Barbie était chez elle, enfin chez les Cooper hélas, quand elle reçut un appel téléphonique d’une femme qui se disait être la secrétaire d’Edgar Shawell. Elle était attendue à l’hôpital de Degrasi. Son cœur s’arrêta, la première personne qui lui vint à l’esprit était Cruz. Barbara imagina tout de suite le pire, elle se disait qu’il avait tenté de se suicider à cause de la déchéance qu’on lui avait infligée et dans laquelle elle avait joyeusement participé. Sans un mot, elle quitta sa chambre et sortit discrètement de la maison Cooper, pour ne pas avoir à faire aux questions de sa tutrice. Dans le taxi, elle continuait de s’imaginer tous les pires scénarios possibles, s’il était arrivé quelque chose à Cruz, elle s’en voudrait toute sa vie. Enfin une bonne partie du moins.

Elle traversa les locaux du dispensaire, les mains dans les poches de son blouson en cuir qui moulait sa silhouette fine et qui s’accordait à merveille avec ses longs cheveux bouclés, noirs eux aussi. Devant une chambre, elle vit Ugo, Cruz, Chloé et Charlie. Visiblement, elle devait s’arrêter là où alors le monde était fait d’étranges coïncidences. Elle fut soulagée de voir Cruz en pleine santé, même si au bras de la clocharde qui lui servait de copine, elle aurait préféré le voir dans un lit d’hôpital. Elle n’eut pas le temps de demander ce qu’elle faisait là, qu’Edgar sortit d’une chambre et leur expliqua ce qui se tramait. Puis elle comprit un peu mieux, elle était la fille de feu Ian Thomas, donc elle se devait d’être ici pour l’occasion. Non en fait, elle ne comprit pas : c’était ridicule. Ils n’étaient pas en monarchie et son rang ne faisait pas d’elle une dame de compagnie de Beth Preston. La seule explication plausible, Edgar ignorait qui était la petite-amie de Cruz et puisque Crubie n’était pas passé inaperçu à l’époque et que Beth lui avait proposé d’être sa demoiselle d’honneur quand ils sortaient, il pensait qu’elle était toujours l’heureuse élue. Mais Chloé, que faisait-elle là alors ?  Elle reçut le baiser d’Edgar et le regarda partir un peu interloquée. Elle ne savait pas trop quoi dire aux personnes présentes, même si elle les connaissait tous très bien –malheureusement.

- Bon rétablissement à ta maman Ugo, dit-elle en faisant exprès d’ignorer Cruz et Chloé.

Elle passerait par derrière pour quitter l’établissement, depuis le décès de son père les seuls rapports qu’elle entretenait avec la presse étaient les interview et les fausses paparazzades rémunérées.

Chloé n'avait pas vraiment compris pourquoi la secrétaire de Shawell l'avait appelé... Figurait-elle désormais dans la liste des personnes à prévenir en cas de problème ? C'était assez étrange. Un KFC en compagnie de belle-maman semblait ne pas avoir autant de poids pour faire ainsi pencher la balance. Cependant, parce qu'elle n'était pas réellement un être insensible et égoïste au possible, elle avait décidée de répondre présent et d'y retrouver Cruz. Même si le simple fait que l'annonce vienne d'Edgar Shawell lui avait collé des frissons dans le dos, elle avait pensé faire cet effort pour son petit-ami. Elle avait retenu les paroles de Beth, qui lui avait gentiment conseillé de lui laisser sa liberté pour mieux le garder auprès d'elle. Ainsi, elle avait freiné toute envie ou besoin de faire la gueule. C'était avant tout sa mère, quoiqu'elle puisse savoir à leur sujet...

Une fois sur place, Chloé fut incapable de se détacher de Cruz. Non pas par élan de possessivité, mais simplement par crainte pour sa propre personne. Elle avait beau avoir l'habitude d'afficher une mine assurée et détachée, les yeux de Shawell ravivaient de douloureux souvenirs et le gorille qui le suivait à la trace lui foutait la trouille. Il devait très bien se rappeler d'elle et de ses courbes, car il la matait avec son regard de pervers. Chloé tenait la main de son petit ami, alors qu'il la gardait contre lui... Elle préférait ignorer les autres, se moquant bien que Barbie la calcule, ou qu'Ugo la dévisage.

Barbie ne daigna même pas regarder Cruz une seule second quand il lui demanda s’il n’était plus assez bien pour qu’elle lui adresse la parole. Comme si il était invisible, en mode 10 ans d’âge mental. Sur le moment, elle eut un peu honte. Elle se demandait pourquoi il ne lui en voulait pas au point de se complaire dans cette nouvelle relation basée sur l’ignorance de l’autre, mais après elle comprit. Elle l’avait juste libéré -avec Charlie- de son titre de So Cool et par conséquent, elle l’avait soulagé dans ses obligations et il pouvait à présent vivre sa vie comme il l’entendait et avec qui il voulait. Plutôt sympa, non ? Quand bien même la mauvaise foi de Barbie et ses excuses déculpabilisantes, Cruz l’avait pas mal insulté dans les couloirs, quand elle avait fait l’effort de se contenir. Finalement, c’était plutôt à lui de s’excuser. Voilà, c’était plus facile comme ça. Quelques piques envoyées entre les deux frères plus tard, Charlie demanda à Barbara de rester au moins le temps que Beth se réveille. Elle réfléchit quelques secondes, puis la curiosité, de voir la tournure qu’allait prendre cette réunion, prenant le dessus elle inclina la tête positivement.  Elle tourna son regard vers Cruz, son bien-aimé ancien ami et amant. D’humeur provocatrice, elle avait cessé de l’ignorer dans le simple but de surenchérir sur les paroles de sa cousine.

- Tu nous as toujours pas remercié d’ailleurs, souffla-t-elle avec une expression de défi.

Quelle pute, elle s’en voulait déjà. C’était inconfortable de faire du mal à une personne qu’on estimait au-delà de la rancœur. En grattant un peu, Barbie adorait Cruz et ne perdait pas en vu d’obtenir ce qu’elle voulait. Mais l’absence d’excuses et la simple présence de Chloé, suffisaient pour la motiver à se montrer hostile.

Avant même qu'elle n'ait lieu, Chloé avait craint cette confrontation. Et visiblement, elle avait bien fait, puisque cela tournait au règlement de compte. Même elle, qui n'avait pourtant pas lâcher le moindre mot depuis leur arrivée, en prenait pour son grade. Ugo se montrait bien agressif envers elle, cherchant apparemment à appuyer là où ça faisait mal. Pour toute réponse, elle arqua légèrement les sourcils et le fixa comme s'il était le dernier des crétins. Elle n'avait pas besoin de parler pour lui faire comprendre qu'il avait beau chercher à les rabaisser et à les provoquer, il n'était pas mieux au bras de la pire garce que portait ce monde. Si c'était ainsi qu'il parvenait à se berner tout seul sur un hypothétique bien être retrouvé... Tant mieux pour lui. La Bad Circle avait pas mal ramassé, et cela bien avant qu'elle n'éprouve le moindre sentiment pour l'aîné des Preston. Parfois physiquement, souvent psychologiquement. Bien sûr, les mots d'Ugo faisaient mal. Mais puisqu'il avait décidé de ne plus être que ça, un mec diabolique et juste dégueulasse, elle faisait avec.

Malheureusement, Cruz n'eut pas autant de self contrôle qu'elle. Chloé avait sentit sa main se serrer autour de la sienne, puis il s'était carrément jeté sur son petit frère. Bien évidemment, cet idiot en rajoutait une couche. En fait, Ugo Preston ne se sentait plus pisser, et s'il prenait un malin plaisir à écraser tout ceux qui l'entouraient, il finirait par devenir aussi pourri qu'une pomme véreuse, version masculine de Charlie Thomas. Elle se rapprocha avant que l'autre gorille ne fasse quoique ce soit, et conseilla à Cruz de se calmer s'il voulait voir sa mère. Avant de se retourner, elle toisa Ugo de la tête aux pieds avec mépris. « Je te croyais un peu plus malin que ça... Moins con en tout cas. » Il pouvait lui retourner toutes les horreurs qu'il voulait à son sujet, jamais il n'aurait pu frapper aussi fort que cet élan de sincérité qu'elle lui claquait en pleine face. « A la base vous êtes là pour voir Beth Preston, qu'est-ce que vous attendez ? » Elle leva les yeux au ciel. Les So Cool étaient des démeurés.

Ugo, ou qui que ce soit d'autre dans cette assemblée, pouvait la mépriser tant qu'il le souhaitait... Chloé s'en moquait finalement. Elle préférait laisser de côté le petit coq que basse cours faire son numéro et se concentrer sur l'essentiel et la raison de sa présence ici. Peut-être l'avait-il oublié -au profit de son nombril et de son ego devenu surdimensionné ; mais sa mère était dans la pièce voisine, allongée sur un lit d'hôpital. Il fallait que ça soit la petite junkie que tout le monde rabaissait qui leur remette les idées en place. Chloé leva les yeux au ciel une seconde fois, ne pouvait s'empêcher de le trouver ridicule. Des erreurs, elle en avait fait c'était indéniable. Aujourd'hui il lui était impossible d'avoir le moindre regret, vu le venin qu'Ugo semblait cracher en tout temps. Pour faire simple, il était devenu tout ce qu'il critiquait par le passé, mais chez lui ça n'avait rien de bien séduisant. Au contraire, quand on avait connu le vrai Ugo. Pas ce sosie à la Frankenstein. Il ne manqua pas de la bousculer d'un violent coup d'épaule, chose qu'elle trouva complètement ridicule. Elle prit sur elle, se doutant qu'il ne voulait qu'une seule chose : la foutre en rogne.

En entrant dans la chambre, Chloé découvrit une Beth Preston bien affaiblie. S'en était presque surréaliste, elle qui donnait toujours l'impression d'être toute puissante. Chloé resta silencieuse et discrète, sentant le drame pointer le bout de son nez.

Officiellement, la douce Beth était encore l'épouse du célèbre sportif, Adrian Preston. Légalement, elle était encore liée à lui, si bien que lorsqu'il lui arrivait quelque chose, il figurait sur la liste des proches à prévenir. Il était même prioritaire, et cela malgré la distance des derniers mois. Il n'avait pas perdu ses droits et devoirs d'époux. Alors lorsque l'hôpital le contacta pour le prévenir que sa femme venait d'être admise dans leur service d'urgences, son sang n'avait fait qu'un tour. L'inquiétude l'avait subitement envahi de toute part, le faisant taper du poing sur la table de colère. A tous les coups, il s'agissait de ses satanés médicaments... ! Il avait bien vu les nouvelles faiblesses de Beth, et si elle lui avait fait des promesses il n'était pas sûr à cent pour cent qu'elle tienne le coup.  Bien sûr, il n'avait pas perdu de temps pour quitter l'appartement qu'il louait en attendant de retrouver le lit conjugal du manoir. Il avait ordonné à son chauffeur de le conduire dans les plus bref délais au chevet de son épouse. Il se doutait bien que ce dégueulasse de Shawell aurait tout mis en œuvre pour protéger Beth, et donc enfermer la belle dans une cage dorée. Il pouvait être sûr qu'elle ne manquerait de rien... Et pourtant, il était littéralement rongé par une sorte de jalousie. Il voulait SA place, et il allait bien le faire comprendre.

En arrivant sur les lieux, il se rua vers l'accueil et demanda tous les renseignements nécessaires pour retrouver son épouse dans ce dédale de couloirs et chambres. On lui indiqua le bon numéro et la voie à prendre... Et au bout de ce chemin, se trouvait un gorille qui lui était familier. Et merde... Forcément, il aurait dû y penser avant même d'accourir ici. Edgar avait beau se penser au-dessus du monde, il pensait tout de même important de la placer sous surveillance. Adrian soupira et resta dans l'ombre, quelque instant, au croisement de deux allées. Il patienta de longues minutes, réfléchissant à une sortie de secours qui lui permettrait de se faufiler dans la chambre... Et là, miracle ! Apparemment la chance lui souriait puisque le gros sac qui servait de bodyguard à Shawell commençait à gigoter sur place, passant son poids d'un pied sur l'autre, puis remontant légèrement son pantalon... Ca sentait l'envie pressante ça ! Bingo ! Quelques secondes d'hésitations suffirent pour qu'il cède et quitte son poste quelques instants. Adrian se pressa jusqu'à la porte, et une fois devant, abaissa doucement la poignée. Lui qui pensait trouver Beth seule et endormie... il découvrit un sacré petit monde autour d'elle. « Euh... Bonjour. » Il était étonné de les voir tous rassemblés ici.

Barbara soupira sans discrétion, exaspérée par un Cruz qui continuait encore de l’insulter de salope. Et il voulait «être encore assez bien pour qu’elle lui adresse la parole» ? Barbie ne savait pas ce qui l’énervait le plus. Le terme dévalorisant qu’il lui crachait à la figure ou le simple fait qu’il la mette dans le même panier que Charlie. Même si leur amitié avait volé en éclat une première fois à la cafétéria et la seconde quand, quelques minutes plus tard, ils avaient lavé leur linge sale dans les couloirs du lycée, Barbara espérait toujours que leur relation soit malgré tout plus significative que celle qui l’avait eu avec Charlie. Après tout, même si sa cousine et lui s’étaient connus avant, ils n’avaient jamais été aussi proches qu’il avait pu l’être avec elle-même. Les mots d’Ugo étaient tranchants, Barbie s’étonna que celui qu’elle avait toujours considéré comme l’ignominie des Preston puisse s’avouer aussi hardi. Etait-ce pour ça que Charlie avait jeté son dévolu sur lui ou sa cousine n’était-elle pas étrangère à cette nouvelle version d’Ugo, beaucoup moins niaise et cheap que la précédente ? Si l’assurance était l’une de ses nouvelles qualités, Ugo semblait aussi s’avouait être devenu révélateur et humiliant. Cruz ne se défendait même pas de ses allégations, seulement un simple juron sans aucuns arguments, il ne niait pas fantasmer sur sa poufiasse et mégère de mère. Si le coup bas avait été moins étrange et gênant, Barbie s’en serait donné à cœur joie pour toiser Cruz du regard, le rabaissant un peu plus pour se venger des insultes qu’il lui avait balancé à la figure, mais là elle n’osa même pas le regarder. Son cœur penchait entre la jalousie et l’écœurement, elle détourna son regard comme si elle n’avait rien entendu. Ni les jets de venin d’Ugo, les vulgarités de Cruz, le discours moralisateur de Kennedy ou les minauderies de sa cousine. Pourquoi les situations étaient-elles si épiques ? Malgré qu’elle n’avait rien à faire ici, devant la chambre d’hopital d’une femme qu’elle n’aimait pas, Barbara suivit la petite bande. Elle se devait au moins de faire semblant, souhaiter un bon rétablissement à Beth. Elle n’était pas une sauvage comme Chloé, elle était une Thomas.

- On m’a fait venir ici probablement par erreur, dit-elle avec un grand sourire à Beth qui la dévisageait se demandant ce qu’elle fichait ici. Je vous laisse en famille, mais je tiens à vous féliciter pour cette grossesse. Votre futur époux est aux anges.

Que de formalités, mais au moins elle avait fait bonne figure. Dommage qu’elle n’avait pas vu monsieur Preston entrait dans la pièce, elle y aurait sûrement mis moins d’entrain. Oups. Un sourire confus se dessina sur son visage, loin des machinations habituelles de sa cousine, le sien était sincère. Se mettant en retrait comme pour annuler ses paroles, elle se dit qu’elle allait peut-être finalement rester. La suite s’avèrerait intéressante. Quoi ? Elle n’était pas aussi garce que Charlie, mais elle restait humaine. (a)