Deux ans, ça faisant deux ans que Matt' n'avait pas touché à une goutte d'alcool. Pourtant en voyant Arno faire ses valises et quitter la ville sans même se retourner, l'envie irréprésible de sentir le goût fort de la vodka s'était faites ressentir. Il avait toujours sur lui le numéro de sa marraine au centre des Alcools Anonymes qu'il avait fréquenté dix ans auparavant quand il avait enfin compris qu'il avait un problème avec la boisson. A l'époque sa bisexualité était toujours aussi difficile à assumer pour lui et le stress que lui donnait le Dot n'avait fait que renforcer sa relation passionnelle avec l'alcool. Un problème presque génétique puisque Matthéo avait l’impression d’avoir toujours senti autour de lui l’odeur de l’alcool. Que ce soit dans les baisers du matin de sa mère ou quand son père rentrait le soir du travail en titubant. La boisson n’était pas considérée comme une chose interdite, puisqu’il avait pris sa première cuite avec son père alors qu’il n’avait que douze ans. Ses parents étaient une sorte de hippie qui croyaient aux bienfaits de la vie sur la formation des personnalités. Matthéo avait la sensation que la trop grande liberté que ses parents lui avaient offerts combiné à des années de débauche dans un pensionnat à Chicago avait fait de Lucas et lui deux parfaits pervers maniaco dépressif. Le regard d’Arno continuait à le hanter mais l’oreille collée sur son cellulaire il s’efforçait de se concentrer sur autre chose que sur les bars de la rue qui lui faisaient de l’œil. Sa marraine ne répondait pas et Lucas n’ont plus. Il était seul. Machinalement il composa le numéro d’Arno et atterrit directement sur sa messagerie. Encore tout seul. Finalement il entra sans lever la tête dans une boutique et enfonça ses deux mains ses poches pour rechercher un peu de monnaie.

- Laureen ? Laureen ? Il faut que tu m’aides… bafouilla t’il la tête dans le coltard à cause des litres d’alcool qu’il venait de boire. J’suis au lycée…

Aussitôt entré dans le magasin il avait rempli son panier de bouteilles d’alcool sans regarder ni leur prix, ni leur contenance. Le principal, c’était de s’enivrer. Ivre mort, il tituba jusqu’à la grille du lycée de Degrassi et l’escalada avant de se frayer un chemin parmi les arbres pour entrer dans la cafétéria plongée dans la pénombre. Il s’étala de tout son long une bouteille à la main sur un des bancs. Son portable se mit à vibrer dans sa poche et ses doigts puants l’alcool cherchèrent le mobile. Le nom de Laureen s’inscrit enfin c’est ce qu’il crut discerné à travers ses yeux presque fermés. Matthéo avait toujours adoré sa belle-sœur et quand il entendit le bonsoir enjoué de sa belle-sœur il bafouilla quelques mots avant de s’endormir et de laisser le téléphone s’écraser sur le sol.

[Merci de l'avoir fait]

Matthéo bafouilla des mots intelligibles au moment où Laureen le retrouvait sur le sol. Elle le tapotait sur les joues mais il sentait à peine. Matt avait l'impression d'évoluer dans un univers cotoneux maintenant que sa belle-soeur était là. Il n'était plus seul et c'est un soulagement. Elle sentait bon et ça atténuait l'odeur d'essence de l'alcool bon marché qu'il avait acheté. Il essaya de maintenir ses yeux ouverts et sa tête droite mais il n'avait que deux envies : vomir et dormir. Il détourna la tête croyant à un moment que ça allait venir mais finalement rien. Pas d'hamburger mâché et des frites liquides. Il expira un bon coup et commença à se redresser en s'appuyant légèrement sur Laureen. Il la lâcha ensuite pour se tenir contre un mur et poser sa tête lourde dessus. Il était un vrai petit con et il avait honte de lui.

- Je suis désolé Laureen Désolé.

Il venait de lever sa belle-soeur de son lit à pas d'heure. Elle n'était pas comme lui désespérée et sans famille. Elle avait des enfants et deux hommes qui l'aimaient Lucas et Andreas. Trois, si on comptait Nicholas. Quatre, si on le comptait lui aussi. Les larmes lui montèrent aux yeux et il tenta de les réprimer. Il hoqueta plusieurs fois sans parvenir à dire un mot compréhensible. Matthéo sans réfléchir s'approcha de Laureen, la regarda quelques secondes la main posée sur sa nuque sur laquelle il appuya un peu pour approcher son visage du sien et l'embrasser.

[Elle n'avait pas tord ]

[Non personne ]

- Pourquoi pas rester ici Laureen ? On était bien avant ici. Tu étais avec Lucas et moi j'avais Sam'. Tu te rappelles de lui ?

Matthéo essuyait les larmes qui roulaient sur ses joues avec le revers de sa manche. Leur goût salé se mêlait à celui des lèvres de sa belle soeur. Il était un connard, un vendu. Il en avait toujours été ainsi. Maintenant il avait trahi la seule personne sur terre qui lui restait encore : son frère. Pour Lucas, Laureen était toute sa vie et lui il essayait de la voler comme il l'avait fait avec Jennifer il y a des années. Il était un con, le roi des cons. Une triple buse il ne méritait même pas de vivre. Le moindre souffle lui paraissait si douloureux. Il hocha la tête en essayant de se lever en s'aidant de l'aide que lui offrait Laureen mais ils trébuchèrent à nouveau, une seconde fois. Et malgré lui, les lèvres de Matt cherchèrent le cou de Laureen dans lequel elles se nichèrent pendant que ses mains caressaient sa peau à travers ses vêtements.

- Laureen Laureen Laureen... murmura t'il comme un dément en se shootant à l'odeur de sa peau.

Il avait besoin de réconfort et elle était la seule personne sur cette terre qui pouvait lui offrir ce qu'il recherchait. La chaleur humaine dont son petit corps avait besoin pour recharger correctement les batteries. Il le savait qu'il était déguelasse et qu'il ne devait pas agir de la sorte. Il n'avait jamais rien volé à son frère à part du fric et peut-être Colleen mais c'était il y a des siècles (sauf pour le fric) et il y avait prescription maintenant. Matt avait arrêté de sangloter, ses yeux bruns dévoraient silencieusement le visage de Laureen duquel le sien s'était rapproché avant que ses lèvres ne se tendent pour se poser sur les siennes.

[Je vous hais tous ]

Laureen détestait le voir pleurer. Elle l’avait souvent consolé lorsqu’il n’allait pas bien et inversement, et elle se sentait impuissante face à sa détresse. Si seulement Lucas était là, peut-être qu’il aurait pu… Non. Lucas n’aurait rien pu faire. Il avait souvent eu du mal à comprendre les humeurs de son frère surtout quand celui-ci avait commencé à boire. Et depuis qu’il avait arrêté, leurs rapports s’étaient renforcés et la jeune femme ne se sentait pas prête à briser ce lien. Elle décida donc de prendre sur elle et de toute les façons, elle savait au fond d’elle-même qu’elle était la seule à pouvoir aider son beau-frère.

- Matt tu sais très bien que si quelqu’un nous trouve ici on aura de gros ennuis. Et puis Sam’ n’est plus là. Tout comme Lucas d’ailleurs…

Après une nouvelle tentative infructueuse où ils se retrouvèrent tous deux à terre cette fois ci, Laureen décida de laisser tomber pour le moment. Matt ne semblait pas en état de se lever, ni de faire quoi que ce soit de censé d’ailleurs. Comme par exemple son comportement actuel qui ne lui ressemblait en rien. La jeune femme fut surprise de sentir le souffle chaud de Matthéo dans son cou mais elle ne dit rien, car il ne faisait rien de mal… Jusqu’au moment où il se mit à la caresser et qu’il l’embrassa carrément une seconde fois. Il allait trop loin là. Visiblement puisque la douceur semblait n’avoir aucun effet sur sa personne ivre, Laureen décida d’employer une autre méthode. Elle s’arracha brusquement à ses mains et à ses lèvres et le regarda, les yeux emplis d’éclairs avant de lui parler d’un ton froid, dur et qui laissait transparaitre clairement ses intentions.

- Matthéo arrêtes ! Reprends toi s’il te plaît pense à ton frère !

C’était surtout elle qui y pensait. Elle avait une trouille monstre à l’idée que Lucas apprenne ce qui venait de se passer, même si c’était trois fois rien. Elle l’avait déjà perdu, elle ne voulait pas qu’en plus il la haïsse encore et encore. Elle adorait Matt mais celui-ci semblait avoir totalement perdu la raison et elle ne pouvait le laisser faire. Elle ne pouvait le laisser se détruire ainsi. Elle lui caressa tendrement le visage pour lui faire comprendre qu’elle n’était pas fâchée contre lui malgré le ton dur qu’elle venait d’employer.

- Parles moi Matt je t’en supplies. Qu’est-ce qui se passe ?

[Coco tu écris super bien mais tu me connais je suis stupide j'ai pas compris qui a le bout de verre Matt ou Laureen]

[Fais pas attention à la qualité du post, je ferais mieux au prochain promis ]

Pourquoi n’était-elle pas tranquillement restée au fond de son lit, à se faire câliner par Andreas ? Au lieu de ça elle se trouvait au beau milieu de la cafétéria de son ancien lycée entièrement rebâti, avec son futur ex beau-frère totalement saoul, un morceau de verre de taille importante planté dans le bras. Laureen secoua la tête en voyant Matthéo s’agiter dans tout les sens, la colère grandissant peu à peu. C’était quand même elle qui avait été blessée, non l’inverse.

- Matt calme toi c’est rien, c’est juste… MATT ÇA SUFFIT !

Elle savait qu’elle devait aller d’urgence à l’hôpital. Mais le comportement immature de Matthéo ne leur serait d’aucune utilité et elle devait donc le calmer d’abord. Laureen lui attrapa le visage pour qu’il la regarde dans les yeux et pour qu’elle se fasse bien comprendre. Mais ce qu’elle y vit la déstabilisa légèrement. Le jeune homme était totalement paniqué. Laureen aussi d’ailleurs. Mais il fallait que l’un d’entre eux se mette à réfléchir calmement et Matthéo n’était pas en état de faire quoi que ce soit qui requérait un minimum de bon sens ce soir. Le bras de la jeune femme commença à la lancer, lui rappelant l’urgence de la situation. Elle aurait bien demandé à Matt de lui faire un garrot le temps qu’ils sortent d’ici histoire de stopper l’hémorragie, mais elle avait peur qu’il ne sert le nœud trop fort et qu’arrivée à l’hôpital, les médecins soient obligés de lui couper le bras.

- Tout ce que je veux, c’est que tu te calmes. Et qu’on sorte d’ici avant que quelqu’un ne nous choppe. Le reste… La jeune femme serra les dents et siffla de douleur. Le reste peut attendre.

Menteuse. Elle avait un mal de chien et son bras commençait à s’engourdir. Mais peu importe, il fallait d’abord qu’ils sortent de là au plus vite avant que le concierge du lycée ou la police ne leur tombe dessus et ensuite ils pourraient penser aux détails plus futiles comme empêcher Laureen de se vider de son sang par exemple. Quel sens pratique vraiment. Du Laureen tout craché. Elle tenta de se relever tant bien que mal sur ses jambes chancelantes, et s’appuya contre le mur. Elle regarda Matthéo en priant pour qu’il soit assez lucide pour les sortir d’ici et la conduire à l’hôpital le plus vite possible.