La patate en se levant, plus les jours passaient plus Kate commençait à sortir de la pseudo-dépression dans laquelle sa rupture avec Taylor l’avait enfermé. Faut dire qu’elle avait trouvé une idée géniale pour son exposition qui approchait à grands-pas, il ne lui restait plus qu’à convaincre Manny Santos, la célèbre actrice dont elle n’avait vu aucun film –les jugeant pas assez underground-, de participer à son projet. Elle s’était levée en forme, elle avait même réussie à ne se disputer ni avec sa sœur, ni avec sa mère. Elles ne s’étaient même pas croisées à vrai, dire peut-être était-ce pour ça que les conflits avaient été évités. Un nouveau jour dans la vie de Kate Richardson, elle avait vu la veille qu’il y avait des auditions pour monter un groupe de musique. Elle s’était dit que pour sortir, voir un peu plus de monde, ce serait super cool qu’elle puisse l’intégrer. Par malchance, les auditions se déroulaient l’après-midi, elle ne pouvait pas y assister ; elle avait poney. Non, elle avait programmé de faire l’école buissonnière pour rendre visite à Leandre. Mais elle avait quand même décidé de tenter sa chance, en allant à la rencontre de la personne qui organisait les auditions. Elle avait un peu d’appréhension en voyant le nom de Robin. Ce connard de wanna-be ? Sérieux. Il devait être aussi vaniteux et insupportable que sa sœur Louise, du moins c’est ce que les gens disaient. Il était super sexe et il le savait trop. Tant pis, elle irait quand même, puis Kate était du genre à ne pas vouloir juger les gens sans les connaitre. Enfin c’était son prof de yoga qui lui avait expliqué les vertus de l’acceptation de l’autre, que dans toutes les âmes il y avait du bon et que parfois on pouvait trouver des trésors. Difficile de mettre ces belles paroles en application, mais elle y croyait dur comme fer. Poster sur les marches du lycée, qu’elle squattait depuis bien trop tôt, elle qui était souvent en retard, Kate guettait l’arrivée de Robin. Quand elle le vit, elle alla directement à sa rencontre, impatiente de faire ses preuves.

- Robin ? demanda-t-elle pour les formes, alors qu’elle savait très bien qui il était. Je suis Kate, la sœur de Louise. Je voudrais auditionner pour ton groupe, continua-t-elle tout sourire. Genre, maintenant ?

Kate le regarda surprise quand il lui dit qu’il n’aurait jamais deviné qu’elle était la sœur de Louise. Elles étaient pourtant jumelles. Connard. Elle venait de comprendre qu’il se foutait de sa gueule, elle allait commencer à protester, dire que ça aurait très bien pu être Louise qui lui demandait de passer l’audition, que c’était important de se présenter même si il connaissait sa jumelle, car les jumelles en général faisaient des blagues du genre échanger leurs vies et tout. Mais elle se rendit compte que de toute façon, elle ne s’entendait pas assez avec Louise pour faire ce genre de chose et que quand bien même Robin était un con, on l’avait prévenu. Au diable le prof de Yoga et son acceptation de l’autre. Néanmoins, elle resta bouche bée quand il commença à la laisser en plan et lui donnant l’affreux surnom de Lady Gaga. Qui est Lady Gaga ? Ses lèvres entrouvertes, elle le regardait partir quand il fit finalement demi-tour pour lui donner sa chance. Et quelle chance, il était si miséricordieux avec elle, pensa-t-elle pleine de sarcasme. Respiration, expiration ; c’était mort, il ne la laisserait jamais intégrer le groupe. Mais bon, Kate n’était pas connue pour avoir de la gêne pourquoi pas tester, le prof de Yoga avait raison, un trésor se cachait peut-être derrière ces muscles saillants.

- Ok, super ! dit-elle sans se laisser abattre, toujours tout sourire comme elle en avait l’habitude.

La flûte de pan avait toujours été son instrument de musique préféré, il était si apaisant. Kate se retourna pour l’effet de surprise, il ne devait sûrement pas s’attendre à un instrument aussi Rock’n Roll. Elle prit la flute dans son sac-à-main, entre ses paquets de feuilles slim, son tabac et son herbe. Elle enleva les particules de tabac qui s’étaient posés sur l’instrument, le posa sur sous ses lèvres et se retourna brusquement prêt à mesurer à quel point Robin serait surpris. Elle retira furtivement l’instrument.

- Je vais t’en mettre plein la vue, t’es prêt ? dit-elle toute excitée de lui faire une démo de son talent.

Il imagine le pire quand elle lui tourne le dos pour... mais qu'est-ce qu'elle fait au juste ? Il perd patience au bout de 12 secondes et il n'a jamais été aussi patient avec quelqu'un dont l'existence ne l'intéresse pas (c'est-à-dire les trois quarts de la population).
« J'ai pas qu'ça à foutre. » râle-t-il sans agressivité, mais saoulé de ne pas savoir ce qu'elle fabrique. La fille croit qu'elle peut empiéter sur son temps de vie comme ça.
Quand elle se retourne, ses yeux se jettent immédiatement sur le truc en bois qu'elle tient de façon experte entre ses mains. Il arque gravement un sourcil, dubitatif, et explose de rire la seconde d'après, sans se forcer.
« Tu es sérieuse ? J'espère pour toi que t'es pas en train de te moquer de moi... T'es défoncée ? Bourrée ? T'as pris quoi ? » Faut toujours qu'il extrapole... tout. Il s'approche suffisamment d'elle pour vérifier ses pupilles et confirmer ses dires, comme s'il savait reconnaître une personne sous acides. Lui-même n'a jamais été stone de toute sa vie, même s'il prétend (très) souvent le contraire, pour le staaayllleeee.
Avant qu'elle puisse faire sa démo ridicule, ou quoique ce soit, il lui arrache l'engin dont il ignore le nom exact (avec toutes les sortes de flûtes qui existent, il est perdu, faut pas trop lui en demander) et il se met à jouer de la flûte de pan... à l'aide de son nez, en soufflant avec ses narines n'importe comment dans chaque tuyaux. Heureusement qu'il a une hygiène bucco nasale impeccable. Il étouffe un rire et arrête ses bêtises.
« Bon allez, retourne à ta sorcellerie. » Il lui tend sa flûte de pan, déçu, plus du tout amusé, réalisant qu'il ne trouvera jamais personne pour The Robin Smith group.

Kate la sentait bien, cette petite audition. Jusqu’à ce que Sexy Robin s’avère être pas du tout réceptif à l’instrument qu’elle avait entre les mains. Elle le dévisageait alors qu’il lui arrachait des mains. Elle était un peu écœuré de voir que sa précieuse flute soit souillée par les narines du Wanna B. Il se mouchait dedans ou elle était en train de rêver. Loin d’être défoncée –elle ne se permettait que très rarement le luxe d’arriver stone au lycée dès le matin-, elle était hyper vexée d’être si peu comprise. Elle avait appris à jouer de la flute de pan, lors d’un stage sur les plantes et les médecines douces qu’elle avait exercé en Bolivie que sa mère lui avait payé à contre cœur. Apprendre était un bien grand mot, elle ne savait pas trop en jouer mais contrairement à Robin, elle ne soufflait pas dans l’instrument avec ses narines. Et puis, elle trouvait le son tellement radieux à la base qu’elle ne jugeait pas nécessaire de se perfectionner plus en la matière. C’était genre contre-productif de se fixer des contraintes et des objectifs avec un instrument de musique aussi cool. Kate trouvait Robin vraiment ingrat, son trésor devait être trop bien caché pour être vu à la première rencontre. Elle ne releva pas trop ce qui lui disait sur la sorcellerie, elle ne comprenait pas l’intérêt d’une telle remarque puisque ni de près, ni de loin elle ressemblait à Hermione Granger. Il lui arrivait de tirer les cartes à ses copines, mais elle ne faisait pas léviter les tables pour autant. Elle posa sa main sur son épaule pour l’empêcher de partir, lui demandant d’attendre et de l’autre remit la flute sous sa bouche en entamant un « morceau » et s’efforçant d’oublier la vision de Robin soufflant sur les tubes en bois avec ses narines. Qu’il aime ou pas, il allait l’écouter, c’était le minimum du respect. Vainement, Kate essayait de reproduire My Heart Will Go On, ces musiques de tocard devaient sûrement plaire à quelqu’un qui ne comprenait pas l’art de la flute de pan. Ça ressemblait tellement à rien, que Kate pour ne pas perdre la face était obligé de chantonner l’air en même temps qu’elle soufflait.

- Essaye de chanter, ce sera plus harmonieux, disait-elle dans la précipitation pour capter l’attention de Robin et qu’il ne la laisse pas en plan.

Il est désespéré, imaginant qu'ils seront tous comme cette folle aux auditions de tout à l'heure. Prêt à se casser, il n'a même pas le temps de fuir, elle est déterminée à lui montrer ce qu'elle sait faire et il a envie de mourir quand elle flûpanise médiocrement la célèbre chanson de Céline Dion qu'on entend à la fin de Titanic, ou plutôt le remix yaourté par Kate.
Titanic. Le fameux film qu'Eden a voulu l'obliger à regarder une centaine de fois, mais qu'il a toujours, égoïstement, refusé de voir avec elle. A la place, la pauvre devait se taper des blockbusters surchargés d'action et de courses de voitures qu'il aime tant. Un vrai gogol devant la trilogie fast and furious.
Alors quand elle lui dit de chanter pour se marier avec l'horrible mélodie, il pouffe de rire. Même s'il chante incroyablement juste, et que sa voix la surprendrait agréablement... NO WAY.
« J'connais pas ta chanson de merde moi, démerde-toi. » Toujours aussi solidaire celui la. C'est surtout que y'a quand même du passage autour d'eux, des gens qui jettent des regards curieux dans leur direction, ils doivent se demander ce que Sexy Robin fout avec elle. Donc il ne va pas se mettre à chanter comme une tapette refoulée My Heart Will Go On en duo avec l'autre folle avec son instrument de clocharde. Elle le fait marrer, mais faut pas pousser Gérard dans la merde non plus.
Bon, ok, fin de l'audition.
« J'aime vraiment voir tes lèvres souffler sur ces tuyaux, d'ailleurs si t'as envie de souffler sur mon tuyau un de ces jours tu es la bienvenue. MAIS désolé, c'est à chier... enfin... c'est pas rock, c'est pas roll, c'est de la merde.  Y'a pas de place pour une péruvienne dans mon groupe. » Une flûte de pan, dans un groupe de rock, elle se fout de la gueule de qui.

Kate continuait son audition, Robin allait sûrement remarquer son potentiel d’un moment à l’autre et ce même si il refusait de participer à sa désastreuse reprise. Il se montrait vraiment méchant, mais à part les enjeux du monde et les affronts faits à la planète Terre, rien n’atteignait Kate. Elle fut néanmoins obligée de s’arrêter quand Robin lui dit officiellement non, elle n’allait pas lui courir après toute la matinée, armée de sa flûte de pan et son talent largement discutable. Kate baissa son instrument, écoutant Robin avec une moue un peu déçue. Son visage se crispa quand il lui proposait de souffler sur son sexe ou son petit tuyau peu importe. Kate ne ferait jamais rien avec Sexy Robin, aussi beau était-il, c’était un connard prétentieux. Faisant abstraction de son calme légendaire, son attitude peace et oubliant toutes les affiches No War qui tapissaient les murs de sa chambre, Kate lui fit une tape sur les couilles sachant très bien qu’elle effet ça aurait.

- Tu peux rêver pour que je souffle dans le tuyau d’un petit con comme toi, dit-elle avec un petit rire nerveux.

Peut-être que les chakras s’étaient alliés pour qu’elle ne fasse pas partit de son groupe de musique. Les choses arrivaient rarement sans raisons, un leader pareil donnerait sûrement un groupe bidon qui pourrait entacher la crédibilité artistique de Kate et sa carrière naissante. Elle restait quand même vexée et piquée par les mots de Robin qui ne faisaient que confirmer qu’il était hyper imbu de lui-même.

- Je suis pas péruvienne, je suis californienne, continua-t-elle agacée. Quand bien même tu sais pas ce que tu loupes, ton groupe marchera jamais !