Le grand jour était enfin arrivé : Rain Evans sortait de convalescence Une convalescence longue et morose qui avait laissé une empreinte indélébile sur son physique enjôleur que même un rendez-vous chez le meilleur coiffeur de Toronto suivi d'une journée en institut ne pouvaient effacer. Une vie entière à s'imposer une hygiène de vie irréprochable, des heures de course à pied et de pilates et un régime alimentaire sévère... tout fut balayé par de longs mois de coma et aujourd'hui, Rain flottait dans ses robes haute-couture qu'elle adorait. Pire encore, elle avait même perdu un bonnet dans la bataille, la privant de ses ensemble préférés maintenant que sa poitrine se contentait d'un b comme bof à la médiocrité affligeante. Rain rebondirait. Elle le savait, c'était dans les gênes de sa personnalité tyrannique que de se relever à l'aide d'une détermination féroce et d'une discipline de fer. Mais le désirait-elle réellement ? Son 'incident' l'avait fait se questionner sur la superficialité assumée de son existence et sa vacuité. Tout ce qu'elle avait toujours voulu, c'était réussir. Et même au sommet, elle n'avait pas été heureuse, rongée par l'aigreur et l'insatisfaction chronique. Cela dit, la maire ignora ces considérations de faible pour reprendre le rôle de sa vie : celui qu'elle jouait depuis toujours, miss perfection sur talons aiguilles. Ceux-ci frappaient durement le sol en marbre de la mairie, annonçant de sa démarche volontaire son arrivée, comme si rien n'avait changé. Mais la prévenance avec laquelle ses employés la saluaient montraient bien que si, tout avait changé. Elle avait frôlé la mort et Rain savait pertinemment que la moitié de ce petit personnel qu'elle méprisait royalement regrettait qu'elle ne se trouve pas six pieds sous terre à la place de Ian Thomas. Qu'importe. Son regard glaçant stoppa en plein geste un employé zélé tenté de lui porter... sa mallette ? Dans quel monde Rain Evans avait besoin d'aide ?
- Je me passerai volontiers de votre sollicitude.
Ou de vos services, si vous vous avisez à recommencer songea-t-elle à ajouter sans pour autant le faire. L'homme recula prudemment et Rain étouffa un soupir courroucé avant de reprendre sa marche impériale jusqu'à ses appartements. Elle avait donné rendez-vous à Autumn ici-même pour évoquer avec elle un léger problème du nom de Césair-Edgar. Obnubilée par la destruction de son meurtrier, elle n'avait ni temps ni attention à accorder à ce parasite qui se montrait trop prévenant pour être honnête. Autumn devait se rapprocher de lui et comprendre ses intentions. Elle était jeune, jolie, retorse, et ainsi idéale pour ce rôle. Mais quelle ne fut pas sa surprise (sic) lorsque Rain découvrit son bureau transformé, envahi ou que dis-je, souillé. Quelqu'un avait pris possession des lieux en son absence et un seul coup d'oeil à l'austérité assumée de la pièce lui donna la réponse : Edgar. Non content d'essayer de l'assassiner, ce sociopathe machiste avait entrepris de prendre sa place. Bien. Très bien. L'alliance contre tête porcine attendra, il fallait tout d'abord se débarrasser du père. Rain ne comptait nullement le virer. Elle savait qu'il convenait de garder ses ennemis près d'elle, très près. Edgar nécessitait seulement une piqûre de rappel : oui, elle était bien vivante et (re) oui, elle se baladait très nettement au-dessus de lui dans la chaîne alimentaire de la mairie de Degrassi. N'osant pas décrocher le téléphone avec lequel Edgar avait pu s'adonner à elle-ne-savait quoi (mais c'était forcément sale), Rain contacta son assistant de son propre cellulaire pour prendre les choses en main.
- Contactez une entreprise compétente, je vous prie et envoyez-les moi ce matin. Je veux me débarrasser de toutes les immondices qui jonchent mon bureau.
Clair, net et précis. Rien ne serait épargné puisque tout avait été souillé par Edgar et Rain faisait rarement les choses à moitié. Si elle n'avait pas été aussi occupée à reprendre sa vie en main, sans doute aurait-elle pu faire passer ses nerfs et son humeur ombrageuse en frottant à la Javel chaque centimètre carré de son bureau comme la femme farouchement déterminée qu'elle était. Mais c'était une tâche colossale et malheureusement elle en possédait bien d'autres, plus capitales, comme se venger de quiconque avait voulu la tuer, faire taire son ego écorné pour retrouver Nicholas, guider Autumn vers la vie parfaite qu'elle méritait et remporter la mairie pour enfin connaître une victoire face à cette mollusque de Ryan Cooper. L'arrivée d'Autumn mit un terme à ses pensées et Rain détailla sa silhouette joliment apprêtée d'un sourire satisfait, presque maternel. Avec l'élégance et les conseils qu'elle lui avait prodigués et son minois irrésistible, sa filleule était sa seule fierté, presque l'enfant qu'elle n'avait jamais eue et n'aurait jamais. Elle regrettait d'ailleurs que Nicholas soit le père d'une hippie désaxée et non pas d'un homme à son image qui aurait pu combler Autumn comme il se devait.
- Autumn, ma chérie, tu tombes à merveille : nous allons redécorer mon bureau.