Barbie était de virée avec Moke ce soir. Depuis que cette dernière était venue lui sauver la vie sur le terrain vague, les deux jeunes filles avaient repris contact. Et la compagnie de Moke et son côté un peu intrépide, en plus de lui rappeler d’excellent souvenir, lui faisait un bien fou. Elle qui était seule et blasée depuis le décès de Ian. Ce soir-là, elles n’avaient pas fait de folie. Seulement un mojito, pas plus au cas où Barbara aurait eu la mauvaise idée de retourner sonner chez Cruz comme une pauvre niaise. Mais bon, un mojito c’était déjà trop pour Sainte Becca. Rien que le fait de rentrer à cette heure qui n’était pas si tardive était déplacée dans ce foyer de cul-bénits de canadiens moyens. Toujours le même stratagème, se mettre d’accord avec Warhol sur leurs heures de retour, fermer la porte à clef après avoir quitté la table en prétextant une fièvre et se sauver par la fenêtre l’air de rien. Par chance, Becca était assez gentille et naïve pour croire à leurs mensonges, même si Barbie éprouvait un peu de honte à se comporter comme une fille de son âge alors qu’elle avait toujours été livrée à elle-même. Après avoir escaladé à la fenêtre, elle posa ses Manolo qu’elle avait failli casser à cause de ses prouesses extrême. Elle alluma la lumière et surprise, elle mit sa main devant sa bouche pour ne pas réveiller toute la maison quand elle vit Karim.

"Tu n'as pas l'air heureuse de me revoir." Non effectivement, Barbara était furieuse et un peu anxieuse, de voir cette saloperie de Karim dans sa chambre miteuse. Les fesses de cette racaille posées sur son lit, cette ordure qui lui avait volé un des cadeaux de Ian, qui l’avait poussé à bout au point qu’elle soit dans l’obligation de la bousiller, de chopper ensuite un malus sur son assurance -qui maintenant qu’elle jouait un remake de "The Simple Life" lui semblait plus que nécessaire- et qui l’avait pratiquement violé en plein jour. Mais il était hors de question qu’elle se rabaisse à nouveau à lui montrer sa peur, elle était Barbara Thomas et elle emmerdait le monde, les prolos comme Karim y compris.

- Lève-toi de mon lit, lui ordonna-t-elle. Je vais te sucer, si tu insistes, mais tu devras m’aider à avoir de l’argent facile.

C’était sorti de sa bouche comme par magie. La pauvreté, ou plutôt l’absence de démesure, la rendait tellement vénale. Karim n’était pas dégueulasse et le fait que ce fut elle qui décide la rendait un peu plus digne que la fois où il avait tenté d’introduire son sexe de force dans sa bouche. Karim, même si il était une sous-merde irrespectueuse et sans éducation, disposait de son argent, aussi sal était-il, librement. Contrairement à Barbara qui avait dit au revoir à ce privilège le jour où elle avait enterré son père.

- Mon train de vie me coûte très cher, ma charmante tutrice n’a pas l’air de vouloir me le financer, dit-elle en enlevant son haut pour se retrouver en soutien-gorge devant Karim. On peut faire de grande chose, je fais partie de l’élite… toi non.

C’était la première fois que Karim lui décrochait un sourire. Quand il dit le mot Bar Mitsvah, Barbara ne put s’empêcher de s’imaginer avec de la poudre plein le nez lorsqu’elle avait fêté sa Bat Mitsva… Bien sûr, ce ne s’était jamais produit puisqu’elle n’était pas encore assez dépravée à 12 ans pour s’en mettre plein les narines. D’une main, elle passa l’ensemble de ses longs cheveux d’un seul côté de sa tête presque machinalement.

- C’est intéressant, dit-elle. Tout le monde serait content, toi et mes amis …

Elle se déplaça vers sa coiffeuse qui avait nettement moins d’allure dans la maison pittoresque des Cooper, qu’elle n’en avait eu dans l’immensité et la démesure de celle de Ian. Elle attrapa une brosse dont le manche était en ivoire qui appartenait à Saraï et dont elle avait hésité à revendre depuis sa restriction budgétaire en échange d’un sac à main en croco, et elle se brossa les cheveux qu’elle avait déplacés un peu plus tôt.

- Et moi … dit-elle sur un ton de petite fille pourrie gâtée, qu’elle n’avait pas pris depuis longtemps. Je gagne quoi ?

Dans tous les drames qui avaient submergé sa vie ces derniers temps, Barbara avait su développer une chose qui lui serait probablement très utile tout au long de sa vie : l’instinct de survie. Enfin survie était un grand mot, elle ne criait pas famine et n’avait encore jamais mis les pieds au secours populaire, mais sa vie à elle dépendait du faste et de l’abondance financière. Elle s’était surprise à tenter avec succès de préserver son train-de-vie en monnayant de fausses paparazzades ou en pactisant avec un dealer de bas quartier qui après lui avoir volé sa voiture avait tenté de la violer. L’appât du gain pouvait la menait très loin, cela en devenait son essence. A chaque problème, elle trouvait une opportunité, si elle devait allait en prison, en espérant que le paradis existe, elle espérait que Ian s’en morde les doigts en voyant la chute de sa seule progéniture de sang. Il n’avait pas qu’à la pousser dans le vice et la délinquance, si un jour elle était incarcéré à cause de sa future collaboration avec Karim, elle tirerait son épingle du jeu. Elle écrirait un livre mielleux et commercial sur ce qui l’a poussait à en arriver là, sur sa vie de luxe, les drames de sa famille, elle récupérerait même son héritage à ses 21 ans et aurait en plus de la liberté financière, une notoriété de petite princesse du Canada déchue et en voie de rédemption.

- Oui, oui, dit-elle pour se débarrasser des formalités. Si tu m’arnaques, je ferai de ta vie un enfer de toute façon.

Et par enfer, elle n’entendait pas une fellation forcée comme Karim aurait pu se l’imaginer. Sa vengeance serait certainement moins physique et beaucoup plus terrible. Car au risque de se répétait, Barbie connaissait du beau monde et pas des mafieux qui dépouilleraient Karim au coin d’une rue, mais des gens qui le feraient tomber en toute légalité.

- Je suppose que je peux dormir tranquille, maintenant que nous sommes amis, dit-elle dans un sourire ironique, bien qu’un peu amère en se souvenant du sexe de Karim dressé devant ses lèvres gorgées d’acide hyaluronique.