le bon moment pour le dire ou pas. Cruz s'empêtrait dans son mensonge. Il dégoûtait bien assez Chloé alors il essayait de la récupérer. Il ne voulait pas aggraver son cas, surtout dans le cas où elle ignorait qu'il avait poussé le crime plus loin. Si elle le savait c'était pas la peine de rajouter de l'huile sur le feu. Il fallait mieux se la jouer profil bas et se taire.

- Considères que je l'ai déjà oublié. Tu n'auras rien à faire, si tu veux que j'ailles consulter je peux. Si tu veux que je déménage aussi je peux le faire.

Sa mère et Edgar vivaient en plus ensembles, une fois encore Warhol et lui se retrouvaient à la rue. Il ne voulait pas retourner à l'hôtel et serait bien forcé de taxer son père ou son grand-père pour se prendre son premier appartement.

- On pourrait vivre ensembles, je m'occuperais de toi le temps de ta convalescence...

Cruz s'arrêta quelques secondes en réalisant l'ampleur de ce qu'il venait de dire. C'était dingue. C'était tellement pas lui. Chloé le rendait fou c'était évident. Comment pouvait il lui proposer une chose aussi importante aussi naturellement. Pourtant cette demande lui paraissait censée, il n'avait pas envie de retirer sa proposition.

- Et tu pourrais même rester plus longtemps. Ca serait un nouveau départ.

[Ca sonnait mieux dans ma petite tête, désolée ! xD]

Cruz prétendait ne plus avoir de secrets... Cependant la méfiance de la jolie blonde l'amenait à garder un certain recul. Devait-elle le croire ? Devait-elle lui faire confiance ? Jusqu'à présent mentir avait été si facile pour lui. Les belles paroles avaient franchi le seuil de ses lèvres avec un tel naturel, que c'en était carrément déconcertant. Le fixant sans un mot, elle cherchait à percevoir cette lueur de franchise qui l'apaiserait. Rien n'était flagrant, rien n'était vraiment perceptible, ce qui l'amena à céder et à ne plus rien répliquer allant à son encontre. Après tout, il lui suffisait de la regarder pour comprendre que s'il devait l'achever, c'était maintenant. S'il devait avoir raison d'elle et l'abattre par le biais de ses révélations, il n'avait pas de temps à perdre, car plus tard, elle ne le supporterait sûrement pas. Leur dispute étant bien entamée, ça n'aurait présentement pas un si grand impact, puisque les mots glisseraient sur elle comme les larmes avaient pu le faire sur ses joues. Il semblait prêt à faire tant d'efforts pour elle... Acceptant par avance le moindre de ses désirs, de ses caprices. Consulter ? Il le pouvait. Déménager ? De même. A tel point que cela étonnait Chloé. Cruz et sa fierté étaient réellement prêts à se faire suivre ? Pour elle ? C'en était troublant, tant inhabituel.

Pas aussi étonnant que ce qui suivit. Ouvrant de grands yeux étonnés en entendant sa proposition, Chloé resta sans voix. Impossible. Elle n'avait pas pu entendre ces mots. Il n'avait pas pu les prononcer. C'était trop important, trop improbable, pour qu'il ait été capable de lui soumettre une telle idée. Ses paupières papillonnèrent quelques secondes, réalisant qu'il ne s'agissait vraiment pas d'une hallucination, puisqu'il y percevait apparemment un nouveau départ.

« Je... Je n'ai plus la force de jouer Cruz. »

Chloé ne le croyait pas... C'était tellement dingue. En pleine dispute, voilà qu'il lui proposait de vivre ensemble, souhaitant s'occuper d'elle le temps qu'elle aille mieux, et plus encore. Ca ne lui ressemblait pas, lui qui quelques jours auparavant s'était efforcé de la rabaisser comme il le pouvait par simple vengeance de son mutisme. Il avait peut-être eu plus de courage qu'elle dans leur histoire jusqu'à présent, mais jamais à ce point. Là, ça dépassait toutes folies et réalités. Elle baissa son regard, se reculant légèrement pour prendre se caler tout contre les oreillers blancs de son lit.

« T'es sérieux ? »

-Entre demande en mariage en plein cours de maths de la part d'Ugo et cette proposition, on pouvait dire que les Preston donnaient dans la surprise et le rebondissement. L'inattendu leur collait visiblement à la peau, au plus grand désespoir de la miss Kennedy, qui se retrouvait perdue au milieu de ces attentions à son égard. Elle, la petite blonde insignifiante...

« Je ne suis pas une roue de secours, l'antidote qui va avoir raison de tout ça, la solution qui va résoudre tes problèmes. Et puis accepter, c'est signer mon arrêt de mort pour de bon.

Elle n'en démordait pas, et voyait déjà Beth l'attaquer avec un couteau dès que leurs chemins se croiseraient.

Tu ne seras pas toujours là pour me sortir d'affaires. »

Elle était perdue. Elle qui avait promis à Ugo de faire le point au plus vite avait le sentiment que jamais elle ne parviendrait à s'en sortir.

Cruz avait encore du mal à réaliser que sa bouche avait prononcé ces mots là. Il se transformait en Ugo ou quoi ? Contrairement à son frère, il n'avait jamais été pour l'engagement. C'est vrai que ça pouvait paraître étonnant pour un garçon déjà père, mais Prudence était arrivé un peu par miracle sans qu'il ne sache trop comment. D'accord il savait comment mais ça n'était prévu. Puis ça n'était pas un très bon exemple, il ne reconnaissait la paternité de sa fille que quand il craignait qu'on ne lui la retire. Cruz n'avait jamais été très mature et s'installer avec une fille, était un grand pas. Il avait toujours vécu dans le luxe et le confort du manoir, à part il y a quelques mois lorsqu'il avait séjourné dans une suite luxueuse. Mais là-bas comme ici, il était un petit pacha, complètement dépendant d'une équipe composée de femmes de ménage, d'un cuisinier et d'une masseuse. Il en train de faire un vrai sacrifice et pour qui, pour une petite blondinette ingrate qui n'avait pas arrêté de le faire tourné en bourrique depuis qu'ils se connaissaient. Elle n'avait plus la force de jouer, tant mieux, lui aussi, il avait besoin de calme de profiter enfin de son adolescence et d'elle malgré tout ce que cela impliquerait : une colère divine de Beth et de Charlie, un bannissement du petit monde priviligié auquel il appartenait mais les risques principaux venaient de son coeur si ils vivaient ensembles, il prenait le risque d'être carrément amoureux et il savait bien ce qui se passait quand il l'était. Généralement il prenait peur et fuyait très loin. Pourtant il avait envie de prendre le risque mais avant ça il devait rassurer Chloé qui avait toutes les raisons d'avoir peur.

- Tu sais que si tu n'étais qu'une remplaçante à mes yeux, je ne t'aurais fait cette proposition.

Ignorant les recommandations du médecin qu'il s'efforçait pourtant de respecter depuis l'hospitalisation de Chloé, il embrassa légèrement les lèvres de la petite blonde au coeur glacé.

- Ne me sous-estimes pas Kennedy. J'ai plus l'intention de te lâcher d'une semelle, surtout depuis qu'il est devenu évident que tu es incapable t'assurer ta propre sécurité.

Ok là il poussait un peu mémé dans les sorties. Chloé croyait toujours que c'était sa mère qui était derrière son accident et donc il était forcément un peu coupable de son état. Mais Cruz avait toujours fonctionné ainsi au culot et parfait son charme et son arrogance réussissait à attirer la sympathie de ses interlocuteurs. Il savait que s'il parvenait à faire décrocher un petit sourire à Chloé, il aurait tout gagné.

- Je plaisantais. rassura t'il avec un petit sourire en coin.

Justement, Chloé ne savait plus... et même, elle ne savait pas. Elle n'était plus sûre de rien, et tout était bien confus dans sa petite tête. En l'espace de quelques jours, une semaine tout au plus ; elle avait affronté les deux frères Preston, en avait finalement retrouvé un, puis avait suivi cet accident, cette intervention miraculeuse et inattendue, cette confrontation... Malgré tous ses efforts, qui malheureusement étaient de plus en plus maigres à défaut de force, elle avait du mal à gérer tout cela, et la proposition de Cruz n'arrangeait rien. Il parvenait à la mettre dans tous ses états, déclenchant chez elle ces réactions en chaîne, la chamboulait à l'aide de quelques mots et parvenait à la faire douter comme jamais. Elle en avait horreur, et pourtant tombait sans arrêt dans le panneau. Pour le coup, elle ne perdait pas de vue que céder à nouveau revenait à prendre des risques considérables. Chloé en devenait carrément paranoïaque, mais cette idée était tellement ancrée dans son esprit qu'elle ne cherchait même plus à se rassurer en établissant de nouvelles hypothèses. Dire oui à Cruz, c'était choisir son cercueil.

Ses lèvres venant effleurer les siennes eurent l'effet d'une vague de nostalgie, de cette période où la naïveté et l'ignorance prônaient et la préservaient de ses maux. De ce temps où les seules questions qu'elle avait à se poser demeurait au stade de ses sentiments, de ce choix délicat. Sans intégrer moralité et sécurité. Chloé trouva en ce doux baiser un peu de chaleur, alors que sa tête lui hurlait qu'il lui était interdit d'en demander plus. Cruz lui demandait de lui faire un peu plus confiance, de cesser de le sous-estimer. Ca n'était pour elle qu'une évidence. Il ne serait pas sans arrêt avec elle, prêt à la protéger de quiconque oserait lui vouloir du mal. C'était un fait, il n'était pas superman, elle n'était en aucun cas la jolie blonde qui attendait patiemment qu'on vienne à son secours. Ca, elle ne le supportait pas, bien au contraire. Et ses mots lui rappelait étrangement ceux d'Ugo. Le fait de ne pas vouloir la lâcher sonnait comme ceux du petit bouclé. Elle secoua légèrement la tête, chassant tout ça de son esprit embrumé et fatigué. Il soulignait par sa réflexion la fragilité de la jeune femme, et cette dernière ne trouva rien à répliquer.

« Mais t'as raison...

La trouille lui retournait littéralement l'estomac, y créant un sacré noeud.

Je ne peux pas assurer ma propre sécurité, et toi non plus tu ne le pourras pas. »

Face à Beth, elle ne donnait pas longtemps de sa vie... Et quand bien même, Cruz serait présent à ce moment là, ce n'était même pas dit qu'elle serait pleinement rassurée. S'il se disait être celui qui la protégerait, il n'en demeurait pas moins la raison de ce danger, ce qui faisait que la blondinette devait faire très attention et rester sur ses gardes.

Cruz ne renonçait toujours pas à projet. Etonnant pour un garçon aussi indécis que lui, capable d'être amoureux de deux femmes à la fois et très différentes aussi. Chloé avait à peine répondu à son baiser et même pas du tout. Mais il avait la sensation qu'elle commençait lentement mais sûrement à revenir sur ses positions. Il n'allait pas jusqu'à prétendre ou penser qu'elle lui avait pardonné, mais elle semblait réellement étudier sa proposition et tant mieux c'était tout ce qu'il voulait, une chance aussi microscopique soit elle, de pouvoir se rattraper.

- Alors on engagera quelqu'un. Un garde du corps. Jay Hogarth, un ancien bad circle a une super agence avec des gens très qualifiés qui sauront de protéger.

De ma mère ? Cruz préférait croire que Chloé s'inquiétait à cause de quelqu'un d'autre. Il ne parvenait toujours pas à comprendre que Beth était allée jusqu'à commanditer sa mort à cause de lui et de son comportement de gamin indécis. L'idée du garde du corps lui paraissait géniale, il avait les moyens de le payer enfin sauf si Beth décidait de lui couper les vivres pour se venger. Il était prêt en tout cas à passer son argent de poche dans les frais que lui coûterait la protection permanente de Kennedy. Cruz croisait les doigts pour que sa phase paranoïaque lui passe très vite et que la présence du bodyguard devienne inutile.

- Maintenant que tout est réglé, tu dois accepter. dit Cruz avec toujours son même petit air arrogant de monsieur-je-sais-tout, un léger sourire flottant sur son visage.

[De pire en pire ces posts Evil or Very Mad

Désolé ]

Il avait cet aplomb, cette façon d'être qui avait en certain effet sur Chloé, qui semblait avoir raison de sa garde, des efforts qu'elle fournissait pour lui échapper, se dérober, se protéger... Elle en venait même à se demander s'il n'avait pas conscience de l'impact que pouvait avoir le moindre de ses mots, de ce don qu'il avait pour l'amadouer et la faire ainsi douter, au point d'en jouer. A présent la blondinette se méfiait de tout. Elle était devenue carrément paranoïaque, et tout pouvait être source de maux, susceptible de la faire plonger un peu plus. Ni lui, ni elle, ne même personne d'autre ne pourrait la protéger. La douleur paraissait inaccessible, et les menaces seules pouvaient attaquer la petite Kennedy, en l'effrayant. S'il ne pouvait être son héros de la manière la plus simple qui soit, Cruz s'en donnerait d'après lui les moyens en engageant quelqu'un pour veiller sur elle. Mais bien sûre ! Son regard clair se posa sur l'adolescent, sceptique.

« Oui, et puis on enverra la facture à ta chère maman ! »

Il pouvait avancé tous les arguments du monde, elle finirait toujours par trouver une excuse, la plus insignifiante qui soit... Du moins, elle l'espérait, craignant de se plonger toute seule dans un horrible cauchemar. Elle imaginait déjà Beth lui faire vivre un véritable enfer. Et ça n'était pas un pauvre petit garde du corps, aussi compétent soit-il, pouvant avoir comme patron le plus ancien diabolique membre du bad circle, qui allait contrer cette véritable furie. Cruz devait avoir une image bien trop lisse de sa mère, et pour cause il l'avait aimé au-delà d'un amour que peut porter un enfant à sa génitrice -et il l'aimait sans doute encore de cette manière ce qui écoeurait Chloé au plus haut point. Tout semblait si facile, alors qu'il affirmait qu'elle ne pouvait plus refuser. C'était mal la connaître. Il disait lui avoir couru après sans relâche ? Il allait en baver à présent dans ce cas !

« T'es bien sûr de toi, Cruz... Tu l'es peut-être trop d'ailleurs. Il y a deux minutes tu me traitais quasiment de menteuse, et maintenant tu me parles de garde du corps, de vie à deux... Tu veux me faire taire ou quoi ? Et puis... Quitte à me coller une brute H-24 sur le dos, je peux aussi proposer à Will de squatter chez moi... Il se sert déjà dans mon frigo, un peu plus... Un peu moins... Je ne verrais pas la différence et ça t'évitera des frais inutiles. »

Et il pourra même dormir dans son lit. A moins que lui aussi est fricoté avec sa propre mère ! Là, forcément... Ca la stopperait net !
Chloé cherchait à provoquer Cruz, sans trop savoir ce qu'elle attendait de lui au final. Et pourquoi Will ? Sans doutes parce qu'il avait fait référence au Bad Circle. Si elle avait vraiment voulu le faire sortir de ses gonds, voulant tester l'éventuelle jalousie dont il pouvait faire preuve, elle aurait cité Ugo. Là, elle l'avait retenu...

« Rien est réglé, c'est ça que tu sembles ne pas voir... J'suis toujours là. »

-lâcha-t-elle, d'une petite voix, comme s'il ne s'agissait que d'un vulgaire constat. Elle était en vie, sur ce lit d'hôpital, et dehors on devait l'attendre pour cette fois-ci ne pas se louper.

La blague. Il était hors de question que Will' foute un doigt de pied son futur nouvel appartement. Comme tous les membres des So Cools, il avait un mépris tout particulier pour les membres du Bad Circle, tout l'étrangeté de sa relation avec Chloé, presque reine du clan. La haine était bien entendue réciproque et si Cruz avait bien voulu faire un effort avec Chloé il était pas question que sa bande de cas sociaux s'incruste à dîner dans son loft. Parce que lui si voyait déjà, il avait une vision même assez utopique de son emménagement avec la blonde. Il se voyait faire l'amour tous les jours et presque toutes les heures, quand ils ne seraient pas en cours, ils mangeraient à même le lit, ils prendraient de nombreuses douches coquines faisant crever leur budget mais ils s'en moqueraient. Cruz faisait ausis volontairement l'impasse sur leurs nombreuses disputes parce que Chloé et lui étaient à la fois semblables et différents et aussi sur la routine qui finirait forcément par s'installer. Pour le moment, il restait accroché, bloqué sur son idée et les réticences de la principale intéressée ne le freinait pas au contraire.

- Ca, ça peut s'arranger.

Avec douceur, parce que Cruz n'était pas un bourrin du genre d'Ugo le cracheur compulsif et le violeur qui vous traumatisait à vie en vous arrachant l'hymen, il prit dans ses bras le corps frêle de Chloé sans qu'elle ne puisse protester physiquement. Bien entendu il n'avait pas les bras assez longs pour lui museler la bouche et la faire taire. Donc si elle voulait hurler, elle pouvait. Il traversa le couloir avec Chloé jusqu'à trouver un fauteuil roulant abandonné devant une porte devant un malade. Cruz déposa Chloé et se mit derrière pour commencer à la pousser.

- Allez hop, je t'emmène chez nous.

Elle était encore là, encore en vie... Rien était réglé puisqu'une mère de famille complètement barrée était collée à ses bask', prête à tout pour la voir sous terre. Comment ne pas flipper ? Elle qui ne daignait plus accorder sa confiance à quiconque, ni même à sa propre personne, devait confier sa sécurité à un inconnu, sans doutes payé avec un lance pierre pour la surveiller ? C'était lui en demander beaucoup. Mais Cruz ne lâchait pas l'affaire. Et pour cause, voilà qu'il prenait ses propos au premier degré et tenait à la faire sortir de cette chambre d'hôpital. Elle aurait pu crier, elle aurait pu tenter de se débattre et de faire appel à une quelconque infirmière, au premier aide soignant, à un médecin... Mais elle n'en fit rien. Elle demeura silencieuse, sûrement trop surprise par l'initiative de l'adolescent. Il venait de resserrer son étreinte autour de son petit corps, et par simple réflexe Chloé était venue s'agripper à sa nuque. La ramener à la « maison »... C'était carrément la plus grosse hallucination de toute sa courte vie de junkie.

« Cruz... Arrête ton délire... »

-souffla-t-elle lorsqu'il la déposa dans un fauteuil.
Ca lui faisait mal de dire ça, de l'arrêter, de se tenir à cette rancune et cette image écoeurante qu'elle avait de la réalité. Elle était butée comme jamais, ça n'avait rien d'un scoop ; s'arrêtant sur ce qu'il pouvait feindre d'ignorer. Il avait jusqu'à présent parlé de Beth comme une femme lambda... Quoique cela semblait impossible. Une femme autre que sa mère tout du moins, une femme désirable, qu'il se permettait d'aimer autrement que ce qu'aurait dû dicter la nature. Et Chloé gardait cette étiquette figée sur le front de cette version loin d'être angélique de la femme « parfaite ». Sous ses aires de mère attentionnée, Chloé ne percevait qu'une femme assez tordue pour reproduire un complexe d'Oedipe inversé. Elle et ses leçons, ses instructions et ses ordres pouvaient aller se faire voir !

Avec un élan d'assurance insoupçonné, Chloé ramena sa fine main en arrière et se saisit de l'avant bras du jeune homme. Cela eut pour effet de le stopper et elle s'empressa de le ramener face à elle, l'obligeant à contourner le fauteuil et à se baisser pour être à son niveau.

« Je ne suis pas prête...S'il te plaît. Je flippe, je ne veux pas sortir, pas maintenant, pas comme ça. Je ne veux pas me replonger dans un tel enfer, je ne veux pas atterrir dans cette même chambre d'hôpital dans 15 jours, ou deux étages plus bas, à la morgue.... »

C'était franc, et loin d'être un discours délicat, aux termes choisis et placés. Elle le fixait, de son regard clair, faisant part de toutes ses craintes dans le plus grand des silences.

« S'il te plait, Cruz... »

murmura-t-elle, en approchant sa main de son visage, glissant sur sa joue dans une infime caresse. Elle lui demandait du temps... Et elle avait d'ailleurs l'impression de ne plus savoir faire autre chose que ça. Doucement, elle prit appuis sur les accoudoirs du fauteuil et se redressa légèrement, pour se rapprocher. Son front vint se coller au sien. Elle ferma les yeux quelques secondes, sentant sa tête tourner légèrement

« ...Mais ne me laisse pas. »

Un caractère à la c*n, une faiblesse qu'elle peinait à dissimuler... Il allait finir par avoir raison d'elle.

Cruz filait à tout allure dans les couloirs de l'hôpital, il slalomait entre les brancards, évitaient les enfants aux bras plâtrés de justesse, les infirmières rouspétaient mais personne n'entravait leurs routes, bien conscient que les moments de bonheur dans un tel endroit étaenit bien trop rares pour les interompre. Cruz qui s'attendait plutôt à une claque, qu'à un geste doux dela part de Chloé, ne se fit pas prier pour venir à s'en rencontre. Il fit le tour de son fauteuil et s'abaissa à sa hauteur pour la regarder dans les yeux. Chloé ne parvenait pas à oublier l'épée de Damoclès qui se trouvait au-dessus de sa tête.

- Alors tu veux qu'on vive ici ? On pourrait vivre dans l'une des couloirs, voler des boites de chocolats dans les chambres de malades pour se nourir et se laver dans des douches publics.

Cruz esquissa un sourire avant de pousser un léger soupir sans décoller son front du sien. Il avait encore idées loufoques, comme voler les couvertures de patients atteints de la peste pour se couvrir ou encore se cacher dans la morgue s'ils attiraient trop l'attention et que la direction de l'hôpital voulait les mettre dehors. Il mourait d'envie de la chatouiller pour la faire rire mais elle avait plusieurs côtes cassés et c'était déconseillé. Cruz avait déjà sufisament mis en danger les chances de guérisson de la blondinette.

- Tu veux que j'ailles lui parler ? Je pourrais peut-être lui expliquer...

C'était débile, il n'arriverait jamais à convaincre Beth. Il n'arrivait même à se convaincre de l'oublier et sans Chloé et les milliards de papillions qu'elle éveillait en lui, Cruz serait encore en train de forniquer avec sa môman. Il y avait bien l'option fuir hors de cette ville mais encore une fois il n'avait pas hérité de la lâcheté d'Ugo.

- Finalement l'option d'une vie à l'hôpital est la meilleure idée.

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Quelques jours après... [Pv Chloé]

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