Barbara avait fini par sortir de sa chambre d’hôtel, elle était de retour à la vraie vie et dormait chez Mika. Elle ne voulait toujours pas retourner chez Ian, elle ne voulait pas être seule dans cette maison où il s’était donné la mort. Mais après un jour, l’habitation des Moore commençait à devenir désagréable aux yeux de la princesse qu’elle était, pas assez confortable, la copine de Mika était une vieille idiote qui lui sortait par les yeux et Mika lui-même commençait à l’agacer à force de trop le voir avachi comme une loque inactive sur le canapé. Elle aurait certainement pu aller vivre chez Charlie, mais elle avait assez donné aussi à son arrivée à Degrassi. Elle irait peut-être s’installer chez les Kinney. Louer un appartement n’était pour le moment pas envisageable, car si elle ne voulait pas se retrouver seule dans la maison de Ian, elle ne voulait pas non-plus être seule ailleurs. On était lundi, elle avait passé toute la semaine précédente cloitrée dans une luxueuse suite de l’Hilton et était rentrée seulement hier à Degrassi. Une matinée de cours ennuyeuse, des visages chiants qui lui demandaient du regard si tout allait bien depuis que Ian était mort et l’empathie de ses professeurs qui l’excédait. Une matinée, la première et probablement celle de trop. Elle voulait sortir déjeuner dehors, ne pas s’afficher à la cafeteria avec le reste des So Cool. Mais la présence de journalistes la freina, ils étaient là pour elle. Depuis le drame qui s’était abattu sur l’illustre Ian Thomas, elle les avait fuis comme la peste. Il ne pouvait pas rentrer dans le lycée sans badge, elle prit le chemin de la Table des So Cool dans la cafeteria où elle ne voulait pourtant pas manger.

Un plateau, la même bouffe dégueulasse pour tous. Elle avança avec assurance dans la grande salle, pas un seul pas de travers, ses chaussures de créateurs raisonnaient sur le sol, certains regard se retournaient vers elle. Plus que d’habitude, elle était So Cool mais actuellement elle était surtout l’orpheline qui n’avait pas donné signe de vie depuis une semaine. Charlie était déjà là, elle posa son plateau sur la table et s’assit à côté d’elle. Installées comme ça, elles pouvaient regarder tout le monde de haut, se moquer du gros Biggie et être vues par tous. Elle lui déposa un baiser sur la joue.

- Je t’ai manqué ? lui demanda-t-elle avec un sourire en coin.

Satisfaite de la réponse de sa cousine, Barbie lui offrit son plus beau sourire. Pourtant, ces derniers jours Charlie ne lui avait pas manqué, Barbara avait elle-même mis des distances avec sa cousine. Elle avait été choquée par la mort de son père, puis quand elle s’était enfermée dans sa chambre d’hotel de l’Hilton de Toronto, elle avait ruminait longuement. Elle s’était montée la tête toute seule contre sa cousine, qu’elle accusait dans son for intérieur d’avoir passé trop de temps avec Ian depuis sa naissance, que Barbie aurait dû passer à sa place. Mais bon, elle avait fini par se faire une raison, la vie était comme ça et sa Charlie n’y était pour rien. Voir la lumière du jour en sortant de sa chambre avait été d’une grande aide pour se calmer, se cloitrer entre 4 mur dans un moment pareil n’était pas la meilleure des solutions pour se relever d’un décès. Barbie regarda son plateau, quand Charlie dit que la bouffe était de plus en plus dégueulasse à la cafeteria du lycée. Elle observait les brocolis avec dégout avant d’en piquer un avec sa fourchette et le mettre dans sa bouche. Dégueulasse, surgelé, caoutchouteux, à des années lumières des plats que leurs employés de maison leur avait habitué à manger.

- Effectivement, confirma-t-elle après avoir déglutit le légume avec difficulté.

Barbara avait l’impression d’être dans un zoo, du mauvais côté de la cage. Tout le monde les dévisageait, plus qu’en temps normal, ils devaient espérer les voir fondre en larme. Encore plus vautour que les journalistes, il y avait les personne qu’elles rencontraient tous les jours. Mais ni Charlie, ni Barbie n’était en phase de leur offrir le spectacle qu’ils souhaitaient. Quelques jours plutôt, c’était avec étonnement que Barbara avait appris que Cruz était en manque de Chloé. Il ne l’avait pas oublié ou pire encore il était toujours avec cette clocharde qui lui servait de copine, plutôt que d’une ex qu’il aurait préféré renier si tout s’était passé comme prévu.

- Je crois que Cruz est toujours avec Chloé, il me l’a fait un peu comprendre durant mon exil à Toronto, dit-elle sans se rendre compte que ses mots l’obligeraient à s’expliquer sur les nouvelles qu’elle n’avait pas donné à Charlie et la présence de Cruz pendant cette fuite.

Tarée. Barbie fixait Charlie ne sachant pas trop quelles excuses balancer à sa petite crise de jalousie. Une demi-seconde, elle se trouva ridicule de chercher : elle faisait ce qu’elle voulait, non ? Puis une fois la prise de conscience des yeux assassins de sa cousine faîte, elle chercha à nouveau. Elle sourit bêtement, autant répondre par une question. La stratégie idéale.

- Tu es jalouse ? demanda Barbie en s’efforçant de prendre un ton amusé pour dédramatiser la situation.

Non, elle n’était pas jalouse ; Charlie était juste une putain de psychopathe. Une putain de psychopathe qui n’avait pas l’air d’accepter ses échecs puisqu’elle avait encore l’air de croire que la situation était sous contrôle. Il était temps de mettre une bonne fois pour tout un terme à cette histoire ? Ne se rendait-elle pas compte que Cruz et Kennedy s’attiraient comme des aimants ? Peut-être qu’elles devaient se faire une raison, Cruz était perdu. C’était éreintant à force de batailler pour sauver leur ami des griffes de cette bouseuse. Il n’y avait plus rien à faire. Barbara -toujours vexée de s’être pris un vent à l’hôtel- venait presque à se dire que la seule solution était de le mettre au pied du mur, sa réputation ou sa dealeuse.

- A quoi tu penses ? demanda Barbie. L’exclure des So Cool ?, continua-t-elle innocemment espérant secrètement que la réponse serait un : oui.

Elle s’en voulut un peu d’avoir prononcé ces mots, Cruz était quand même un fidèle ami. Pour se déculpabiliser, elle se convaincu que Cruz avait ce choix tout seul le jour où il n’avait pas écouté leurs recommandations au sujet de son idylle. Il serait sûrement libéré de toute contrainte, se mentait Barbara pour renier l’odieuse pétasse qu’elle était.

Ne joue pas à ça sonnait comme un oui. Barbara se reconcentra sur un brocoli qu’elle piqua à nouveau dans son assiette pour le manger sans faim, mais surtout pour enlever toutes les pensées perverses qui traversaient son esprit. Savoir sa cousine jalouse lui donnait tout le temps une folle envie d’elle, encore plus qu’en temps normal.
La sentence était tombée, comme toujours elle était sur la même longueur d’onde que Charlie. Sauf que contrairement à elle, sa cousine était moins lâche pour l’avouer pleinement. Barbara haussa les épaules toujours réticentes à l’idée de s’engager réellement dans ce bannissement définitif. Puis elle conclue, pensant sincèrement à ce qu’elle s’apprêtait de dire puisqu’elle s’en était convaincue pour alléger son cœur.

- Il a fait ce choix tout seul de toute façon, dit Barbie d’un ton lasse. On a tout fait pour éviter ça, mais le prestige des So Cool ne peut pas pâtir encore plus longtemps de cette union répugnante.

C’était le b.a.-ba, tous les membres des So Cool avaient des fréquentations un peu humiliantes, Barbara la première. Mais en général, ils faisaient tous en sorte d’être discrets pour conserver l’aura élitiste qui planait autour de leur groupe. Par discret, entendez qu’ils n’emménageaient pas avec leurs plan culs honteux.

- Ils vont nous suivre ? demanda Barbara. Liam et Ugo, c’est sûr. Mais le reste ?

Loan et Autumn étaient parfois trop chiantes et mielleuses. Elles étaient cools, forcément elles étaient So Cool, Barbara les aimait bien, sûrement plus que Charlie ne les aimait, mais parfois elles étaient agaçantes à s’efforcer de se dissocier faisant valoir leur bonne morale. Comme si elles étaient mieux tout le monde, plus gentilles et plus compatissantes. Barbie hocha la tête quand Charlie lui fit comprendre que tout était sous-contrôle. La machine était lancée, que dirait-elle à Cruz quand il apprendrait qu’elle faisait partie de cette kabbale. Je lui dirai qu’il aurait dû larguer sa Chloé comme on lui avait recommandé mille fois, simplement, pensa Barbie. Un sourire malicieux se dessina sur les lèvres pulpeuses de Barbara quand Charlie lui demanda de confirmer qu’elle allait au mariage de Beth et Edgar avec Liam Kinney.

- Tu aurais certainement préférée que je m’y rende seule ? demanda Barbie dans un sourire amusé comme lorsqu’elle lui avait demandé si elle était jalouse. Tu y vas avec qui, toi ? Warhol ?

Que réponde à la provocation de Charlie ? Barbara lui fit un sourire entendu, elle n’allait pas se justifier et si en rentrant du mariage, Liam et elle couchaient ensemble, Barbie lui balancerait avec rancœur qu’elle avait adorait « sa queue longue et épaisse comme elle les aimait ». Charlie hésitait encore pour choisir son cavalier, ce détail énerva Barbie. Elle ne pouvait pas sortir avec qui elle voulait, mais Charlie avait le droit d’avoir une cour de personne à mettre dans son lit et dont Barbie était consciente de faire partie. Elle haussa les sourcils, comme pour dire «  tu verras bien » et lui laissait penser que ça ne l’atteignait pas. Jusqu’à ce que Cruz débarque à la table. Il arrivait comme une fleur, se mettant entre elles deux et se montrant chaleureux. Barbie voulait disparaître, elle savait que Charlie allait le bannir dès qu’elle en aurait l’occasion et l’occasion, c’était maintenant. Gênée, Barbara détourna son regard qui se posa sur la grosse Betty. Elle s’était montée la tête en se disant que depuis que Cruz faisait n’importe quoi avec sa junkie, Betty avait l’air de moins rougir quand Barbara posait ses yeux sur elle et qu’elle baissait la tête moins rapidement qu’avant.

Elle fut sortie de ses pensées par Charlie, qui l’invitait à apprendre à Cruz son bannissement des So Cool. Elle resta immobile pendant 2 secondes, réalisant que non seulement elle serait là pour voir Cruz renié, mais en plus c’était à elle de lui faire savoir la nouvelle. Comme si avoir pris part à cette décision la dérangeait pas assez, elle devait carrément lui dégueuler au visage qu’elle était une traite. Après tout, qu’est-ce qu’elle voulait ? Elle était tout autant agacée que Charlie par la relation que Cruz entretenait depuis trop longtemps avec Chloé, si ce n’est plus puisqu’elle aurait voulu être à la place de Kennedy, il était temps que Barbara assume ses pensées et cesse minauder tout le monde. Elle allait quand même pesait ses mots, elle aimait toujours Cruz même si elle ne voulait pas être affichée avec le copain de la dealeuse du coin, puisqu’à ses yeux et ceux du reste du lycée, c’était ce qu’il était.

- Cruz..., dit-elle en posant sa main sur la joue de son ami qu’elle ne méritait pas, avec tendresse et son regard qui l’implorait de lui pardonner. Tu ne peux plus t’assoir ici, on te libère de ta réputation, dit-elle comme si c’était une super nouvelle pour lui. Tu peux vivre comme tu l’entends avec Chloé, mais sans nous, conclue-t-elle avec moins d’enthousiasme prenant conscience de la pétasse qu’elle était. C’est une décision de tout le monde.

Le dernier point était un mensonge, mais ce spectacle n’avait que trop duré et Barbara se sentait affreusement mal. Le mettre contre l'avis de tous abrégerait ce moment. Qu’il parte, elle détourna son regard de son beau visage, ne voulant pas voir dans ses yeux ce qu’il pensait d’elle à ce moment précis.

Ses lèvres pulpeuses entrouvertes, Barbara ne croyait pas ce qu’elle venait d’entendre. Charlie était une vraie salope de lui faire porter toute la responsabilité de ce bannissement. Elle avait envie de la traiter de tous les noms, de jeter son plateau par terre et de quitter la cafeteria. Mais au lieu de ça, elle resta stoïque. Incapable de dire un seul mot, aucune défense. De quoi aurait-elle l’air si elle se justifiait alors qu’elle venait d’expliquer la situation à Cruz et faire office de messager pour son exclusion du groupe ? Puis si elle ouvrait sa bouche pour dire quoique ce soit, elle remettrait en cause cette décision alors que finalement, elle trouvait se rejet juste puisqu’elle ne supportait plus le Cruzoé. Elle n’était pas blanche dans cette histoire, même si Charlie exagérait son implication. Elle ne dit rien, elle détourna à nouveau son regard sur la grosse Betty qui ne la regardait plus. Charlie allait payer, elle ne pouvait rien faire pour le moment mais elle l’atteindrait. Elle n’était pas sa marionnette, elle était libre et elle allait lui prouver. Son visage caché de leurs regards, Barbie ferma les yeux en écoutant ce que disait sa cousine à Cruz. Elle avait tout fait pour faire passer la pilule en douceur, pour qu’au final quelques minutes après Charlie crache tout son venin sur Cruz et le rabaisse plus bas que terre. Barbara n’avait qu’une seule envie, qu’il parte et que ce bordel se termine. Son cœur se pinçait, Cruz ne lui pardonnerait jamais ce qui venait de se passer.

Barbie crut s’étouffer avec son brocoli quand Charlie dit qu’Ugo était son mec. Depuis quand ? Les rumeurs étaient donc vraies, Charlie et Ugo formaient le nouveau couple de Degrassi. Barbara savait qu’elle n’était plus avec Warhol, mais Ugo pitié. Ca la mettait dans une rage folle de savoir qu’elle se permettait de contrôler toute sa vie, quand elle pouvait se permettre ce qu’elle voulait. Elle ne savait pas ce qui l’agacé le plus… Etait-ce la jalousie de savoir Charlie avec Ugo ? Ou le fait qu’elle avait réussi où Barbie malgré ses efforts avait failli, à savoir : reconquérir un Preston. Barbara avait tout fait pour faire revenir Cruz vers elle, mais à chaque fois il préférait sa traînée de Chloé Kennedy. Elle aurait pu le mettre dans son lit sans problème, mais elle voulait plus que ça. Perdue dans ses pensées assassines, elle écoutait malgré tout Cruz puis Charlie d’une oreille. Charlie était une vraie salope sans tacte qui faisait du mal par pur plaisir, mais après ce que la nouvelle qu’elle venait d’apprendre avait éveillé en elle, Charlie avait raison : Trop tard. Barbara aurait dû être la première à ressortir avec Cruz, avant que sa cousine reforme un couple avec Ugo. Barbie jeta sa fourchette sur son plateau et se leva. Elle commençait à s’en aller, puis elle se retourna.

- Elle a raison, ton idylle nous a déjà assez emmerdée, cracha-t-elle à l’adresse de Cruz, avant de lancer un regard noir vers Charlie.

Puis sans même attendre une réponse, elle dégagea du self sans avoir pris la peine de débarrasser son plateau. Le bruit des talons de ses Jimmy Choo sur le sol ressemblait à une marche militaire, Barbara partait en guerre.

Barbara s’élançait toujours vers la sortie, une fois arrivée dans le couloir, elle sentit Cruz qui lui agrippa le bras brusquement et la força à se retourner. Elle n’avait pas trop le choix, il était plus fort qu’elle mais même si son corps était face à lui, elle détourna sa tête pour ne pas le regarder. Il lui faisait pitié, pas dans le sens péjoratif, mais dans le sens où elle pouvait craquer à tout moment et faire la girouette.

- Que je sois d’accord ou non, Charlie a pris sa décision.

C’était une manière de rejeter la faute sur Charlie et ce même si cette dernière avait dit que l’idée était de Barbie. Barbara ne savait pas laquelle des deux avaient pensé en première à exclure Cruz, mais elle savait que ce n’était pas elle qui l’avait dit à voix haute. Elle était lâche et ne le regardait toujours pas dans les yeux. Mais sa langue finit par se délier.

- Mais je suis d’accord avec elle, dit-elle sans honte. Maintenant tu auras tout ton temps pour Chloé, mais cette comédie ridicule a assez duré.

Elle se tut et continua son chemin. Elle savait au fond d’elle que si Cruz avait répondu à sa déclaration à l’hôtel, tout ça ne se serait jamais passé.

Cruz l’interpellait à nouveau et ne pas pouvoir se libérer commençait vraiment à l’agacer. Elle ne voulait qu’une chose, qu’il les laisse tranquilles, elle et sa culpabilité. Mais son ami, son ancien ami plutôt n’avait pas l’air de cet avis. Elle accéléra le pas, un peu plus vite, le bruit de ses talons sur le sol était un peu plus fort. Mais Cruz était déjà en face d’elle, lui bloquant le passage et lui volant le peu de chance qu’elle avait de pouvoir le fuir. Cruz lui demandait si elle le jetait du groupe parce qu’il ne voulait pas d’elle. En plus d’être vexée qu’il lui balance cette réalité comme ça, elle était encore plus énervée qu’il n’avait pas l’air de vouloir se mettre dans la tête qu’elle n’était pas l’investigatrice de cette exclusion. Cruz devait le savoir que Charlie dirigeait tout, absolument tout. Elle croisa les bras sous sa poitrine et laissa échapper un petit rire, qui était plus nerveux que joyeux.

- Pour quelqu’un qui veut pas de moi, tu me coures bien après … dit-elle en se retournant pour mesurer la distance parcourue des portes de la cafeteria jusqu’à leur position actuelle.

Barbie n’aimait pas qu’on lui dise ce qu’elle devait faire, elle avait tenté de fuir de la cafeteria et Cruz la retenait sans cesse pour la mettre face à sa trahison. Maintenant qu’il avait décidé qu’elle pouvait partir, elle ne voulait plus. Elle s’en irait quand elle l’aura décidé. Elle croisa les bras sous sa poitrine pour lui faire face, immobile.

- Tu attends que Charlie t’exclue des So Cool pour me le dire, lui demanda-t-elle d’une voix glaciale mais qui tendait sur la raillerie.

Elle avait bien accentué le prénom de Charlie, pour signifier à nouveau que sa cousine était plus responsable qu’elle. Sans remords, de toute façon Charlie avait le rôle parfait de la pétasse et elle l’avait à nouveau démontré en affichant Barbie comme elle l’avait fait.