Il faisait un temps de pluie ce matin, Barbie était au volant de sa voiture. Le cabriolet bleu que son père lui avait offert. Quelques temps avant sa mort, elle avait voulu s’en débarrasser. Elle voulait quelques choses de plus gros, comme un pick-up ou une grosse BM, mais maintenant sa voiture était comme beaucoup de chose un souvenir de son père dans sa vie. Malgré toutes les foutues manigances et les intrigues qui orchestraient sa vie, Ian trouvait encore une place dans son cœur. Plus grosse encore, au fur à mesure que le temps passait, son souvenir comblait l’immense vide qu’il avait laissé. Lors de la fausse paparazzade qu’elle avait fait avec Warhol, Barbara n’avait pas eu besoin de simuler. Elle avait pleuré pour de vrai, mais elle ne s’en était pas vantée. Malgré toute la bonne volonté que Becca mettait pour que les enfants Thomas se sente comme chez eux dans sa maison, Barbie n’y arrivait pas. Le faussé était immense. Elle ne se sentait pas à sa place, trouvait ridicule cette manière de prendre des repas en famille, de faire un tour de table machinal pour raconter sa journée et les autres choses qu’elle n’avait jamais connu. Ian et elle se parlaient souvent, mais ils étaient si spontanés et son père si libéré qu’elle le voyait comme un ami plus qu’une figure autoritaire. Elle le regrettait avec amertume. Elle arriva devant la maison des Johanson et se gara comme une merde devant, laissant le moteur tourné. Elle n’attendit pas longtemps avant qu’Autumn ouvre la portière et s’installe.

- Hola guapa, dit Barbie en faisant ronfler le moteur avant de partir comme une flèche.

Inutile de se faire la bise tous les jours, Barbara avait toujours fonctionné ainsi. En réglant le volume de la radio pour le baisser un peu, elle se retourna quelques secondes vers son amie sans trop déconcentré son attention de la route, juste le temps de lui faire un petit sourire espiègle avec ses lèvres glossées.

- Quoi de neuf ? demanda-t-elle avec malice. Tu sais pour Cruz ?

Barbara ne réagit pas trop au « rien de nouveau » d’Autumn, les « quoi de neuf » étaient toujours des questions chiantes où se contentait de répondre vaguement. C’était une formalité, elle se doutait bien qu’Autumn avait des choses à raconter mais qu’elle placerait sûrement plus tard dans la conversation. Elle grimaça légèrement en entendant le mot grossesse, c’était déplorable de voir tous ces gens gâcher leurs vies avec des enfants. Elle avait un exemple bien précis en tête, en la personne de Warhol, avec qui elle avait dérapé la nuit même. Bon, elle n’allait pas raconter ça à Autumn. C’était genre secret, elle voulait pas commençait à faire péter un câble à sa cousine, ni devenir le nouveau Cruz même si Charlie aurait sûrement plus de compassion pour sa cousine d’autant plus qu’elles partageaient de vilains secrets.

- Il parraît qu’elle se tape Ugo, enfin qu’elle sort carrément avec d’après elle, commença Barbie sans trop d’enthousiasme. On verra bien ce matin.

Après l’exclusion de Cruz des So Cool, Barbara se sentait investie d’une mission divine. Elle devait réunifier le reste du groupe, l’épisode Cruzoé les avait rendus beaucoup trop accessibles aux yeux des degrassiens. Elle se sentait comme le pilier du groupe, elle n’en était pas la chef comme sa cousine, mais elle avait le mérite de s’entendre à peu près avec tout le monde, sauf Ugo. Comme un Cesare Borgia voulant réunifier l’Italie, elle réunifierait leur groupe prestigieux. Chaque membre représentait un duché, n’était-ce pas Georges Elgozy qui avait donné la définition de l’élite comme un succédané de l’aristocratie en régime démocratique ? Si le leur ressemblait plus à une tyrannie avec Charlie à sa tête, Barbara était aussi la seule à pouvoir tempérer sa cousine.

- Cruz était trop… populiste, ajoute-t-elle dans un sourire. On a pas fait de vote, mais on est tous d’accord pour dire que si tous les So Cool se mettent à sortir avec la racaille et s’afficher sans complexe, le groupe n’a plus aucune raison d’être ?

Effectivement, Charlie montrait le bon exemple même si Barbara se demandait bien ce qu’Ugo faisait dans les So Cool, parfois. Elle le haïssait, elle le détestait plus encore maintenant qu’il sortait avec SA Charlie. Mais maintenant que Cruz n’était plus, il fallait bien un représentant de l’illustre famille Preston dans le groupe des élèves populaires du lycée. Elle se contenta d’hocher la tête, comme pour approuver les mots Autumn et doubla une voiture qui roulait trop peu vite à son goût. Barbie se foutait du code de la route, royalement, elle aimait vivre dangereusement mais elle se calma un peu se disant qu’Autumn était probablement plus craintive qu’elle.

- Maintenant qu’on a plus Cruzoé dans les pattes, notre aura devrait revenir aussi vite qu’il est partit, dit-elle avec optimisme. Cruz était comme un roi. Mais déchu, les gens verront bien qu'ils ne peuvent prétendre à notre place.

Elle avait un léger pincement au cœur en pensant à Cruz, elle parlait de lui comme on pouvait parler d’une action en bourse, rien de plus. Elle le déshumaniser complètement alors qu’il y avait encore quatre jours, elle lui déclarait sa flemme dans sa suite de l’hôtel Hilton, où elle avait vécu une semaine recluse après la mort de son père. Elle n’était pas une roue de secours, ni une sainte, elle avait choisi de ne pas courir après lui pendant des siècles, elle n’était pas une vulgaire Esther Spectra, elle s’appelait Barbara Thomas.

- Tu as des vus sur quelqu’un ? lui demanda Barbie.

Autumn aimait sa liberté, Barbara la comprenait. Elle ne se sentait jamais vraiment libre, déjà avant que son père meurt et qu’elle se vit obligée d’aller vivre chez la meilleure femme au foyer de l’année 2014 : Becca Cooper. Quand elle jouissait de toutes les libertés qu’elle désirait, Barbie devait rendre des comptes à sa cousine qui était tout le temps sur son dos, jalouse et possessive comme ce n’était pas permis. En soit, Barbie savait qu’elle avait le même comportement qu’elle, mais elle n’était pas aussi démesurée, ou alors elle refusait de le reconnaître. Pourtant, même si elle étouffait Barbie n’avait pas de mec. Donc la liberté d’Autumn, à condition qu’elle existe réellement, elle le lui enviait. Le seul garçon avec qui Barbara aurait vraiment aimé sortir, de tout cœur et avec sincérité était Cruz. Même aujourd’hui, s’il arrivait en rampant et le lui demandait, elle ferait abstraction de sa promesse faite à l’hôtel, lui disant que plus tard ce serait trop tard et accepterait. De toute façon, elle s’était fait une nouvelle promesse, qu’elle ne tiendrait peut-être pas, elle ne voulait plus lui parler, ni le regarder depuis qu’il l’avait insulté la veille dans les couloirs du lycée. Elle le traiterait comme un moins que rien, comme elle traitait Kennedy. Ils étaient plus que similaires, maintenant que plus aucuns d’eux n’étaient au sommet de la pyramide sociale de Degrassi. A cette pensée, elle eut envie de rire mauvais, Charlie et elle lui avaient plutôt rendu service en le bannissant, il n’aurait plus de contraintes pour rien, il pourrait enfanter son cas-social comme il le voudrait et tirer une croix pour de bon sur sa vie d’avant.

- Cruz… dit-elle sans honte. Mais c’était avant qu’il persiste à rester avec sa clocharde, dit-elle en s’énervant sur le levier de vitesse. J’apprécie beaucoup Liam, sinon.

Elle eut un sourire en pensant à lui, elle le trouvait toujours très gentil même si son côté enfant-de-la-dasse était un peu lourd parfois. La base était bonne, c’était un bon garçon comme l’aurait dit sa grand-mère juive de Tel Aviv. Mais il y avait certaines choses à peaufiner, jugeait Barbie. Comme le tirer par le haut simplement, c’était le rôle d’une petite-amie. Elle commencerait les cours pendant le mariage de Beth et Edgar, puisqu’il était son cavalier, elle aura tout le temps de se rapprocher de lui et peut-être qu’elle retrouverait un peu de Cruz en lui, même si Liam était beaucoup plus mature. (a)

- Il est beau et respectueux, commença Barbie avec le sourire aux lèvres. Puis il est sécurisant, ajoute-t-elle comme si elle établissait une liste. Tu trouves pas ?

Barbie hocha la tête pour confirmer les dires d’Autumn. Liam était l’image masculine des So Cool… Non en fait, il était l’image par excellence tout simplement. Aujourd’hui, il semblait le moins névrosé de la bande de garçons qui constituait les So Cool. Ugo était taré, Warhol obsédé et Julian … Depuis quand Julian était-il un garçon ? Liam était viril, protecteur et doux. Du moins doux, il l’était avec Barbie et ça lui suffisait amplement, le reste du monde en parfaite égoïste : elle s’en fichait éperdument. Le seul hic, et peut-être finalement c’était une facette qu’elle aimait chez lui mais qu’elle refoulait par formalité, était qu’il n’était pas assez élitiste à son goût. Il avait tendance à oublier qu’il n’était plus dans le foyer miteux où les Kinney l’avaient trouvé. Mais elle savait aussi que ce passé totalement différent du sien était peut-être ce qui lui avait donné cette maturité que les autres garçons des So Cool n’avaient pas.

Barbie esquissa un sourire en coin quand Autumn lui demanda s’il s’était passé quelque chose entre eux. Pas que la jolie métisse avait tapé dans le mille, puisque rien ne s’était passé entre Liam et Barbie. Seulement des sous-entendus et un pacte secret qu’elle n’avait pas encore eu le temps d’honorer suite au décès de son paternel. La question l’amusa simplement car elle se rendait compte que le portait qu’elle faisait de Liam pouvait faire certaines allusions qu’elle ne s’était jamais autorisé à penser.

- Pas vraiment, dit-elle alors qu’elles arrivaient sur le parking. Dire qu’on se tourne un peu autour vulgariserait notre relation, mais … Qui sait ? dit-elle en se retournant vers Autumn, un sourire malicieux imprégné sur son visage.

Barbie se garait, elle faisait sa manœuvre à l’arrache. Prenant deux places sur le parking, de toute façon personne ne dirait rien. Les So Cool n’avaient pas tous les droits, mais la populace du lycée était beaucoup plus soumise avec eux qu’elle ne l’était avec ses semblables. Si une wanna-b ou un simply and soft s’était permis ce genre de chose, les protagonistes auraient offert une énième scène de scandale à tout un par terre de lycéen. Mais personne n’osait défier un So Cool, les gens espéraient trop en faire partit pour se les mettre à dos. D’ailleurs, c’était un cercle vicieux puisque les So Cool ne seraient rien sans la populace. Au fond d’elle, Barbie était contente qu’Autumn lui dise qu’elle formerait un beau couple avec Liam. Contente au point d’hurler comme une hystérique, peut-être pas, mais commencer à faire des sourires niais et enchaîner sur des confidences foireuses comme les filles communes de leur âge l’auraient fait : Presque. Au lieu de ça, elle lui offrit un simple sourire assez neutre, ne souhaitant pas trop se mettre en avant. Puis quand, elle lui demanda comment elle s’adaptait dans le foyer des Cooper, Barbie leva les yeux au ciel théâtralement. Comme pour témoigner visuellement qu’elle était excédée et dépasser par sa nouvelle situation familiale.

- Je devrais peut-être me marier avec Liam pour m’affranchir de Becca, dit-elle en plaisantant. Tu vois, j’en suis là.

Elle fit une moue boudeuse. Pour n’importe qui, Becca aurait été un super substitut parental. Elle était gentille, douce, aimante et préparer de bons petits plats bien gras comme les beaufs s’en contentaient souvent. Mais le problème était que Barbie n’était pas n’importe qui, même si elle ne voulait aucun mal à sa tutrice, elle ne supportait pas l’atmosphère middle class régnant dans sa nouvelle demeure. Mais elle respectait Becca, elle non plus n’avait rien demandé de cette situation, même si elle prenait beaucoup plus à cœur son rôle de tutrice, que Barbie. Malgré toute l’empathie qu’elle éprouvait pour elle, elle n’hésiterait pas à faire chanter Becca pour plus de libertés jusqu’à sa majorité. Même si, elle préférait essayer du côté billie-boudin, qu’elle n’avait aucun mal à détester.

- Ses péquenauds d’enfants m’insupportent, tu sais la petite boulotte avec ses t-shirts de rock et ses converses, dit-elle en grimaçant. Heureusement que Warhol est là.