Kate avait bu beaucoup trop de bière hier soir, elle se sentait grasse et ballonnée. Elle avait difficilement émergée de son lit, mais avait fini par en sortir sans s’entraver dans ses affaires qui juchaient le sol et tomber par terre. Après avoir bu son jus de baies de Goji detox, sa mère l’avait convié à faire une séance de Yoga. Après l’amour du style, le yoga était l’une des rares choses qui réunissait Kate et sa mondaine de mère. La fille avait souvent tendance à corriger sa mère dans ses postures et la plupart de leurs séances finissaient en crise de nerfs, Kate préférait en faire seule. Elle s’apaisait vraiment. Ce matin fut différent, elle était tellement mal à cause de sa soirée de la veille qu’elle-même n’avait pas honoré le Dieu du Yoga ou une connerie du genre.

Après sa douche, son regard se perdit dans les montagnes de fringues et autres sachets d’herbe qui peuplaient sa chambre. Son attention s’arrêta sur un t-shirt horrible, la bouche en cul de poule elle essayait de se souvenir d’où est-ce qu’il sortait. Il n’appartenait pas à Taylor et puis il lui semblait que ça faisait une éternité qu’il était avec sa connasse d’Aimée. C’était maintenant elle qui devait trouver des t-shirts dans sa chambre. Elle grimaça à cette pensée, avant que son visage s’éclaire en se souvenant du propriétaire. Mais oui, Wayne ! Elle lui avait piqué en début de soirée parce qu’elle avait honte que son top laisse trop apparaître ses tétons. Ni une, ni deux, elle prit son tshirt sous le bras après avoir enfilé une robe bohème avec des motifs d’éléphants indiens dorés et s’être mis un foulard autour de la tête. Ding dong. Les rayons du soleil éclairèrent le visage de Wayne, Kate enleva ses lunettes mouches au cas où il ne la reconnaissait pas.

- Sawubona, dit-elle avec un grand sourire, avant de s’expliquer. Ça veut dire "Bonjour" en zoulou !

Kate trouvait tellement mignon le fait que Wayne prenne la peine de la saluer en zoulou, qu’elle prit sur elle pour ne pas le corriger sur sa prononciation. A vrai dire, elle n’était même pas sûre elle-même de la prononciation exacte, elle dénichait ce genre de connerie sur internet. C’était sa manière à elle de se démarquer, elle avait toujours nagé à contre-courant et voulut cultiver la différence. Souvent, elle était assez fière de penser que les gens devaient la prendre pour une Luna Lovegood, en mieux habillé et en plus jolie. Tant mieux, elle était prédestiné à devenir une grande artiste, elle devait être originale. Elle ne se forçait même pas à dire bonjour aux gens en langue de tribus africaines, en plus d’être lié par l’animisme, elle se sentait complètement connectée à ces peuples qui respectaient l’environnement et savaient se contenter du strict minimum pour être heureux. Un peu comme elle, à l’heure où Louise faisait des pieds et des mains pour que leur mère lui achète un iphone 6 édition limité plaqué or, Kate ne souhaitait pas plus que l’édition basique de l’iPhone 6. C’était magnifique, elle, au moins, comprenait réellement la valeur des choses. C’était trop cool que Wayne l’invite à déjeuner dans la maison du proviseur, son visage s’illumina à sa proposition.

- Carrément, dit-elle en lui tendant son t-shirt. Enfin, si tu m’invites bien sûr ! Je t’apportais surtout ton t-shirt : Merci d’ailleurs, se rattrapa-t-elle consciente qu’elle avait l’air de se taper l’incruste.

Kate était contente de petit-déjeuner, elle n’avait pas eu le temps en se levant. Avec le petit oiseau qui lui picorer la tête, elle avait préféré éviter sa mère et sa sœur. Elles étaient trop casse-couilles en temps normal, mais sous l’emprise d’une gueule de bois ça aurait été un cauchemar pour Kate. Elle entra dans la maison, suivant Wayne de près. Heureusement qu’il n’y avait personne, l’image horrible de son proviseur se levant avec la mi-molle l’aurait traumatisé à vie. Son petit côté voyeur était quand même content d’être assouvi en voyant dans quel lieu vivait ce tyran qui l’avait déjà collé pour ses manifestations clandestines. Au fur à mesure qu’elle avançait jusqu’à la cuisine de la famille Presley, Kate sentait une odeur forte. Une odeur qui lui donnait envie de vomir, mais quand elle arriva sur les lieux du crime, elle comprit le pourquoi de son dégoût. Du Bacon. Elle n’allait pas faire la morale à Wayne, elle était invitée.

- Non, tu te trompes, dit-elle en essayant d’oublier l’odeur du porc. Je te trouve très beau et très charmant, mais c’est moi qui ne suis pas ton genre de fille, lança-t-elle dans un sourire taquin.

Effectivement, Wayne était un beau gosse avec un corps de demi-dieu. La remarque était assez subtile, mais par-là Kate sous-entendait qu’elle n’était pas une fille facile comme Chelsea ou encore Blake. Elle n’avait connu que Taylor, se faire sauter dans la chambre de sa copine Blake n’était pas dans ses objectifs de soirée hier soir. D’ailleurs, elle avait même été flattée que Wayne s’intéresse à elle hier soir, mais entre cette chaudière de Blake et les regards trop lubriques pour mettre à l’aise Kate, elle avait préféré s’éclipser. Puis pour finir sur une vidéo, Kate était encore moins emballée.

- Les filles étaient déchaînées, elles t’acclamaient, brûlaient leurs soutiens gorges et criaient ton nom, répondit Kate, avec autant de fougue que si ça avait été la réalité, avant de devenir un peu plus sérieuse. Sincèrement, je ne suis pas restée jusqu’au bout.

Elle piqua un morceau de fraise des œufs au plat avec sa fourchette et le porta à sa bouche.

Kate sourit amusée quand Wayne lui dit que les filles cools et jolies étaient son genre, par conséquent elle l’était. Merci, mais il n’avait pas compris la subtilité de sa remarque. Elle rit légèrement quand il lui dit que Chelsea était la seule à crier son nom. C’était vrai que la vidéo avait été assez animée et la soirée aussi par la même occasion. Mais Chelsea ne devait pas être au plus mal, elle n’avait pas fait de scandale, ni Wayne. D’ailleurs les deux donnaient l’impression qu’ils savaient qu’ils étaient filmés sur la vidéo, pas qu’elle l’avait regardé insistance, elle avait jeté un œil comme tout le monde. (a) Et puis, elle avait trouvé que, comme le futur porno d’Eden, le sexe pouvait avoir quelque chose d’artistique.  La jeune hippie continuait de piquer des fraises sur son œuf au plat, tout en écoutant le footballer. Elle hochait la tête, la bouche pleine, pour confirmer qu’elle écoutait ce qu’il lui disait, malgré son manque de conversation. A vrai dire, elle était obnubilée par la tranche de bacon qui suintait le gras et lui renvoyait son odeur abjecte d’animal mort aux narines. Kate se décida à attaquer la brioche au fromage de chèvre, les tartines étaient les seules choses de son assiette avec les fraises, qui n’avaient été touchées par l’huile qui avait servie à cuire le porc. Hormis ce petit détail morbide, elle aurait adoré ce petit déjeuner aux mélanges si … exotiques. Malgré tous ces efforts, Wayne se rendit compte de son malaise, de toute façon il l’aurait remarqué à la fin du petit-déjeuner quand il se serait aperçu que Kate n’y avait pas touché.

- Je suis végétarienne, dit-elle dans un sourire gêné.

Et comme si elle se sentait possédée par un esprit farceur, elle ajouta très vite autre chose. Sans lui laisser le temps de réagir à sa première révélation. C’était le même genre de dégueuli de mots que Cady Heron, l’héroïne de Mean Girl, aurait pu sortir.

- Et de toute ma vie, je n’ai baisé qu’avec un seul garçon, dit-elle avec un grand sourire euphorique provoqué par la démence de ce qu’elle venait d’avouer. Pas comme le reste de tes conquêtes, c’est pour ça que je n’aimais pas que tu regardes mes seins … ajouta-t-elle decrescendo quand la honte s’emparait d’elle au fur à mesure de ses mots. Tu veux mon bacon ? demanda Kate pour changer de sujet, avec beaucoup moins d’assurance.

Spoiler:

Kate prit un air faussement intéressé sur son visage enfantin, comme pour continuer à laisser sous-entendre que les faux secrets de beauté de Wayne l’intriguaient vraiment. De toute façon, elle n’avait rien à apprendre concrètement puisqu’elle faisait déjà tous ces petits rituels naturels pour sa chevelure de blé. Sauf pour le Whisky-Coca, bien entendu. Mais Kate savait à peu près à quoi Wayne faisait référence, puisqu’elle avait aperçu brièvement la scène sans pour autant faire sa curieuse. Les commérages n’étaient pas trop dans ses habitudes contrairement à la grande majorité de Degrassi.

- Ah oui, j’ai cru comprendre qu’hier c’était l’heure du soin ? dit-elle avec une moue mi- compatissante, mi- gênée, pour tenter de détendre un peu l’atmosphère.

Kate mangea une bouchée du peu de chose qui restait dans son assiette après avoir fait son tri sélectif alimentaire.