Chloé & Cruz

I shouldn't want it but it's you.
La fête était terminée, et bien que chacun aurait préféré une toute autre fin, Chloé ne pouvait pas s'empêcher d'être soulagée de rentrer. Bien sûr, elle avait une pensée pour Noah, se demandant ce qu'il allait advenir de lui... Cependant, elle n'avait jamais vraiment donné dans le sentimental, et n'en éprouvait pas non plus le besoin ce soir. Chacun faisait ce qu'il voulait de sa vie, avec les responsabilités et les conséquences qui en découlaient. Est-ce qu'on s'était réellement soucié d'elle sur le terrain vague, lorsqu'elle avait fini dans la poussière, écorchée à vif ? Non. Hormis Cruz. D'ailleurs, ce dernier se tenait à côté d'elle, la ramenant à l'appartement. Ce silence fut de mise pendant tout le trajet, entrecoupé de quelques rares petits mots de temps à autre... Chloé regardait à travers la fenêtre, complètement perdue dans ses pensées. La soirée passait et repassait dans sa petite tête aux reflets blonds. Charlie, Barbara, le message d'Ugo... S'il n'y avait pas eu tout ce monde autour d'eux, le bureau se serait peut-être transformé en ring. Or, Kennedy était désormais en pleine guerre froide, retrouvant son petit statut d'iceberg, puisqu'il n'y avait plus personne pour les juger, s'en mêler, profiter de cette occasion pour les atteindre.

Bien qu'elle se soit glisser dans ses bras sous les yeux des urgentistes, elle ne lui en voulait pas moins par rapport à tout ce qui s'était potentiellement passé. Quoiqu'il en soit, il allait devoir s'expliquer au sujet de l'autre blondasse, puisque pour le reste il n'avait rien trouvé de mieux à dire qu'il avait agit ainsi pour s'amuser. Super le jeu, elle avait tellement apprécié que sa bouche s'était posée sur celle de Noah. Arrivés à l'appartement, elle décida de prendre les escaliers et monta les marches deux par deux, à vive allure. Plus vite elle serait dans son lit, plus vite elle chasserait cette vision de son mec collé à d'autres filles. Quoiqu'elle aurait pu en cauchemarder... Pff ! Elle poussa la porte, laissa tomber sa veste sur le canapé et retira ses chaussures, dont les talons lui avaient fait un mal de chien, vu les kilomètres qu'elle avait dû faire dans cette gigantesque baraque. Elle soupira, sans même porter le moindre regard à Cruz et s'empara de son paquet de clopes pour aller fumer, accoudée à la fenêtre. Soirée de merde.

Spoiler:

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Malgré toutes ses espérances, la première taffe sur sa cigarette ne fut pas aussi réconfortante que ça. Elle ne se sentait pas mieux. Ça gambergeait dans sa tête, faisant presque d'elle une petite poupée fragile. Elle avait horreur de se sentir vulnérable, et pour cela rien ne semblait plus efficace que menacer son couple. Que ce soit une personne extérieure ou le premier concerné, elle craignait de souffrir de trop pour un cœur épris. Ce soir, elle avait été blessée plus que de raison, malgré ses efforts -aussi minimes pouvaient-ils apparaître aux yeux d'autrui. Chloé regardait pas la fenêtre, observant leur rue, trop tranquille pour le centre ville ; trop calme pour une telle nuit. Elle glissa à nouveau la cigarette entre ses lèvres, alors que Cruz tendait la main pour lui en demander une. Elle allait lui donner son paquet, hésitant presque à le jeter droit devant elle pour l'en priver ; quand il la devança en récupérant le cylindre garni de tabac qui se consumait déjà. « Pire que ça. » -chuchotais-elle en guise de réponse, alors qu'elle expirait la fumée.

D'un revers de la main, elle lui fit ôter la sienne de sa taille. Certes, à contre cœur tant elle aimait ce contact. Mais combien de hanches avait-il ainsi caresser avait qu'elle ne l'aperçoive au lycée ? Peut-être même avant ? Ou après, lorsqu'ils s'étaient séparés dans la demeure des Thomas ? Elle passa une main sur ses yeux, étirant sans le vouloir un peu de noir sur sa peau, rendant son regard encore plus dense, charbonneux. Elle fatiguait doucement, sentant alors la pression et l'adrénaline retombées. Elle abandonna sa clope à Cruz et le fixa quelques instants. « Peut-être pas pour tout le monde ici. »

Les petits yeux rougis et fatigués de Chloé s'ouvrir presque instantanément à la réflexion de Cruz, qui sonnait même comme un reproche. Pardon ?! Il se foutait de sa gueule là, ou elle hallucinait. Ne pouvant plus vraiment se contenir, elle lâcha froidement en récupérant sa clope qu'il tenait toujours : « Non, apparemment tu donnes dans la pouffe de luxe et la trainée d'Europe de l'Est. » Passé un temps, Kennedy avait sympathisé avec Diane. En tout cas, elle avait appris tout un tas de trucs de la part de l'étrangère, faisant d'elle une potentielle alliée. Puis elles s'étaient éloignée lorsque Chloé s'était laissé une énième chance avec Cruz, jusqu'à s'ignorer. Erreur, puisqu'elle apprenait qu'elle aussi figurait sur la liste des bouches visitées par son petit ami. Forcément, elle ne l'appréciait plus tellement. Chloé tira sur la cigarette comme pour essayer de se calmer. Rien à faire, ça ne passait pas, bordel ! « Il y a une liste ? Peut-être un bureau d'inscription pour attendre son tour. Esther devrait être mise au courant d'ailleurs, je suis sûre qu'elle ferait partie des abonnées fidèles. » Tout semblait vouloir sortir d'un coup, laissant exploser toutes ses émotions. Colère, jalousie, rancœur, tristesse...

Il niait... En tout cas il prétendait ne pas savoir de quoi elle parlait. Lui avait-on menti ? Après tout Ugo aurait pu vouloir semer le trouble entre eux, servir Charlie qu'il semblait de plus en plus apprécier... Ou bien Cruz était le menteur. Il avait déjà fait le coup à la fête, refusant de boire alors qu'il s'était bien amusé avec la queen bitch. "Ouais c'est ça..." Elle soupira et écrasa la cigarette dans le cendrier qui trônait sur le rebord de la fenêtre.

"Je suis illogique ?! Moi ?!" Elle le fixait, retenant la pression comme elle pouvait mais sans grand succès. "Non mais il y a de quoi être jalouse franchement ! Et même être dégoutée ! Si mon cul te suffit pas tu le dis maintenant Cruz ! MAINTENANT !" Elle s'était reculée, à bout lorsqu'elle pensait qu'on devient bien se foutre de sa gueule en la voyant ainsi, cocu à souhait. Kennedy avait sa fierté qu'elle avait ravalée pour lui... Autant que ça soit clair, qu'elle puisse elle aussi se foutre ouvertement de sa gueule. Le petit prince Preston avait peut être pour habitude qu'on lui lèche les bottes jusqu'à son derrière mais Chloé ne le ferait pas. Ce soir sa blondinette l'envoyait chier. Alors ouais, elle se mettait à crier dans leur appartement en pleine nuit, furieuse qu'il la pense aussi conne que ça... Heureusement qu'elle tentait de se retenir.

Chloé avait doucement glissé vers ce qu'on pouvait plus communément appeler un pétage de plombs dans les règles de l'art. A force de se contenir, elle, qui pouvait se montrer bien impulsive, avait frôlé l'implosion sous le regard d'un beau petit monde dans la gigantesque bulle de Preston -ouais, les gosses de riches ne donnent pas dans les petites bulles. Elle avait répondu à ses provocations en improvisant, exposant alors un peu trop sa vie privée à son goût. Là, elle relâchait la pression et forcément, ça faisait des dégâts. La petite fissure devenait une vraie crevasse, et Kennedy se mettait à crier. Quelque part elle cherchait à évacuer tout ce qui bouillonnait en elle depuis des heures...

« Oh ça va, arrête ! » Elle recula à nouveau d'un pas, comme pour le fuir. Elle le voyait venir à des kilomètres. Parlez-lui de cul et il vous dira la suite... Chloé le regardait très franchement cette fois-ci, exprimant au travers de ses pupilles glacées qu'elle ne plaisantait pas. « T'es sûr de toi ?! Parce que tu ne m'en donnes pas l'impression ! » Et elle se moquait bien qu'il puisse avoir une érection dès lors qu'elle se baladait en petite culotte dans l'appartement, qu'elle dévoilait ses fines jambes ou moulait ses fesses dans un pantalon serré. Elle s'en fichait puisqu'il ressentait la même chose pour la première fille qui croisait son chemin. « Qu'est-ce qui me prouve que tu ne me mens pas là ?! » Elle en arrivait à penser qu'elle n'était peut-être qu'une jolie paire de fesses, disponible lorsque Cruz le souhaitait. Rien de plus. Et ça faisait mal.

Rien ne le prouvait... Elle le fixait, sidérée d'une réponse avec autant d'aplomb. Alors elle devait le croire et la fermer ; alors qu'elle avait eu la preuve ce soir même qu'il était encore capable de lui mentir ouvertement. Cruz avait quitté la pièce, la laissant avec cette pauvre réplique à la con. Chloé ne pouvait pas s'empêcher de l'imaginer avec une autre dans ses bras, à sa place. Elle crevait littéralement à l'idée qu'il puisse en caresser une autre comme il le faisait avec elle, la dévorer d'une simple regard fiévreux. Bien sûr qu'elle était jalouse... Mais elle n'en devenait pas stupide comme il osait le sous-entendre. Chloé serra la mâchoire pour retenir quelques larmes. Une boule se forma au niveau de sa gorge, due à un trop plein d'émotion. Et si c'était la fin ? Et si elle le perdait réellement ? Si Cruz préférait la larguer pour fuir ces problèmes, comme il avait l'habitude de le faire ? Elle en serait malade.

Elle resta seule un petit moment, tentant d'y voir plus clair sans vraiment y parvenir. Elle décida de se changer, dans l'espoir de quitter les souvenirs de la soirée en même temps que son jeans. Rien à faire... Même dans son mini-short en coton, elle se sentait persécutée par l'image de la grosse bouche de Barbie sur lui. Elle regagna le salon et se posa sur un fauteuil, les jambes repliées sur elle. Elle était juste à côté de l'accoudoir du canapé sur lequel s'était finalement assis Cruz. D'un geste brusque, elle lui prit son verre des mains et en bu une longue gorgée. « Quoi ?! » Kennedy n'était pas connue pour ses bonnes manières... Elle le défia d'un simple regard, prête à lui sauter dessus s'il osait lui faire le moindre reproche.  

L'alcool avait beau lui brûler la gorge, il était toujours moins fort que l'acide contenu dans les mots de Cruz. Elle plissa légèrement les yeux, trouvant sa réflexion si petite qu'il aurait pu s'en passer. « Je suis pas la catin du Bad Circle, comme tu sembles le croire... » Ok, elle avait bu une gorgée lors de ce jeu à la con. Oui, elle avait couché avec Will. Mais elle n'avait pas écarté les cuisses pour que tous les mecs du clan y passe, comme une prostituée du terrain vague. Elle se respectait bien plus que ça, et avait toujours pensé qu'il en avait conscience. Peut-être aurait-elle du se faire reconstruire l'hymen pour qu'il lui fasse un peu plus confiance et n'aille pas imaginer que tout le terrain vague et plus encore lui étaient passé dessus.

De plus, qu'il lui fasse la gueule parce qu'elle n'était pas vierge lors de leur première fois aurait été un comble ! « A ce que je sache, t'étais loin d'être puceau quand tu m'as prise sur mon canapé. » Elle se montrait cru, et pourtant avait l'impression que jamais elle n'arriverait à être assez vulgaire pour le toucher comme il le faisait avec elle. Qu'il la pense si facile était blessant, voir salissant. Elle se leva, se posta devant lui et le fixa avec tout le sérieux du monde. Elle prit le temps de le détailler quelques instants, se retenant de se jeter sur lui pour le gifler. Au lieu de ça, d'un simple revers du poignet, elle versa le reste de vodka au-dessus de lui. « Je ne suis pas une traînée. » -articula-t-elle, sèchement.

Qu'est-ce qui était le plus blessant ? Ses mots démunis de tout respect ou bien son regard chargé de colère, frôlant le dégoût ? Du mépris, il semblait en avoir à revendre puisqu'il la dévisageait presque. Chloé avait dû doublement le vexer. Après l'avoir éconduit, voilà qu'elle lui jetait son verre au visage. Mais il le méritait tellement ! Il se foutait de sa gueule et l'insultait. Il aurait pu la mettre au même niveau qu'une pute qu'elle n'aurait pas vu de grande différence. Peut-être qu'elle n'était qu'à deux pas de cette catin étrangère finalement... Cruz s'était relevé, et allait à nouveau la fuir. « Tu oses me balancer ça ?! Moi, je me comporte comme une traînée ?! Je fais pas un dixième de tes écarts ! » Le ton était remonté, alors qu'elle le voyait s'éloigner en direction de la salle de bain. Même si elle se doutait qu'il ne l'écouterait pas, elle vidait son sac. Moralisatrice ? Elle ne cherchait pas à compter les points. Juste lui montrer qu'elle n'avait rien fait de plus qu'être sa copine, et d'avoir un peu plus de caractère que ses ex.

Lorsqu'il passa le seuil de la porte et referma cette dernière, le sang de Chloé ne fit qu'un tour. C'était comme s'il lui disait à demi-mot de la fermer, qu'il n'en avait rien à secouer de ce qu'elle pouvait dire... Pire encore, de ce qu'elle pouvait ressentir. Elle déposa le verre sur la table basse, franchement énervée, et fonça vers la salle d'eau. Elle poussa la porte, aperçu tout d'abord ses vêtements mouillés qui jonchaient le sol, puis sa silhouette derrière la vitre de la douche. Est-ce que ça allait l'arrêter ? Sûrement pas. Se moquant éperdument de l'eau qui coulait, elle y entra et pointa Cruz du doigt. Son index percuta à plusieurs reprises son torse, alors qu'elle reprenait son speech. « T'as pas le droit de m'ignorer comme ça ! Je suis pas ton chien, Cruz ! Comme t'as pas le droit de me dire des trucs pareils ! Si j'étais une traînée, on verrait la moitié de mon cul dans la rue, je me ferais sauter par n'importe qui à la moindre occasion, et juste pour le fun ! Mais il y a que toi, merde ! Que TOI ! » Elle était trempée, le dérangeait dans sa douche, mais elle avait dit ce qu'elle avait sur le cœur et c'était tout ce qui comptait à ce moment précis. Ils s'étaient bien dit ''plus de mensonges'' non ? Alors elle n'avait pas pu aller se coucher comme si de rien était, comme si elle lui faisait la gueule par fierté sans avoir été touchée. Elle passa ses mains sur son propre visage, pour s'essuyer comme elle pouvait, puis pivota pour faire demi-tour.

Elle était sortie, prête à se changer à nouveau pour peut-être finir par s'enfouir sous sa couette et chercher un peu de calme en fermant les yeux, en se concentrant sur... Sur quoi d'ailleurs ? Sur quoi pouvait-elle reporter son attention ?! Sur ses amis ? Ils étaient si peu nombreux... Peut-être qu'elle penserait alors à Lux, à ce que la jeune femme pourrait lui raconter pour la faire sourire et lui faire oublier pendant un temps à quel point elle était accroc à Preston. Il venait de la rattraper, la forçant à le regarder. Voilà qu'il lui disait que la fidélité ne serait jamais son truc, faisant passer ça sur le compte de la génétique, du nom de famille...

« Wow... -souffla-t-elle plus bas. La pression semblait être redescendue subitement. Si c'est dans ta nature... Te force pas pour moi. » Elle l'avait su dès le début qu'il était ainsi avec la gent féminine, qu'il s'en amusait et butinait un peu tout ce qui lui passait sous le nez. Elle avait eu peur, elle l'avait fuit, mais il lui avait fait tant de promesses. Elle entendait les mises en garde d'Ugo résonner dans sa tête, comprenait pourquoi tout le monde voulait le libérer de cette relation. Elle faisait tâche. Elle était l'erreur de parcours, celle qui demandait du respect alors que tant autres pouvait être prise et jetée comme un vulgaire préservatif. (sympa l'image, je sais, mais c'était dans le thème!) Doucement cette fois-ci, elle dégagea son bras et recula. Il fallait qu'elle se change et peut-être même qu'elle s'en aille en fait. Elle ne savait plus où elle en était.

Chloé tiqua à sa réflexion. Chez sa mère. Ça y est, elle sentait une nouvelle vague de dégoût la submerger. Oui, il fallait qu'elle se change de toute urgence et qu'elle s'en aille. N'importe où, mais loin. « Fais ce que tu veux. » Elle lui tourna le dos, tirant sur ses vêtements qui lui collaient à la peau. Pessimiste, elle voyait la fin de leur histoire arriver à grand pas. Les mots ''faire le point'' suffisaient à l'effrayer. Elle était mal, et prit à son tour la fuite dans la chambre. Là, elle pressa le pas, attrapant les premiers vêtements qui lui tombaient sous la main. Il pouvait aller où il voulait, le temps qu'il voulait, elle n'étoufferait pas dans cet appartement. Elle ne s'enfermerait pas dans son chagrin entre ces murs. Elle retira ses vêtements à toute allure, prenant à peine le temps de se sécher pour enfiler les seconds. Ses cheveux mouillés gouttaient sur ses affaires, alors que quelques larmes roulaient discrètement sur ses joues. Avant de franchir la porte, elle les fit disparaître d'un revers de la main, et chercha alors ses baskets. Dans l'empressement, elle n'avait même pas eu l'idée de prendre quoique ce soit avec elle. Tout ce qu'elle cherchait c'était un peu d'air... Elle croisa le regard de Cruz, qui devait se demander ce qu'elle avait à s'agiter ainsi puisqu'il avait décidé de son propre chef qu'il retournerait chez sa maman adorée. « J'ai pas les moyens de rester ici, et je ne me ferais pas entretenir. » -lança-t-elle simplement, bien décidée à lui prouver qu'elle se foutait de tout sauf de lui, de sa personne. Têtue ? Elle l'avait toujours été, il le savait. Elle mit la main sur ses satanées baskets, ne pouvant plus faire le moindre pas perchée sur des talons, et les enfila à la va vite.

Comme une véritable petite tornade, Chloé avait visé l'efficacité. Les vêtements qu'elle pouvait enfiler lui importaient peu, du moment qu'il la recouvrait suffisamment pour ne pas qu'elle attrape la mort, à moitié trempée. Il n'y avait que pour ses chaussures qu'elle ne pouvait pas faire d'exception, ayant besoin d'être à plat sur le sol, ce qui était bien plus pratique pour courir en cas de fuite, de problème, d'un besoin quelconque de se défouler... Mais malgré tout ses efforts pour éviter une nouvelle confrontation qui lui porterait peut-être le coup de grâce, Kennedy se retrouva plaquée contre la porte d'entrée. Ses cheveux humides lui barraient le visage, cachant ses yeux clairs qui avaient été souillés non seulement par l'eau de la douche mais aussi ses larmes, dont il restaient quelques traces. La jeune femme tenta de se débattre, ne supportant pas de s'afficher aussi faible et vulnérable devant lui. Cruzoé... Ils avaient toujours fonctionné ainsi. S'aimer dans la douleur était ce qui les animait, ce qui les rendait vivant. Et pourtant, ce soir, elle aurait aimé qu'il en soit autrement.

Cruz lui ordonna de se calmer, sans relâcher la pression autour de son petit corps afin de la garder captive entre ses bras. Elle mit quelques instants avant de rendre les armes, fermant les yeux pour enfin nicher son visage tout contre l'épaule de l'adolescent. Elle lâchait prise, se crispant néanmoins à chaque geste tendre qu'il pouvait lui porter. Il y a quelques minutes à peine, il lui parlait de faire le point, de s'éloigner... Maintenant il refusait qu'elle s'en aille. Alors il pouvait l'abandonner, mais l'inverse n'était pas envisageable ? Il lui fit relever la tête et embrassa ses joues. Elle ouvrit doucement les yeux, ayant toujours un peu de mal à le regarder fixement. « C'est toi qui veut partir. Et je resterais pas ici toute seule. »

Comment ne pas virer dingue avec de telles scènes ? Chloé ne bougeait plus, ayant bien compris qu'elle ne parviendrait pas à échapper à son étreinte. En avait-elle cependant envie ? Elle avait trouvé la force de le regarder, alors qu'il revenait sur ses propos et la perdait doucement dans une foule de sentiments parfois contradictoires. Elle aurait voulu le repousser, et en même temps le désirait ardemment. Elle se retenait de frapper son torse de ses petits poings, et souhaitait à la fois trouver refuge dans ses bras. « A quoi tu joues...? » Elle baissa la tête, et posa son front contre le sien. Soufflant tout bas ces quelques mots, elle reprit : « Tu me veux ou pas ? Je dois savoir... » Chloé était épuisée. Sa soirée avait été assez éprouvante, aussi bien en stress, qu'en sensations et émotions... Nerveusement, la jeune femme atteignait doucement ses limites. « Je vais aller chez Julian. Ou Lux. De toute évidence on a besoin de... prendre du recul. » Sa gorge se serra doucement. Ça lui faisait un mal de chien, mais si Cruz avait souhaité retourner au manoir familiale, c'était bien pour une raison. Ça lui avait fait une sorte d'électrochoc... Il fallait faire avec.

Ses mots auraient dû être apaisant... Rassurant au possible, de manière à ce qu'elle se calme pour de bon. Pourtant elle avait toujours cette boule au ventre, cette dévorante angoisse qui la tiraillait alors qu'elle l'imaginait retourner dans les bras d'une autre, de son incestueuse mère. Chloé ferma à nouveau les yeux, s'obligeant à chasser ces images douloureuses et écœurantes de son esprit. Si tout partait en vrille ainsi, et qu'il préférait la fuir plutôt que l'affronter une bonne fois pour toute afin de mettre ces histoires à plat, c'était que le soucis était sans doute plus important qu'elle ne le pensait. Cruz lui donnait l'impression de vouloir s'éloigner, tout en souhaitant garder une emprise sur elle. Jamais elle ne serait un objet, vulgaire pantin d'autrui.

Il refusa qu'elle passe le seuil de la porte d'entrée et fit en sorte de la retenir avec un baiser. Chloé se laissa faire, complètement paumée, fragile entre ses bras... Il la voulait avec lui ce soir. Il repoussait cette séparation au lendemain, alors qu'elle aurait voulu qu'ils n'aient jamais à le faire. Crochetant sa nuque d'une main, elle pressa à nouveau ses lèvres contre les siennes. Elle l'embrassait désormais avec un violent désespoir, comme s'il s'agissait du dernier moyen de lui faire comprendre ce qu'elle ressentait à son égard.