Saleté de punition ! Crétin de Cruz Preston ! Nous étions vendredi et la jeune Watson faisait le point sur la semaine pourrie qu'elle venait de passer. Elle comptait en effet le temps qu'elle avait perdu en se creusant les méninges pour ce fameux sujet de quelques minutes sur la contraception. La difficulté ne résidait pas dans le thème... Plus dans la façon de tourner cela sans que Cruz n'est pas à poser ses mains sur elle. Et si elle pouvait garder une distance de sécurité d'un bon mètre, voir un mètre cinquante, ça serait parfait ! Seulement, aucune idée ne lui était venue à l'esprit. C'est qu'elle préférait se concentrer sur sa vengeance à venir, histoire qu'il se morde les doigts de s'être ainsi foutu de sa gueule. Le mec était tout de même sacrément culotté ! Il la cherchait, elle se faisait coller par sa faute, et il osait lui demander des services.

Cette fois-ci, il pensait peut-être l'avoir piégé. Il devait jubiler à l'idée de voir sa petite sœur, pensant sans doute qu'elle allait devoir se trimballer Prudence pour réaliser ce projet forcé. Elle riait d'avance. En effet, aujourd'hui, elle avait pris congé ! Et cerise sur le gâteau, elle n'avait pas eu besoin d'inventer une quelconque histoire à Beth, puisque cette dernière avait tenu à garder la petite pour une histoire de robe pour le mariage... Bref, Beverly n'avait pas insisté pour les détails. Par contre, elle avait fait en sorte de se ramener à Acadia Park avec une poussette. Vide, certes. Mais c'était là que résidait le plan de Beverly. L'ascenseur émotif, il connaissait le petit Preston ? En apparence, rien ne dérogeait à ses habitudes. La poussette en configuration berceau, on ne pouvait pas voir la petite – ou l'absence de cette dernière. Beverly y avait mis les formes : petites couvertures et compagnie ! Cruz était là, sur un banc. L'adolescente gardait tout son sérieux, alors qu'elle se rapprochait. Elle faisait même la gueule ! « Salut l'attardé. » Oh vite qu'il se précipite pour voir la gamine ! Vite, vite, vite !

Beverly n'avait pas détaché son regard un seul instant du jeune Preston, appréciant alors chacune de ses expressions quand il comprit qu'il n'y avait pas de Prudence parmi eux. C'était juste jouissif, rattrapant alors tous les sourires agaçants qu'il lui avait adressé durant la semaine. C'était tellement bon qu'il lui était impossible de dissimuler sa satisfaction. « Oh mince alors ! J'ai dû l'oublier ! » Ouais, c'est ça ! Elle s'était trimballée une poussette simplement pour le faire chier, alors que la petite gazouillait sûrement dans les bras de sa mère. Avec ou sans excuse, Beth aurait de toute évidence appris cet écart et elle l'aurait payé cher. Or, Beverly ne faisait pas partie de ceux qui se faisait avoir si facilement. Son monde, elle le menait à la baguette, et si Preston voulait se rapprocher d'elle pour atteindre sa petite sœur, il allait devoir s'y prendre autrement. Le chantage et la manipulation ne fonctionnait pas avec Beverly. Est-ce qu'il allait le capter ? Mieux valait ne pas trop s'avancer.

« Un bébé, on s'en occupe. On lui consacre toute son attention. A cause de toi on a devoir à rendre. » Elle ne précisa pas que Beth avait souhaité garder sa fille aujourd'hui. C'était bien plus plaisant de lui laisser croire qu'elle avait volontairement pris congé, juste pour l'emmerder. Elle se pencha vers la poussette et retira du sac à langer un poupon, jouet en plastique. « Pour te consoler, je t'ai amené ça. Tu vas jouer le rôle du jeune papa raté. » Elle lui fit un clin d'oeil et lui tendit une feuille sur laquelle étaient écrites quelques indications, comme un scénario. Elle allait le présenter comme une bête de foire, ou un objet du télé-achat. Trop d'hormones en ébullition, pas de protection, un accident et neuf mois plus tard un paquet de responsabilités avec un enfant à charge. Doué comme il devait être avec les enfants, elle n'aurait rien besoin de lui dire pour qu'il fasse peur à tout le monde. Elle finirait le tout avec un slogan comme ''Pour éviter ce massacre, abstenez-vous ou protégez-vous.'' Elle avait même penser balancer quelques vannes, mais on y aurait perçu une réelle vengeance sur Cruz, confirmant son pseudo statut de victime auprès du professeur. Hors de question ! Elle le fixa, tenant toujours la poupée par un bras. « Il veut son papa, bouge-toi ! »

La tension était montée d'un seul coup, au plus grand plaisir de la belle brune, ravie de son coup bas. Il n'y avait rien de plus plaisant après cette longue semaine que de se retrouver en face d'un Cruz déçu, frustré, en colère... Bah alors ? Le petit roi de Degrassi allait nous faire un caprice ?! Beverly ne cachait pas son sourire. Ô non ! Elle affichait sa satisfaction au regard de tous, et Cruz était au premier rang. Ça le mettait hors de lui, en venant alors à ce que l'adolescente avait prévu tout en imaginant sa petite surprise : il se barrait en lui balançant quelques menaces sous-entendues, comme de nouvelles et interminables punitions. Beverly ramassa le pauvre bébé en plastique et interpella son papa de fortune, maltraitant de surcroît. « J'ai envoyé mes idées au prof par mail, tu seras le pénible de l'histoire Preston ! » Après les coups foireux qu'il lui avait fait, inutile de préciser que la belle avait assuré ses arrières.

Ça ne l'arrêta pas pour autant. Il fonçait, presque tête baissée, jusqu'à la sortie du parc. Et Beverly se retenait de rire, s'installant sur le banc voisin. Allez... Elle allait lui laisser quelques instants pour se calmer. En imaginant cette mauvaise blague, elle n'avait pas cru que ça serait aussi drôle. Elle jeta un coup d'oeil à sa montre, et embarqua la poussette pour tenter de le retrouver. Ce gamin ! « Cruuuuuz ? Ton bébé fait une hémorragie interne je crois, il a besoin de son père colérique ! » Les quelques promeneurs du parc la regardait bizarrement, mais elle s'en fichait pas mal. Elle poussait la provocation jusqu'au bout en tenant le poupon par le pied, par-dessus son épaule.

Cruz était pire qu'un enfant. Oui, elle avait fait la garce en abattant une sacrée carte. Mais il l'avait tellement cherché ! En plus, qu'on lui fasse de tels coups, ne semblait pas le déranger vu ses amies... Il fallait bien lui remettre les idées en place à ce petit roi du bac à sable ! Pour cela, quoi de mieux que de lui montrer qu'elle était la seule maîtresse de ses choix et de ses actes. Il ne pouvait pas lui imposer sa volonté. Surtout pas comme ça, en la contraignant par une quelconque autorité extérieure. Il voulait obtenir quelque chose d'elle ? Il allait donc devoir lui offrir autre chose qu'un devoir supplémentaire sur la prévention sexuelle ou des heures de colle.

« Ah bah on avance ! T'es presque dans le thème, Preston ! » -lança-t-elle alors qu'il lui disait d'aller se faire foutre. Il était un peu plus loin, mais Beverly n'en perdait pas une miette. Il pestait, râlait, rageait... C'était tellement bon ! Avec un peu d'élan, elle jeta la poupée dans l'espoir de le percuter ou au pire de simplement le dépasser. « Ce n'est pas en me pourrissant l'existence que tu arriveras à voir ta sœur, crétin ! » Ça allait sans doute devenir son nouveau surnom. Ça lui allait tellement bien ! Plus sérieusement, il allait devoir s'arrêter et suivre ce foutu scénario sans quoi elle allait perdre patience. Elle n'était pas assez expérimentée pour supporter des gosses de 17 ans. Elle laissait volontiers sa place aux baby-sitters dans l'âme, comme Diane par exemple ! D'après les quelques rumeurs qui circulaient dans les couloirs du lycée, l'étrangère savait canaliser le trop plein d'énergie de Cruz... « Bon tu t'arrêtes et on entame les négociations ou bien je rentre chez moi et je cherche un moyen de te faire payer ta connerie ? »

Pour stopper Cruz, il fallait tout d'abord retenir son attention. Pour le coup, c'était assez délicat puisque il s'était complètement laissé dépasser par sa colère. Comme quoi, ça semblait lui tenir à cœur. Ugo ne faisait pas toute une maladie d'apercevoir Prudence... Bon, certes, il était encore chez sa mère et cette dernière ne le traitait pas comme un dangereux psychopathe qu'il fallait taser s'il entrait dans un périmètre de moins de 50 mètres. Mais il avait même l'air de carrément se foutre de l'existence de sa petite sœur. Alors lui, ce nombriliste de base, pourquoi faisait-il des caprices pour la voir ? Ca dépassait complètement la baby-sitter, qui jugeait alors qu'il ne s'agissait qu d'une manière de se faire remarquer. Une fois de plus. Du grand Preston quoi ! Du coup... Nous étions entrain de dire qu'il fallait retenir ce gosse. Et pour cela quoi de mieux que de parler de négociations ? Dans l'immédiat, Beverly n'avait pas d'idées lumineuses pour marchander correctement avec cet adolescent habité par un diablotin. Mais il le lui avait déjà dit : elle avait oublié d'être idiote...

« Pardon ?! » -Elle rit doucement. Après tout, sa menace d'être collée jusqu'à la fin des temps ne lui faisait ni chaud ni froid, puisqu'il lui suffirait d'aller se plaindre auprès de son père adoré pour que ce dernier intervienne, plaidant la cause de sa pauvre petit princesse manipulée par un imbécile. Au pire, elle pourrait même demander à la plus grande avocate de la région de la soutenir. Elle n'était autre que sa patronne actuelle, qui se ferait une joie d'enfoncer Cruz, son propre fils. « Risquer ma place auprès de Prudence juste pour m'épargner quelques heures de retenue en ta minable compagnie, c'est trop peu payer. Elle est tellement adorable... C'est qu'on s'y attache facilement ! » Oui, elle parlait bien de la petite baveuse aux couches sales... ! Et puis, cette réplique était plus destinée à agacer davantage Cruz qu'à réellement prendre la forme d'une mini déclaration envers une enfant. « C'est à toi de sortir une argumentation en béton. Si je reste ouverte à la négociation c'est que tu me fais presque pitié. Verse une larme et tu m'achèves... » Son sourire criait à lui seul toute son ironie. Il avait beau se tenir devant elle, la détailler du regard pour ne pas dire la reluquer carrément, elle n'en perdait pas son aplomb. « Je suis sûrement la deuxième personne qui passe le plus de temps avec ta petite sœur. La première ne veut pas que tu l'approches... Tu me demandes vraiment ce que je peux te proposer ? » Elle arqua un sourcil. « Il va falloir être convainquant. Sinon... Tant pis ! » Un grand sourire et hop ! Elle avait gagné un peu de temps.

A en voir l'expression qu'affichait Beverly, la jeune femme n'était pas du tout convaincu par ce que prétendait Cruz. Il avait eu une réaction si violente qu'il était difficile de croire qu'il en avait finalement rien à faire... Certes, avoir été ainsi dupé avait dû froissé sa fierté. Mais de là à tout mettre sur le compte d'un ego un peu trop gonflé, il ne fallait pas abusé. Beverly n'était pas aussi naïve. « Je dois te cirer les pompes ?! » -répéta-t-elle, en se retenant de rire. « Très bien ! » Elle s'approcha, lui laissant peut-être pensé qu'elle allait plier et lui faire ce plaisir. Pourtant, elle lui passa devant avec la poussette et ramassa le bébé en plastique. Doucement, elle l'épousseta, et le déposa dans landau. Beverly reporta finalement son attention sur Cruz et l'observa de son regard chocolat. « Comme tu voudras ! Pour le devoir, chacun se débrouille de son côté. » Elle haussa les épaules et reprit sans même lui le temps de répliquer. « Ah, et par contre... Si tu changes d'avis, n'espère pas me trouver en retenue pour en parler ! » C'était mort. L'adolescente allait faire tout son possible pour se sortir de là, toute seule ou en faisant intervenir quelques atouts, précieux. Parents, Madame Preston... Tout était bon à prendre. Cruz se croyait vraiment tout permis, et s'il avait l'habitude de jouer avec toutes les nanas du lycée, il allait apprendre qu'elle ne s'abaisserait pas à ça, elle.

Cruz avait parfaitement bien résumé la situation. Ils n'avaient plus rien à se dire. L'adolescente était venue jusqu'ici pour le faire rager, avait obtenu ce qu'elle désirait -ou presque... Elle n'avait pas besoin de faire des pieds et des mains pour en réclamer davantage. Le perdant de l'histoire restait Cruz, qui n'avait pas vu sa précieuse petite Prudence. Vu comme il était têtu et idiot, c'était bien fait pour lui. Tournant les talons, elle prit la direction de la porte ouest, entrée par laquelle elle était arrivée et donc opposée à celle qu'empruntait Cruz pour la fuir. Elle jeta un coup d'oeil au poupon et ne pu s'empêcher de revoir la tête de ce crétin en découvrant la vérité. Cette image allait lui décrocher encore de nombreux sourires ! Dommage qu'elle ne l'ait pas filmé !

PF Cruzinet !